Transat Jacques Vabre: enfin le grand décollage pour les Ultimes

"On a hâte de se retrouver ensemble sur l'eau. On est en train de réussir notre pari. On écrit une histoire importante de la course au large en France qui va marquer un tournant technologique et médiatique". Thomas Coville en est persuadé. Pour le skipper de Sodebo, cette Transat Jacques Vabre va marquer le début de l'avènement des Ultimes dans le monde de la voile. Enfin!
Cela fait déjà plusieurs années que des maxi-trimarans (30 mètres de long pour 20 mètres de large) sont au départ des plus grandes courses. Ils étaient cinq par exemple lors de la dernière Route du Rhum en 2018 mais avec des bateaux âgés de un à onze ans.
Cette fois sur cette Jacques Vabre, ce sera le grand affrontement entre les bateaux volants équipés des dernières technologies. Certains vivront même leur première course comme celui de François Gabart (SVR Lazartigue) mis à l'eau en juillet dernier. Le Banque Populaire d'Armel Le Cleach n'est sorti du chantier qu'en avril 2021. Le Sodebo Ultim 3 de Thomas Coville date de 2019. Le Gitana de Franck Cammas et Charles Caudrelier de 2017. Seul Actual le bateau d'Yves Le Blevec est plus ancien datant de 2015 mais il reste très performant. C'est l'ancien Foncia de François Gabart recordman du tour du monde en solitaire en 2019 en 42 jours et 16 heures.
Des vitesses de pointe proche des 100km/h
Alors à quoi s'attendre? "Les images au départ vont être magnifiques avec des bateaux qui très vite avec très peu de vent prennent beaucoup de vitesse et se mettent à voler" prévient Kevin Escoffier co-skipper d'Armel Le Cleach sur Banque Populaire. "Ce sont des bateaux qui arrivent à des vitesses de pointe de 45 voire 50 noeuds ce qui fait quasiment du 100km/h" s'enthousiasme même François Gabart "le tout avec des vagues de plusieurs mètres selon les conditions. Mais ce qui nous intéresse, c'est surtout que l'on peut tenir des vitesses moyennes très élevées de 40 noeuds pendant plusieurs heures".
Pour atteindre ces performances, l'architecture des bateaux neufs a évolué parfois de manière radicale. Le Sodebo Ultim 3 de Thomas Coville avait déjà surpris avec son cockpit placé devant le mât plus à l'avant du bateau. Le Banque Populaire de Le Cleach a fait le choix d'un cockpit tout à l'arrière et le plus possible au ras des coques pour avoir moins de freinage au vent. Le SVR Lazartigue de François Gabart a été encore plus loin puisqu'il n'y a tout simplement... plus de cockpit. La zone de vie est située directement dans la coque centrale. Seules deux bulles dépassent pour pouvoir barrer le bateau. "L'idée était de travailler le plus possible sur l'aérodynamie, sur l'effet de plaque, que le moins d’éléments possibles n'aient de prise au vent et ne ralentissent le bateau" explique Gabart.
"On a aussi beaucoup progressé sur les foils" appuie Armel Le Cleach. Les foils, ce sont ces grandes lames de carbone placées sous le bateau qui permettent de s'envoler au-dessus de l'eau. "Ils ont pratiquement doublé de taille en 4 ans. On a aussi beaucoup avancé sur la sécurité avec des instruments de mesure à bord pour savoir jusqu'où on peut pousser le bateau". Reste maintenant à tester en situation la fiabilité des bateaux et éviter la casse si fréquente notamment lors de collision avec les OFNIS (Objets Flottants Non Identifiés).
Une course autour du monde en solitaire en 2023
Si les bateaux évitent les collisions, qui sera le vainqueur à Fort-de-France après 12 à 14 jours de course? Pour beaucoup, Franck Cammas et Charles Caudrelier sur Gitana Edmond de Rothschild qui skippent le bateau ensemble depuis deux ans font figure de favori. Les deux marins assument. "On ne pense pas à çà quand on part mais oui on sait que notre bateau n'a pas de réel point faible et a fait ses preuves".
Pour tous les skippers, la course s'annonce très ouverte. "Pour moi, les cinq bateaux peuvent gagner" affirme Armel Le Cleach. "Ce sera une bataille serrée" appuie Kevin Escoffier. "Avec ces bateaux et le parcours, les écarts vont se faire et se défaire rapidement. On ne pourra jamais se dire qu'on a course gagnée. Il va y avoir beaucoup de suspense".
Parfait pour lancer la nouvelle ère de ces Ultimes avec un programme déjà alléchant puisqu’après cette Transat Jacques Vabre, ces bateaux se retrouveront pour la Route du Rhum en 2022 avant une course autour du monde en solitaire au départ de Brest "la Brest Océans" en décembre 2023 qui ambitionne de devenir à terme "le Vendée Globe des maxi-trimarans".