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Volley: "L’AS Cannes a besoin d’être en Ligue A", Craig Carracher l’investisseur australien des Dragons présente son plan

Le businessman et président de la fédération australienne de volley Craig Carracher a révélé à RMC SPORT son plan de développement pour l’AS Cannes qui a remporté ce vendredi soir son premier match des playoffs d’accession à la Ligue A à Rennes. Si le club champion de France 2021, aujourd’hui en Ligue B, n’est plus au bord du gouffre financier, Carragher souhaite impulser un modèle économique moderne et durable.

Craig Carracher, pourquoi Cannes, et pas Paris ou Nice ?

Cannes est une ville connue dans le monde entier et notre ambition, en soutenant l'équipe masculine de volley-ball, est de faire en sorte que l’AS Cannes retrouve sa place de leader dans le monde du volley. Il y a ici une tradition, une histoire faite de titres, une superbe salle, le Palais des Victoires, et des supporters fidèles, le tout dans une merveilleuse ville connue internationalement. Je ressens l’enthousiasme de l’équipe actuelle, du staff et de la direction pour retrouver l’élite. C’est notre ambition et les planètes sont alignées avec tout le monde, les gens, les joueurs, les élus. C’est maintenant. L’opportunité est là. On a saisi cette chance et on en est très heureux.

Qui parle : le président de la fédération australienne de volley, le membre de la FIVB, la fédération internationale, ou le businessman ?

Je suis in businessman australien (Craig Carragher est dans une société de logements pour étudiants dans les pays anglo-saxons) mais je ne viens pas à Cannes pour le business. C’est ma passion pour le sport qui m’a fait venir. Les Dragons de Cannes peuvent retrouver le chemin du succès et des titres, comme il y a deux ans. Mais plus que cela, on veut remettre Cannes sur la carte du volley mondial en faisant de l’ASC un club leader en Europe. Mais bon l’avenir le dira selon ma force de convictions, mes capacités financières et ma passion pour ce sport. Je suis sûr que mes relations avec l’Australie seront positives pour Cannes.

Combien allez-vous investir à Cannes ?

J’en ai parlé aux joueurs jeudi, avant qu’ils ne partent jouer leur premier match de playoffs à Rennes. Mon job est d’aider le club à être financièrement stable. Le montant va dépendre de l’ambition de l’équipe, de ses résultats, et de la situation financière du club. On y travaille en ce moment et je ne peux pas encore vous donner un chiffre précis. Ce chiffre, espérons-le, permettra au club d’être financièrement stable, et cela durablement. Notre sport a besoin que l’on renforce les championnats, que l’on rende les clubs puissants pour qu’ils gagnent. Et pour cela, il faut un nouveau modèle économique pour rendre les clubs durablement moins dépendants des financements publics. Donc on verra le montant.

L’AS Cannes connaît des difficultés financières ?

Plus maintenant. Beaucoup de problèmes sont réglés. J’ai aidé financièrement le club ces trois derniers mois.

Combien ?

C’est au club de divulguer le montant, pas à moi. Si ce n’est pas beaucoup, c’est que vous n’en avez pas besoin, et si c’était beaucoup trop, je ne l’aurais pas fait. Le chiffre importe peu. Les joueurs peuvent être assurés de leur sécurité financière. Je leur ai dit mercredi pour qu’ils aient l’esprit libéré pour ces playoffs. On peut dire que l’AS Cannes est stable et sécurisé aujourd’hui. Et j’espère que maintenant on pourra mettre en place le plan pour continuer à grandir. Une grande part de ce succès futur dépend des bons résultats dans les prochains jours en playoffs et si l’AS Cannes est promue ou non en Ligue A. Ce serait le tremplin pour la stabilité permanente du club. On est tous focalisés sur ce premier objectif commun.

Quel est donc votre modèle économique pour l’AS Cannes ?

