Andre de Grasse, un sprinteur à prendre au sérieux

Son nom est encore inconnu du grand public, mais depuis le week-end dernier, il affole le monde de l’athlétisme. Auteur de deux performances exceptionnelles sur 100m et 200m (9’’75 et 19’’58 trop ventés) lors des championnats universitaires US, le Canadien Andre de Grasse, 20 ans, s’affiche déjà comme l’une des attractions des Mondiaux de Pékin (22 au 30 aout).

Se demander si l’on a affaire au nouvel Usain Bolt semble encore prématuré. Mais l’athlétisme mondial tient peut-être en Andre de Grasse l’une de ses stars de demain. Sur la piste d’Eugene (Oregon) ce week-end, ce Canadien de bientôt 21 ans a frappé les chronos et les esprits à la manière de la foudre jamaïcaine. Vainqueur du 100m des championnats NCAA en 9’’75, puis du 200m une heure plus tard en 19’’58, de Grasse (prononcez de Grassi) a ébloui les observateurs. Si le vent trop puissant (2,7m/s) ne permet pas d’homologuer ces performances, on estime que ce 9’’75 vaut 9’’88 par vent nul. Aucun Français n’est jamais allé aussi vite. A titre de comparaison, Bolt à 20 ans n’avait pas fait mieux que 19’’88 sur 200m.

Moins de 11 secondes à 17 ans après un départ… debout

Issu d’un milieu très modeste, dont la mère originaire de Trinidad et Tobago est une ancienne sprinteuse, ce poids plume (1,75m pour 66 kilos) choisit d’abord le basket. Bien vite, ses espoirs d’obtenir une bourse universitaire grâce à ce sport tombent à l’eau. De Grasse se laisse alors entrainer sur la piste par les copains. En 2012, il déboule sur une compétition en short de basket, emprunte une paire de pointes. Andre ne sait pas utiliser les starting blocks alors il part debout. Et coupe la ligne d’arrivée en 10’’90. L’entraineur présent percute tout de suite et le prend sous son aile. De Grasse progresse, descend régulièrement les chronos, même si en début de saison, il était encore à 10’’20 sur 100m. Puis c’est l’explosion. Il signe 9’’97 au mois de mai, avant que tout s’emballe à Eugene.

« Encore totalement perfectible »

« Il faut le prendre au sérieux ce garçon, estime Maryse Ewanjé-Epée, membre de la Dream Team RMC Sport et ancienne recordwoman de France du saut en hauteur. Il est encore totalement perfectible. Il a un bras gauche qui se balade n’importe comment. Il n’est pas encore super technique. » Le Canada tiendrait-il enfin le successeur des Donovan Baley et autre Bruny Surin ? L’ancienne championne pose toutefois quelques limites. « Tous les ans, les championnats universitaires nous révèlent des sprinteurs incroyables. Mais bien souvent, ces sprinteurs ne sont que des feux de paille et s’arrêtent très vite, à 24-25 ans. Le problème, c’est que quand tu prends un gars brut comme ça à 21 ans, il arrive que ça ne progresse pas derrière. Il faut arriver à coller la technique. » Sauf blessure, de Grasse sera à Pékin cet été, où il faudra exister au milieu des Bolt et Gatlin. On saura alors si la foudre du printemps n’était qu’une illusion.

S.R