Breuil : « L’esprit mode, c’est le trail »

Thierry Breuil, triple champion de France - -
Thierry, pourquoi avoir choisi le trail plutôt que la route ?
Je cours depuis 30 ans et j’ai tout fait. De la piste, du cross, de la route, de la course de montagne et puis finalement, du trail. L’engouement pour le trail depuis 10 ans a fait que fatalement j’ai eu une énorme envie de m’engouffrer là-dedans. C’est une autre façon de vivre l’aventure de la course à pied. Nous sommes dans une époque où beaucoup de choses se rapportent à la nature et à l’instar de ce mouvement-là, je m’y suis inscrit pour participer.
S’entraîne-t-on d’une manière différente pour le trail ?
Complètement. Si on définit que le trail c’est courir un marathon dans la nature, cela veut donc dire plus de 40 kilomètres. Pour courir cette distance et faire partie des meilleurs et gagner des courses, cela nécessite un entrainement très important en terme d’heures, de disponibilités parce qu’une sortie longue pour un marathon cela va être 1h30 alors que pour le trail, il faut faire des sorties de 3h, 4h ou 5h.
Des sorties aussi importantes ne sont-elles pas dangereuse pour la santé ?
C’est très traumatisant pour le corps, il faut coupler ce sport avec d’autres tels que le vélo. Un entrainement le week-end, cela donnerait par exemple : 2h de course le matin et 4h de vélo l’après-midi le samedi, et 4h de course à pied le dimanche matin. C’est une façon de s’entraîner très différente, il faut être capable de courir vite en montée, de descendre très vite et de courir en terrain accidenté. L’hydratation est importante aussi. C’est quelque chose de très spécifique, mine de rien.
Quelles sont les principales difficultés du trail ?
A l’instar du marathon mais décuplé, c’est la tête. Quand on est cramé et qu’il reste 45 kilomètres pour rallier l’arrivée, c’est difficile de s’imaginer et de s’y rendre. Donc la tête, quand elle flanche, c’est très délicat. Ensuite, la pose de pied, regarder où l’on court. On a besoin d’un matériel stable et de qualité. Il faut faire attention parce le parcours est accidenté. Il faut également avoir suffisamment travaillé les montées et les descentes afin d’éviter les courbatures.
Nous ne sommes pas loin du sport extrême, là …
Ce qui est surtout extrême, c’est quand on est soumis à des conditions climatiques très dure. Par exemple, « la 6000 D » (course réputée organisée à La Plagne, autrement appelée « la course des géants », ndlr) l’an dernier : on part le matin, il fait 15 degrés, et quand on arrive au glacier, il neige alors qu’on a juste un débardeur ! Je ne veux pas minimiser le marathon mais on n’est pas sur un boulevard avec un goudron plat, lisse et une ligne à suivre. Chaque chose est technique à sa manière, mais le trail à une palette technique bien plus grande.
Quels sont vos objectifs, cette année ?
C’est une année avec des Championnats du monde. Ils auront lieu début juillet au pays de Galles. Là, je me prépare pour le marathon des Burons qui aura lieu en juin et après, je me tournerai vers le trail de la côte d’Opale à Calais en fin d’année.
Kilian Jornet est à 25 ans le nouveau phénomène du trail. Il gagne presque tout. Que vous inspire-t-il ?
Tout le monde le présente comme l’extra-terrestre. L’avantage qu’il soit là, c’est qu’il fait connaitre notre sport. C’est l’occasion qu’on en entende parler et de la mettre sous le feu des médias. Je l’ai croisé plusieurs fois sur des épreuves. Il est tellement atypique, il vit de manière décalée, dans une caravane près d’Annecy. C’est un globetrotter de la course à pied à travers le monde. Il est fort et il a des rêves un petit peu fous ! Il flirte avec le danger assez souvent. Il donne l’impression que tout est facile alors que quand on pratique, on sait que c’est difficile. En tout cas c’est une belle vitrine pour notre sport.
Comment expliquer que les gens se tournent vers cette discipline ?
Le trail a un énorme avenir parce que c’est l’occasion de se rapprocher de la nature et de vivre des choses que les gens ont envie de vivre. Courir dans des milieux naturels, dans les bois, respirer de l’air libre, se sentir libre et ne pas avoir de contraintes. C’est un sport difficile mais la joie en est décuplée ! Il y a toujours un peu l’esprit mode et aujourd’hui, l’esprit mode, c’est le trail.
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Un palmarès de champion |||
Responsable du développement des équipements pour les courses de trail chez Kalenji, Thierry Breuil est aujourd’hui, à 41 ans, l’une des références nationales de cette discipline, comme en atteste son palmarès avec notamment 3 titres de champion de France (2008, 2009, 2010), 1 titre de champion du monde par équipe (2011), 1 victoire à la Course des Templiers (2009) et 1 à l’Eco-trail de Paris (2010).