On travaillera avec le club et ses deux présidents qui ont de grandes ambitions. Je ne leur dirai pas quel modèle économique il faut obligatoirement appliquer. Je les aiderai. Je pense qu’un club doit être dirigé par des hommes de la région. Cannes n’est pas un trou discret perdu au milieu de la France. C’est une ville ouverte faite pour le haut niveau. L’équipe doit jouer dans cet esprit. Elle doit être le reflet de sa ville. Je travaillerai sur l’aspect international de ce modèle en apportant des idées. Mais au final, ce seront les gens d’ici qui décideront du futur de l’AS Cannes et j’espère y contribuer.

Est-ce qu’on peut gagner de l’argent aujourd’hui avec un club de volley en France ?

En quoi ce serait difficile. Un club peut faire tellement de choses. Mais chaque club a le devoir de contribuer au succès de son championnat. Si ce championnat n’a pas de succès, les clubs seront eux-mêmes limités. Regardons le volley français. Je suis un fan de votre équipe de France depuis qu’elle est venue jouer en Australie en finale de la Ligue mondiale en 2014. Nous avons battu les Bleus pour la dernière fois. Et depuis, la France a entamé un long voyage vers le haut niveau sous les ordres de Philippe Blain et Laurent Tillie. Demain, en 2024, elle défendra son titre olympique à Paris. Et il n’y a pas de raison que la ligue française ne connaisse pas le même succès. Il n’y a pas de raison que les clubs ne connaissent pas le succès. Il faut travailler tous ensemble, ligue et clubs.

Aujourd’hui en France, les clubs de volley développent beaucoup d’activités, de divertissements, autour des matchs. C’est une bonne chose ?

D’abord la victoire fait le succès des clubs. L’AS Cannes est un vrai club professionnel. Pas amateur. Il doit d’abord réapprendre à gagner. Bon, les clubs ne peuvent pas tout gagner, toujours. Mais on peut prendre un avantage grâce au cercle vertueux de la victoire du fait d’une bonne stratégie marketing. Cela requiert des professionnels du marketing. Cannes doit attirer ces professionnels pour trouver des débouchés pour l’équipe, pour faire de la pub au championnat et promouvoir la ligue. C’est l’engagement de tous. Sinon, le volley ne sera pas dans le top 3 des sports en France ou ailleurs. Aujourd’hui, c’est le moment. La France est prête à ça.

Mais pour gagner il faut de l’argent … quand on compare les budgets français à l’Italie, la Pologne ou la Turquie, on ne joue pas dans la même cour.

C’est vrai. Regardez la Corée du Sud et le Japon ont des ligues plus riches que la France. On ne peut pas commencer avec de l’argent seulement car c’est le ticket vers l'insolvabilité. Comme tous les businessmen, vous avez besoin de croître et d’un plan de croissance. Ce peut être un plan à long terme et pour qu’il soit durable, vous devez avoir un plan clair. Cannes peut retrouver ce chemin de la victoire lors des prochaines années, après 18 derniers mois très difficiles. Ce n’est pas simplement une question d’argent, j’y reviens. C’est une question de qualité et de passion des hommes qui contaminent ensuite les autres.

Vous ambition est de rester en Ligue B ?

On veut être promu, c’est notre objectif. Mais si ce n’est pas cette année, on travaillera très dur la saison prochaine car la Ligue B est un championnat très dur. Mais pour redevenir un grand club de volley, l’AS Cannes a besoin d’être en Ligue A pour consolider le plan, la vision, l’objectif que nous avons. Le Palais des Victoires est extraordinaire, les supporters sont fidèles et le volley français a besoin de Cannes de retour en Ligue A. Nous avons tous besoin de pousser très fort pour arriver à ce résultat. Et nous voulons que l’équipe joue un volley excitant, dynamique et attractif pour retrouver aussi des ambitions européennes. Des ambitions en CEV Champions league.

Jason Haldane sera-t-il l’entraîneur la saison prochaine ?

J’espère et il est d’ailleurs sous contrat. Je l’ai rencontré ces derniers jours. Il a un formidable palmarès et a réalisé un super travail cette saison pour remettre l’équipe d’aplomb. Il a travaillé dans un environnement difficile. Je ne prendrai pas ces décisions-là, c’est aux présidents et à la direction de le faire.

Cela dépendra aussi de l’accession ou non en Ligue A ?

