"A partir du 2e km, tu peux rentrer dans la course", qui sont les coureurs sans dossard, ces clandestins du marathon de Paris?

Ce sont les passagers clandestins du marathon de Paris, prévu dimanche. Sans dossard, ils sont là pour diverses motivations: soutenir un ami, ou bien aider un proche à ne pas craquer dans les derniers kilomètres. Une pratique qui n’est pas interdite.

Combien seront-ils dimanche à battre le pavé sans s’être acquitté d’une somme moyenne de 170 euros? Impossible à mesurer. Tom* (le prénom a été modifié) sera de cette masse des sans-dossards du marathon de Paris 2025. Le jeune homme, capable de courir sous les 2h30, ne sera pas au départ. Il aurait pu demander un dossard: "Je vais juste aider un ami qui veut terminer en 2h30 et ma copine qui vise les 3h30. J’aimerais accompagner mon ami sur 8-10 kilomètres plutôt que rester statique. Je vais m’insérer comme je peux en le repérant avec l’appli de tracking. Si je vois que j’embête les autres, je resterai sur le trottoir."

Selon Damien* (le prénom a été modifié), coureur attentif à l’évolution de son sport, Tom entre dans l’une des deux typologies de ces gentils resquilleurs: "Ceux qui veulent racheter le dossard d’un non-partant mais le dossard doit être à ton nom. On n’a pas le droit de le faire à Paris. S’il y a un accident, tu n’es pas couvert par l’assurance. Le deuxième cas ce sont des gens qui vont débarquer au milieu du parcours pour t’aider à finir."

"A partir du deuxième kilomètre, tu peux rentrer dans la course, tu es noyé"

Comme Tom. Accompagner un proche, le pousser dans ses tranchements pour faire descendre le chrono au maximum. Ceux-là ne couvrent pas les 42,195 kilomètres du parcours mais quelques kilomètres seulement. L’inflation du prix du dossard peut être un frein à l’inscription mais il y a des dizaines d’autres marathons en France, et plus abordables. Les habitués connaissent les coins du parcours parisien pour s’insérer dans le trafic des runners. La place de la Concorde cette année, le Grand Palais sur d’autres éditions. "A partir du deuxième kilomètre, tu peux rentrer dans la course, tu es noyé", poursuit Damien.

Hélène* (le prénom a été modifié) est une runneuse expérimentée. L’an passé, elle n’a pas obtenu le précieux dossard pour le marathon de Paris. Ni vue ni vu connue, elle agrafe le dossard de l’édition précédente sur son maillot et parvient à rejoindre le sas de départ sur les Champs-Elysées. Tom a prévu qu’il laissera son ami finir seul le parcours. "C’est unique de passer une arche d’arrivée de marathon. Je partirai bien avant." Un autre de ces anonymes: "Le marathon devient souvent compliqué â partir du 30e kilomètre. On s'était mis d'accord pour que je rejoigne mon amie vers le Trocadéro pour la booster et l'aider sur la course, notamment en lui rapportant des ravitaillements et des encouragements. Quand elle m'a rejoint, je me suis dis que j'allais me faire dégager par une personne de la sécurité. Je n’avais pas de dossard, ça se voyait et je n’étais pas essoufflé. J'ai vu des dizaines de personnes ne pas avoir de dossard également, c'était rassurant."

Des dossards "booster" font leur apparition

Sur les courses récentes, on voit les organisateurs placer des bénévoles à quelques centaines de mètres de l’arrivée pour faire le tri: séparer les sans-dossards des coureurs avec dossard, laissant ces derniers filer vers la ligne d’arrivée récupérer la médaille. Les passagers clandestins du marathon n’ont pas le droit d’utiliser les ravitaillements en course, de franchir la ligne d’arrivée et de récupérer la médaille de finisher. Dans le cas contraire, ce serait un acte d’escroquerie. Pour quelques kilomètres, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Les organisateurs ne font pas vraiment la chasse à ces petites souris. Contacté, ASO n’a pas répondu à nos questions. Nos gentils resquilleurs insistent. Ils n’agissent pas dans une démarche vengeresse contre ASO. Un marathon, c’est une expérience qui va de la longue préparation, à la récupération du dossard, à la course et jusqu’à l’arche d’arrivée. Un marathon, ce n’est pas moins que 42,195 kms. Orange, l’un des partenaires de la course, a fait gagner cette année des dossards "booster". Ils permettent d’accompagner dans les règles un coureur sur les 6 derniers kilomètres de Paris. Un moyen de contrer les "accompagnateurs". Pas de médaille mais de la sueur, de la souffrance et du plaisir. Presque comme les autres.

Morgan Maury