L’incroyable destin de Millman, tombeur de Federer à l’US Open

Lorsqu’il a battu Roger Federer en 8es de finale de l’US Open, lundi soir dans la plus grande arène de la planète, John Millman, 55e mondial, est resté d’une sobriété stupéfiante. Il venait de se faire connaître au monde et pourtant pas la moindre explosion de joie. Tout simplement parce qu’il s’est presque senti coupable. "Roger était mon idole et j’étais bien conscient qu’il n’avait connu un jour sans."
Né à Brisbane il y a 29 ans, Millman est l’un de ses anonymes du circuit qui, pourtant, grâce son travail, son professionnalisme et son amour du jeu, est justement récompensé: il a porté le survêtement de l’équipe de Coupe Davis d’Australie, il a joué sur la Rod Laver Arena. Maintenant, il gagne enfin sa vie grâce au tennis. Il est assuré de décrocher un chèque de 475.000 dollars, autant que ses gains cumulés en 2018. Mais il en a bavé.
En janvier, pour le site "Players’voice", John Millman s’était confié avec une sincérité rare.
"Mes parents travaillaient dur, alternaient cinq jobs pour nous payer des écoles alors je leur ai dit que si je choisissais ce que je voulais faire, je le ferai à la sueur de mon front. Je n'ai pas reçu d'aide et n'ai pas été exposé quand j'ai commencé, alors j'ai dû me débrouiller tout seul. C’était difficile. Parfois, vous dormiez à même le sol dans les gares ou les aéroports et vous jouez littéralement pour vous permettre de prendre votre vol où que vous soyez."
L’envers du décor du prestigieux circuit où les stars amassent des millions de dollars.
Opéré une deuxième fois d’une épaule en 2013, l’Australien a été aidé par un pote qui lui a offert un job dans un bureau. "Je ne savais pas si je reviendrais ou pas", assure-t-il. Mais il est retourné sur les couts. Il voulait se donner une ultime chance. En redémarrant tout en bas de l’échelle puisqu’il pointait au 1193e rang mondial en juin 2014.
Vainqueur de Tommy Robredo au premier tour de Wimbledon 2015, il décroche son premier Graal en intégrant le top 100. Il a désormais accès aux tournois ATP mais ne parvient pas à percer. Pire, une nouvelle opération à l’aine freine sa carrière. En août dernier, il est rejeté à la 235e place mondiale. Comme toujours, Millman s’accroche. La vie sur le circuit lui plait. Séduit par sa sympathie, Roger Federer l’invite même pour un bloc d’entraînement en Suisse au printemps. Quelques semaines après un titre au Challenger d’Aix-en-Provence, cher à Arnaud Clément.
"Ces blessures constituaient des défis, a-t-il avoué lundi en conférence de presse. Sur tous les plans: financier, physique et mental. J’ai été soutenu par un groupe de potes qui m’empêchaient de broyer du noir. J’ai réussi à rebondir et c’est cool."
Ce mercredi soir, l’Australien va retrouver l’immense Ashe Stadium et il va prier pour les conditions soient aussi humides que face au n°2 mondial. Aucun australien n’a atteint le dernier carré à Flushing Meadows depuis Lleyton Hewitt en 2005."Novak Djokovic est un joueur incroyable, dit Millman. Il va falloir que je progresse par rapport à notre seule rencontre (le Serbe l’avait nettoyé 6-1, 6-2 au Queen’s, en juin, ndlr) ». Mais l’histoire intime de Millman laisse à penser qu’il va vendre chèrement sa peau.