Mahut : « Le meilleur tennis de ma carrière »

Nicolas Mahut - -
Nicolas Mahut, quel est votre sentiment après ce match historique ?
Tout est retombé. La déception est à la hauteur de l’investissement que j’ai pu mettre pendant trois jours. J’ai du mal là tout de suite à prendre du recul sur ce qui s’est passé. J’espère que le fils de ma copine a pu regarder le match. Ça fait trois ans que j’essaie de lui expliquer certaines valeurs de ténacité, d’investissement. J’espère que ça lui servira de leçon.
Vous avez eu un malaise...
Je n’étais pas très bien, oui. Je ne saurais pas l’expliquer. J’ai eu l’impression d’avoir un black-out. Sur le match non plus, je ne me souviens pas de grand-chose. Tout ce dont je me rappelle, ce sont des images où je vois mon entourage être debout à chacun de mes points. J’ai pris toute l’énergie de mon entourage. Il y avait tout le monde. J’avais le sentiment d’être indestructible. Je voulais continuer. Je pensais vouloir plus la victoire que lui. Il a été un champion, il a été la chercher. Je ne me souviens plus du dernier jeu. Bravo à lui. Il a fait ce qu’il fallait.
Vous avez un peu perçu ce qui se passait autour de vous ?
Non. J’ai été tout le temps derrière. Je voulais juste tenir bon. Je voulais gagner ce match. C’était un privilège de jouer contre lui, dans un match ici. On retient souvent le nom du vainqueur et je voulais que ce soit moi. On a fait le plus grand match de l’histoire du tennis, en termes de jeux et d’aces pas forcément en qualité de jeu. On est tous les deux entrés dans l’histoire du jeu et lui est sorti du court en vainqueur.
Au moment de servir lors du dernier jeu, vous vous sentiez aussi fort que les autres fois?
Je me sentais de plus en plus fort. J’avais l’impression de jouer le meilleur tennis de ma carrière. J’ai pris l’énergie de tout le monde. J’avais l’impression que je pouvais ne jamais m’arrêter. Je frappais bien la balle, je faisais un peu ce que je voulais. C’est bizarre, mais j’avais l’impression de contrôler mes jeux de service. Je gardais toujours en tête que ça pouvait finir par passer. J’ai attendu ce moment-là… il n’est jamais venu. J’ai réussi à dépasser certaines limites…je me rends compte que j’aurais pu aller beaucoup plus loin, qu’on pouvait aller au-delà de la fatigue, des douleurs…
Toute la cérémonie qu’il y a eu après le match, comment l’allez-vous vécue ?
Depuis la balle de match, c’est assez flou. Je ne sais même pas ce que j’ai dit. Je sais que Tim Henman était là… Je suis heureux d’avoir fait ce match-là ici. Pour moi, c’est le plus grand tournoi. J’ai envie de faire quelque chose de grand ici, je parle en termes de résultats. Faire le record ici est un signe particulier.
John Isner a dit lors de sa conférence de presse que vous alliez être liés, désormais, après ce match.
Il a raison. On ne se connaissait pas bien avant. On a appris à se connaître pendant trois jours. On est lié à ce match-là. Ce qui va être bien pour lui et difficile pour moi, c’est que jusqu’à la fin de ma carrière et probablement après, on va me reparler de ce match. Ça risque d’être incroyable pour lui. Moi, ça me rappellera à chaque fois que j’ai perdu. Mes coaches m’ont dit que ce qui s’était passé a dépassé la victoire et la défaite. J’espère avoir ce recul nécessaire.
Fabrice Santoro a déclaré « qu’il aurait préféré que ce match n’ait pas de vainqueur, que vous déclariez tous les deux forfait »...
Oui, mais il en fallait un. On a repoussé les limites, on est allé très très loin. Il fallait que ça se termine. C’est un record de moins pour Fabrice, désolé.
Vous avez quand même enchaîné par un double...
Oui. Au départ, Arnaud (Clément) ne voulait pas jouer. C'est vrai que je ne me sentais pas très bien après mon match. Il ne voulait pas prendre de risque. Mais moi, je voulais y aller, car renoncer aurait signifié une deuxième défaite. Je savais que c'était sur le même court. Je voulais y retourner pour gagner cette fois.