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"Un retour à l’essentiel. À ma nature sauvage", l'exploit immense de Mathieu Blanchard, vainqueur du terrible ultra-trail Yukon Arctic Ultra

L'ultra-trailer français Mathieu Blanchard, à Paris le 31 mars 2023

L'ultra-trailer français Mathieu Blanchard, à Paris le 31 mars 2023 - ALAIN JOCARD / AFP

L'aventurier français Mathieu Blanchard, qui s'était fait un nom dans Koh Lanta, a franchi en premier la ligne d'arrivée de la Yukon Arctic Ultra, ultra-trail de plus de 600 kilomètres dans des conditions de froid extrême au Canada.

Une performance hors norme. Lundi 10 février, Mathieu Blanchard a remporté la Yukon Arctic Ultra, une course à pied en milieu naturel (ultra-trail) de 608 kilomètres dans le nord-ouest du Canada. L'aventurier français de 37 ans a franchi la ligne d'arrivée à Faro, après sept jours et vingt-deux heures sur des sentiers enneigés où les températures peuvent descendre jusqu'à -50 degrés celsius.

"Ce n’est pas une victoire contre le froid ou la distance. C’est un retour à l’essentiel. À l’instinct. À ma nature sauvage", a-t-il écrit sur Instagram.

Qui est Mathieu Blanchard?

Originaire de Cavaillon (Vaucluse), élevé à Bouillante (Guadeloupe), naturalisé canadien en 2023, Mathieu Blanchard s'est fait un nom dans le monde de l'ultra-trail en quelques années. Il est aujourd'hui considéré comme le troisième meilleur athlète au monde sur 100 miles (160 km), avec notamment sa victoire remarquable sur la Diagonale des fous à La Réunion en octobre dernier avec un chrono de 23 heures et 25 minutes sur 175 kilomètres.

Il s'agissait de sa première participation sur ce monument de l'ultra-trail. Il aurait dû en être en 2019 s'il n'avait pas été retenu pour participer à Koh-Lanta: Les 4 Terres. Malgré une élimination assez rapide, au 11e jour, cette participation lui a permis d'obtenir une certaine notoriété avant de devenir un coureur star. "Je pense que j’ai entendu le prénom Mathieu, un million de fois", s'était-il étonné au terme de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc 2022.

Qu'est-ce que la Yukon Arctic Ultra?

La Yukon Arctic Ultra a la réputation d'être l'ultra-trail le plus dur au monde. Par sa distance, déjà. C'est quatre fois celle de la Diagonale des fous et des autres épreuves prestigieuses que sont la Western States, la Hardrock 100, l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Et par les conditions dantesques avec le froid extrême et le refroidissement éolien dans le Yukon, vaste territoire du nord canadien. Actuellement, les températures oscillent entre -26°C et -14°C avec des rafales de 15 km/h qui accentuent le ressenti.

"Des situations qui, dans des circonstances normales, ne posent aucun problème, peuvent devenir un véritable danger de mort au cœur de l'hiver au Yukon", prévient l'organisation de la course, qui peut soumettre des coureurs à respecter des pauses forcées aux différents points de contrôle situés sur le parcours qui doit être effectué en 12 jours maximum.

Lors de sa préparation, Mathieu Blanchard a notamment couru dans un réfrigérateur géant à -21°C, mais aussi sur des routes enneigées en tirant un pneu accroché à la ceinture. Une manière de simuler la traction du traîneau qui contient son équipement massif. Le règlement impose d'ailleurs une longue liste (plus de 21 points) de matériel obligatoire, qui va des lampes frontales au sac de couchage homologué, en passant par un sifflet d'urgence, une petite scie et un réchaud. Pour le sommeil, c'est aux points de contrôle ou tout simplement en bivouac au bord de la route.

À quelques jours du départ, il écrivait sur Instagram: "On n’est jamais vraiment prêt pour un défi hors norme. Ce qui compte, c’est l’expérience, l’adaptation et la capacité à improviser face aux imprévus. Avant le Yukon Arctic Ultra, je m’entraîne dans des conditions extrêmes, je teste mon matériel jusqu’à la corde et je me prépare à réparer, recoudre… même moi-même. L’incertitude fait partie de l’aventure. Je l’accepte".

Preuve supplémentaire s'il en fallait du défi physique colossal: sur la trentaine d'inscrits, ils n'étaient plus que quatre encore en course après six jours. Et Mathieu Blanchard n'est pas passé loin de l'abandon. Une gêne importante aux poumons l'a obligé à s'arrêter pendant 15 heures. Il avait fait part de ses inquiétudes à son équipe, qui a relayé le message sur ses réseaux: "Lors de cette nuit glaciale, mes poumons sont bloqués, j’ai la sensation de ne plus pouvoir respirer correctement, comme si je n'avais qu’un quart de ma capacité, impossible de faire trois pas sans être extrêmement essoufflé! Très dangereux quand tu comptes sur le mouvement pour survivre à -40°C". Au point même de solliciter sa communauté pour avoir l'avis d'un "pneumologue".

Il était finalement reparti dans la pénombre: "À 3 heures du matin, au milieu de la nuit, j’ai décidé de reprendre ma quête. Je verrai comment vont mes poumons. Si ça s’empire, j’abandonnerai, sinon je continue". Quelques jours plus tard, c'est avec des morceaux de glace accrochés à sa barbe qu'il a versé une larme pour célébrer sa médaille de "finisher" autour du cou.

https://twitter.com/julien_absalon Julien Absalon Journaliste RMC Sport