RMC Sport

Bartoli, écorchée très vive

Marion Bartoli

Marion Bartoli - -

OVNI du tennis français, vivant dans sa bulle, aussi irritante qu’attachante, la n°11 mondiale va tenter de se qualifier pour les demi-finales ce mardi à Roland-Garros face à la Russe Kuznetsova, vainqueur en 2009. Son parcours force le respect.

Marion Bartoli, c’est avant tout l’histoire d’une volonté hors du commun. Celle d’une jeune fille au quotient intellectuel (QI) de surdouée (175) qui ne se repose pas sur ses lauriers. D’ailleurs elle ne se repose presque jamais. « C’est un grand plaisir pour moi de travailler, annonce-t-elle d’une voix aussi douce que son caractère peut être tranchant. Chaque jour quand je me réveille, je ne pense qu’à m’améliorer. Avec mon père, on se fixe des objectifs avant de partir à l’entraînement. Ce que je dois ressentir, comment la balle doit sortir de ma raquette... Tant qu’on n’y arrive pas, on continue, peu importe le temps qu’on y passe. »

Son père et entraîneur, Walter, avec qui elle forme depuis son enfance le duo le plus indestructible du tennis français, quitte à snober depuis des années les sélections en Fed Cup. Trop de compromis à faire pour se fondre dans le collectif. Trop d’entorses à des habitudes immuables. « Le matin de son huitième de finale face à Dulko (remporté 7-5, 1-0, abandon), Marion s’est entraînée trois heures, confie l’ex-médecin au chevet permanent de sa fille unique. Vous en connaissez beaucoup, vous, des joueuses qui en font autant avant un match ? » Non. « Voilà, c’est la clef de la réussite. Si on déroge à cela, elle n’est plus à son maximum, elle ne peut plus y arriver. »

Alors Marion, qui veut « que tout soit parfait, au point d’en devenir pénible pour les autres », bosse. En dehors de toute filière fédérale, de toute académie. Cela ne l’a pas empêchée, elle dont le physique (1,70m pour 63kg) et les rondeurs provoquent parfois les sarcasmes, de devenir numéro un tricolore et d’atteindre la finale à Wimbledon, en 2007. « Elle est plus forte aujourd’hui, assure Walter. Le plus compliqué, c’est de se remettre en question, de se dire que les autres jouent de mieux en mieux, qu’il faut sans cesse progresser. » Sans compter le temps qui passe.

« Je n’envisage plus la défaite »

Quatre ans se sont écoulés depuis sa conquête du gazon londonien et les mots doux que lui envoyait Pierce Brosnan alias James Bond, sous le charme de cette petite « Frenchie » à queue de cheval. A l’époque, Bartoli avait annoncé la couleur : succéder à Amélie Mauresmo au sommet du classement mondial. Elle n’y est pas encore parvenue ; la marche sera peut-être trop haute (son meilleur classement fut 8e en 2008). Mais à 26 ans, la native du Puy-en-Velay, qui a du sang corse dans les veines, se dit qu’une victoire en Grand Chelem pourrait tout de même être dans ses cordes. Et que l’heure est peut-être venue de faire coup double en gagnant sur la brique pilée, en France, même si la surface ne convient guère à son jeu tout en punch.

« Je suis partie de très loin sur terre battue cette saison, admet la joueuse. A Barcelone, je perds au premier tour en faisant un match nullissime. Un choc. J’ai pris une feuille, écrit mes objectifs. Il fallait une implication plus forte. Je veux réussir sur cette surface. Je n’ai pas lâché l’affaire. » Contre la volonté de son père, elle joue tous les tournois avant Roland-Garros. « Je lui disais de freiner, mais elle insistait », sourit Walter. A Strasbourg, juste avant d’arriver à Paris, elle atteint la première finale de sa carrière dans l’Hexagone. « Un déclic », dit-elle. Elle perd sur blessure, dramatise un peu (« Il est temps de prier pour un miracle pour que je sois à Roland-Garros », se replonge dans sa bulle et entame sa quinzaine Porte d’Auteuil par trois victoires accrochées avant de bénéficier de l’abandon de Dulko pour atteindre les quarts de finale. Une première. « Avant, j’arrivais ici tendue, avec une chape de plomb sur moi. Je me disais ‘’Mais qu’est-ce qu’ils vont dire si je perds, ça va être un drame, je vais me faire assassiner’’. J’avais la tête et les épaules basses, mon attitude s’en ressentait. Maintenant je me dis, ‘’Ok, c’est difficile, mais vas-y !’’ Je n’envisage plus la défaite. » 

Et le public, logiquement distant jusqu’à aujourd’hui, adhère. Des « Marion, Marion » ponctuent régulièrement ses parties. Même Walter le discret avoue vivre des moments privilégiés. « Emotionnellement, c’est plus fort que d’habitude. Vu tous les efforts que nous avons consentis pour en arriver là, ce tournoi représente beaucoup. » Plus que deux victoires pour aller en finale et réaliser ce que Marion Bartoli appelle « un rêve de gosse ». Car madame rêve, aussi...

JFP