Oui mais vous savez ce ne sont pas toujours les meilleures équipes de Ligue B qui sont promues. Wait and see ! Voyons les 3 prochains matchs et croisons les doigts.

Quel est le rôle de Roberto Santilli ?

C’est un de mes amis, ex-entraîneur de l’Australie et dernièrement de Kevin Tillie à Varsovie. Avec Mathieu Mériaux qui s’occupe du volley aux JO de Paris 2024, ils sont ce que j’appelle mes "conciliaries", ils me conseillent. Jason Haldane et Roberto travaillent déjà très bien ensemble. J’espère que Roberto sera d’accord pour être le directeur technique car je ne pense pas qu’il souhaite entraîner à nouveau. Il soutient le travail de Jason et de ses adjoints, de l’équipe aussi et on a vu qu’ils étaient demandeur de son expérience et de son aide.

Et vous, votre rôle sera président, propriétaire ?

J’apporte un soutien financier à un club amateur ainsi que des ressources humaines avec Mathieu et Roberto. On décidera de mon avenir plus tard. Mais je pense que le club doit être dirigé par une personne d’ici, comme ça l’est en ce moment avec les 2 présidents Liberto Zaragoza et François-Xavier Bautmans. Ils font du très bon boulot. Ils veulent bien rester et ils devraient rester. On a besoin de continuité et de cohérence car l’équipe a vécu 18 mois traumatisantes, sportivement, financièrement. Et ils ont stabilisé le club. Ils peuvent continuer tant qu’ils en ont envie et contribuer aux succès à venir du club.

Le nom de Dragons sera conservé ?

Oui sans doute. En tout cas, on n’appellera pas le club « Les Kangorous » ! Il y a ici un grand nom, une grande tradition et une grande ambition, et je ne vois pas pourquoi on le changerait. On va travailler pour 5 ans, 10 ans, ou plus, et il faut se dire que nous ne sommes que les dépositaires du club pendant cette période, au vu de son histoire. On va, on vient, on est des hommes mais le club sera toujours là. On espère simplement laisser un héritage : l’héritage du succès. On espère aussi développer le beach-volley. Cela fait sens à Cannes. C’était mon sport et mon fils participe au World Tour de Beach-volley. Youssef Krou a participé à une compétition en Australie et a battu les volleyeurs locaux, en Elite 16. Il est un formidable ambassadeur pour Cannes et le volley. Et pourquoi pas organiser une étape du world tour à Cannes. Tout est là.

Cannes peut être une tête de pont pour les volleyeurs australiens dans l’optique des JO de Paris 2024, Londres en 2028 et Brisbane en 2032 ?

Oui peut-être. On a des discussions avec des volleyeurs australiens mais le premier joueur qui nous avons recruté cette semaine est un Italien (le central Omar Biglino) pour remplacer Livan Osoria. Des joueurs australiens ont joué ici comme Lincoln Williams. Je ne parlerai pas de tête de pont pour l’équipe nationale australienne mais c’est une opportunité pour les volleyeurs australiens mais nous nous intéresseront avant tout à l’intérêt du club, pas du joueur ou de l’Australie. Je n’ai pas l’intention de contrôler l’AS Cannes mais je veux aider le club. Cette décision de recruter sera prise par les entraîneurs. Je n’interférerai pas du tout dans ce domaine.

Dans votre plan, pourriez-vous fusionner le club féminin du RC Cannes avec le club masculin de l’AS Cannes ?

Ce n’est pas à moi de le dire. L’intérêt du RC Cannes ne peut pas être décidé par l’AS Cannes. Et inversement. Les. 2 clubs sont aujourd’hui séparés. Alors oui, on peut voir des économies d’échelle dans cette fusion, on peut voir un modèle économique performant mais de mon point du vue la mixité devra toujours exister. L’égalité entre les athlètes, les opportunités doivent être les mêmes. Franchement, je n’ai aucune info là-dessus. Qui plus est, je suis un étranger, un Australien, et je ne vais pas arriver avec mes gros sabots pour vous dire ce qu’il est bon de faire. Il faut attendre.

Morgan Besa