"Un moment un peu farfelu pour une famille", comment Clarisse Cremer et Tanguy Le Turquais fêtent les deux ans de leur fille sur le Vendée Globe

Clarisse Cremer - Instagram
Pour le couple Clarisse Cremer–Tanguy Le Turquais cette journée du 15 novembre en mer n’a rien d’anodine car elle marque la date anniversaire de leur fille Mathilda née en 2022. Après cinq jours de course les deux marins sont en contact avec leur fille gardée par Léna, la sœur de Tanguy. Ce vendredi midi à bord de son bateau "Lazare" le skipper avait le sourire et mis un short pour l’arrivée dans les alizés.
"C'est le bonheur, j’ai fait tomber les collants après quatre-cinq jours de course. En fait, on commence à perdre un petit peu la notion du temps. Je connais la date mais j'ai arrêté de compter. Je connais la date parce que c'est l'anniversaire de ma fille aujourd'hui, donc je m'en souviens, je n'ai pas le choix. Mais on a arrêté de compter, je ne sais plus trop, les jours, le temps. Tout se mélange, le jour, la nuit… Mais c'est une journée particulière. C'est l'anniversaire de Mathilda qui a 2 ans. Je culpabilise un petit peu en tant que papa parce que je n'étais là ni à la naissance, ni pour ses un an et ni pour ses deux ans parce qu'à chaque fois, j'étais en mer." Il y a deux ans Tanguy était à mi-course de La route du Rhum lorsqu’il a appris la naissance de sa fille et l’an passé en pleine Transat Jacques Vabre.
Tanguy : "Ça m’a fait beaucoup de bien de pleurer"
Ce matin le couple a échangé quelques textos "pour se souhaiter un joyeux anniversaire à nous aussi parce que c'est un peu notre moment, poursuit Tanguy. C'est sûr que c'est particulier, mais je suis sûr qu'on pourra lui raconter ça plus tard. Ça sera un moment émouvant. On n'a pas eu d'échange avec elle. On reçoit des petites photos de Léna qui s'en occupe. Elle a un grand sourire sur toutes les photos, elle a l'air très heureuse. Elle a retrouvé ses copines à la crèche. Léna lui parle de nous, mais elle n'est pas particulièrement demandeuse d'avoir des photos, des vidéos. Elle est petite, elle n’a que deux ans."
Dimanche dernier Tanguy Le Turquais a salé le chenal des Sables de ses larmes. Marqué par l’émotion des au-revoir et la présence de nombreux « colocs » de l’association Lazare massés, tout de rose, le long de cette porte d’entrée vers l’Atlantique. "C'était beau, c'était magnifique. J'ai beaucoup pleuré sur le départ. Je pense que c'était la pression de trois années qui retombait un peu. C'était vraiment la fin d'une aventure. C'était le début d'une autre. Arriver au départ du Vendée Globe, ce n'est pas anodin. C'était la pression qui retombait. Ça m'a fait beaucoup de bien de pleurer, je n'aurais pas imaginé. C'est ce que je disais à Clarisse ce matin. On n'a jamais été aussi proche de retrouver notre fille. Ça fait 4-5 jours qu'on est en mer et il en reste encore 70. Mais on est sur le chemin du retour. Et de voir Mathilda avec un grand sourire sur les photos qu'on reçoit, ça me fait du bien. Ça allège un peu ma peine de ne pas être avec elle, de savoir qu'elle est heureuse."
Clarisse : "Elle dort mieux que d’habitude et est plus sage que d’habitude donc c’est à se demander si ce n’était pas nous le problème"
Qui dit anniversaire, dit forcément cadeau. Un élément qu’avait un peu oublié le skipper Morbihannais. "Je ne vais pas m'attirer les félicitations. Tellement concentré sur ma préparation, je n'ai rien laissé. Mais Clarisse avait pensé pour nous deux, elle lui a caché un petit cadeau que Léna a ouvert ce matin pour Mathilda. C'est un petit livre audio, elle adore ça." Une maman située quelques milles devant son mari après la perte de sa voile d’avant en début de course. Une journée particulière pour elle aussi. "Elle me disait que c'était le premier jour où elle avait un petit spleen de ne pas être avec Mathilda. Je lui ai dis - je comprends, mais on reçoit des photos où elle a le sourire. Donc ne t'inquiète pas, pour elle, ça se passe bien -. Et nous, nos émotions, il faut qu'on arrive à les gérer parce qu'on est en course."
En fin d’après-midi et après une sieste réparatrice Clarisse Cremer avait surtout la tête au bricolage. Tout en se satisfaisant avec prudence d’être repositionnée dans la course la jeune maman évoquait à son tour les nouvelles venues de la terre avec le sourire. "C’est un moment un peu farfelu pour une famille d’être dans cette situation mais on est très bien entourés. On a eu plein de petites photos. Elle est trop mignonne. Elle dort mieux que d’habitude et est plus sage que d’habitude donc c’est à se demander si ce n’était pas nous le problème." Malgré ses soucis de début de course la navigatrice s’étonne même de son état d’esprit après cinq jours en mer. "Si je compare avec il y a quatre ans ça n’a rien à voir. Je suis dans un autre monde dans ma tête. C’est très étonnant. Ça a peut-être duré une heure après le départ où je me suis dit mais qu’est-ce que je fous là ? Et ensuite je me suis vite mise dans le mode course et c’est très agréable car ça m’a évité de dépenser beaucoup d’énergie comme il y a quatre ans où j’ai mis longtemps avant de me mettre dans ma course. J’essaye de ne pas regarder trop les classements. C’est tellement particulier un Vendée Globe, c’est presque une aventure intime que tu as besoin de faire les choses à ta façon. Je suis dans ce mode là."
Une course où Tanguy mange un peu son pain noir avec des conditions de vent qui ne correspondent pas au choix de son jeu de voile peu adapté aux petits airs. Mais pour son premier Vendée Globe, et après cinq jours de course, le marin se situe à sa place au sein d’un deuxième peloton celui largement représenté par des bateaux à dérives droites, sans foil. Le Morbihannais est dans son élément, tout sourire. "Quel bonheur, c'est indescriptible. Je suis heureux en permanence. En plus, je n'ai pas beaucoup dormi, j'ai dû dormir 8-10 heures depuis le départ. Je manque un peu de lucidité et c'est que de la joie qui me remplit. On s'est tellement battu pour le faire, ce Vendée Globe, que là, de le réaliser, c'est juste du bonheur. Je profite de chaque jour parce qu'un jour, ça va se terminer et pour des bonnes choses, pour aller retrouver les gens à terre. Mais là, je profite de tout ce que je peux."