Bartoli au paradis des demies

Première demi-finale à Roland-Garros pour la Française - -
Un index levé, comme un défi lancé au public du court Suzanne-Lenglen. « Un point ! », hurle Marion Bartoli. Un point pour achever la résistance de Svetlana Kuznetsova et gagner le droit de jouer une demi-finale sur le Central, jeudi après-midi. Coriace, la Russe est déjà revenue de 5-2 à 5-4. On la sent aussi lucide que la Française est surexcitée, répétant ses gestes, piétinant comme un boxeur entre chaque échange. « Ne vous inquiétez pas, mon cœur bat très lentement, pas de risque de crise cardiaque », s’amusera-t-elle en début de soirée.
Ce point si difficile à inscrire, Bartoli va aller le chercher à sa manière, en construisant son point, en usant son adversaire avant de le cueillir d’une dernière gifle de coup droit. Près de deux heures lui ont été nécessaires pour décourager la Russe, vainqueur en 2009. « J’ai la chair de poule, lâche-t-elle d’emblée. C’est un moment exceptionnel. Je ne pensais pas aller jusqu’en demi-finales. J’ai eu du mal à conclure, mais je m’entraîne dur au quotidien avec mon père. Ce match, on l’a gagné tous les deux. »
Dans la tribune des joueurs, Walter Bartoli, casquette vissée sur la tête, est au bord des larmes. Sa fille est dans le dernier carré à Roland-Garros, vingt ans après leurs premières balles échangées sur le court municipal de Retournac, la petite commune de Haute-Loire où il était alors médecin. Les deux se retrouveront peu après dans les couloirs du Lenglen. Emotion, étreinte, tendre baiser. A 26 ans, Marion est la quatrième Française seulement à réaliser une telle performance depuis le début de l’ère Open (1968), après Françoise Dürr, Brigitte Simon et Mary Pierce. « C’est une très grande fierté », concède la brune au sang corse. Avant d’ajouter : « Mais Mary a gagné ici. Moi aussi je veux aller en finale. »
« Ne penser qu’à la victoire »
« Le plus dur pour moi, c’est de passer les premiers tours dans les grands tournois », poursuit la finaliste-surprise de Wimbledon 2007 dans un anglais quasi-parfait devant une presse internationale avide d’en savoir plus sur cette petite « Frenchie » qui enchaîne les performances. Elle donne le change sans se départir de ce sérieux qui ne la quitte jamais. Confie, elle qui tient tant à sa discrétion, qu’elle est accompagnée de sa famille, parents bien sûr, frère, oncle… « Ils savent tout le travail accompli ».
En demi-finales, Marion Bartoli sera opposée à l’Italienne Francesca Schiavone, tenante du titre malmenée ce mardi sur le Central par la Russe Pavlyuchenkova. « Oui, c’est jouable, il faudra que j’entre sur le terrain avec la même attitude, en ne pensant qu’à la victoire », prédit la n°11 mondiale, qui n’a battu Schiavone qu’une fois en cinq matchs. Encore deux victoires, deux index levés et elle soulèverait le trophée des Internationaux de France, onze ans après Pierce. Cela n’a plus rien d’utopique dans un tableau délesté de nombreuses favorites. Plus rien n’est utopique désormais.