Gasquet, autopsie d’une métamorphose

Richard Gasquet - -
Un cap franchi sur le plan mental
Patrice Dominguez (ancien joueur) :
« Il bat Raonic en sauvant une balle de match, il bat un Ferrer contre qui il avait perdu huit fois en neuf matches… Il a progressé sur le plan mental, et est capable de s’arracher pour aller chercher la victoire au bout de l’effort. C’est une grande victoire sur lui-même. A Roland-Garros cette année, il perd contre Wawrinka en cinq sets après avoir remporté les deux premiers. Ça lui a servi de référence. Il avait le sentiment qu’il était fatigué alors qu’il ne l’était pas. Cette fois, il a su faire abstraction, preuve qu’il est beaucoup mieux dans sa tête. »
Arnaud Clément (capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis) :
« L’année dernière, il n’était pas si loin que ça. Mais à présent, on sent beaucoup de sérénité qui se dégage de Richard, même quand il est dominé dans les 3e et 4e sets contre Ferrer, il reste calme, concentré sur ses plans de jeu. Sa progression vient aussi de la confiance qu’il a accumulée ces derniers mois. Les grands matches vont souvent loin, c’est dur physiquement, c’est là qu’on pousse ses limites. Réussir à en enchaîner deux, ça montre qu’il est costaud. Il se prouve à lui-même qu’il est capable d’enchaîner face à des joueurs qui sont intraitables sur les plans physique et mental. »
Un physique déterminant
Patrice Dominguez :
« Depuis trois ans, il travaille avec deux coaches différents, Sébastien Grosjean et Riccardo Piatti. Ce travail porte ses fruits. Il a repris le chemin des salles de culture physique, il a repris le jogging. Il est dans un équilibre de santé et de physique qui lui a permis de se renforcer, et d’oublier cet aspect de son jeu. C’était un paramètre capital pour lui. Sur cet US Open, il montre à tout le monde qu’il est capable d’aller au bout d’efforts conséquents. Aller chercher Ferrer au 5e set, après 3h30 de jeu, ce n’est pas anodin. »
Arnaud Clément :
« Physiquement, il tient la distance. Il enchaîne deux matches en cinq sets, il a fait beaucoup de progrès de ce côté-là. Ses objectifs sont de plus en plus haut, il fait tout pour les atteindre, et ce n’est pas un hasard de le voir à ce niveau. Il a énormément de talent, tout le monde le sait, mais quand on le voit tenir contre Ferrer en cinq sets, ce n’est pas simplement grâce à son coup de raquette, c’est le boulot. »
27 ans, l'âge de raison
Eric Winogradsky (son ancien entraîneur) :
« Quand il est arrivé sur le circuit, il n’avait même pas 16 ans. Ça lui est tombé dessus de manière brutale. Beaucoup ont dit qu’ils n’avaient pas les épaules. Arriver sur le circuit aussi tôt en étant sur le devant de la scène depuis ses 9 ans, ça use. Mais il est toujours là, il continue son bonhomme de chemin, il progresse. Chacun son rythme. Ferrer, à quel âge il est arrivé dans le top 10 ? Haas joue son meilleur tennis à 35 ans. Dans le top 100, il y a 25% de joueurs qui ont plus de 30 ans. On a la droit d’arriver à maturité entre 25 et 30 ans. On est tous gourmands, on a tous envie de le voir arriver le plus haut possible, mais il faut respecter son rythme.
Patrice Dominguez :
« C’est une confirmation. Après avoir gagné un match en cinq très difficile en sauvant une balle de match, rééditer l’exploit, tout le monde pensait que c’était impossible. Souvent il avait craqué dans l’accumulation par lacunes physiques ou faiblesse mentale. Mais là, il a disputé un match plein, même si c’était compliqué. Psychologiquement, il a fait craquer Ferrer. C’est un Gasquet mature, qui progresse à chaque sortie désormais. A 27 ans, on a l’avenir devant soi. A 28 ans, Marion Bartoli a bien gagné son premier Grand Chelem ».
Confiance et caractère, le ticket gagnant
Cédric Pioline (ancien numéro 1 français) :
« Ce qui me fait très plaisir, au-delà du jeu qu’il déploie, c’est qu’il montre beaucoup plus de caractère que ce qu’il pouvait montrer par le passé. Est-ce que c’est uniquement ici ou est-ce que c’est quelque chose qu’il va garder, on verra… En tout cas, c’est pour moi un vrai progrès. Il avait tendance à être un peu attentiste, là il a su donner le coup de rein quand il fallait. Sa personnalité est toujours la même, mais il a peut-être compris des choses, à force de bloquer en 8e. Ça fera partie des tournois référence pour lui et pour la suite de sa carrière. »
Patrice Dominguez :
« On a souvent raillé sa timidité, son manque d’ambition. Il est timide au départ. On se souvient de lui avec une casquette à l’envers, qui se cachait au changement de côté. Aujourd’hui, il marche la tête haute, il s’est redressé. On pensait que c’était un joueur pas capable de jouer avec son cœur. Je pense que depuis deux ans, Richard n’a cessé de progressé. Il a gagné deux tournois, il fait trois 8e de finale en grand chelem, il bat un certain nombre de joueurs du top 10, il est très bien installé dans le top 10, et les points qu’il vient de remporter vont lui permettre de progresser encore, avec le plein de confiance. C’est un joueur qui est en train de se stabiliser. »
A lire aussi :
- US Open : Gasquet, c’est grand !
- Dominguez : « Extraordinaire Gasquet »
- Pourquoi Gasquet peut le faire