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Galfione : « Pour Quinon, la perche était un art »

Jean Galfione

Jean Galfione - -

Le champion olympique 1996 est sous le choc après le suicide de son idole Pierre Quinon (49 ans), rendu public ce jeudi. « Il m’a donné envie de sauter à la perche », témoigne-t-il, nostalgique de cette quête de l’absolu véhiculée par le premier champion olympique français de la discipline.

Jean Galfione, Pierre Quinon était votre idole…

Oui. Quand j’étais petit, j’avais une seule affiche dans ma chambre, c’était celle de Pierre Quinon. Il m’a donné envie de sauter à la perche. Nous étions une génération de jeunes perchistes. Comme il était encore athlète, il venait avec nous en stage. Il nous faisait partager son savoir-faire de perchiste, sa technique et nous inculquait des valeurs humaines. On buvait ses paroles. C’était notre grand frère.

De quelle manière vous a-t-il transmis cette quête de l’absolu qui le caractérisait ?

Pierre ne pouvait pas imaginer qu’on puisse faire quelque chose sans y mettre 100% de ses tripes, de ses émotions et de ses sentiments. Bizarrement, c’était quelqu’un qui nous donnait envie d’aimer la vie. Sa plus grande hantise était de ne plus vivre de cette façon. C’était une éponge à récupérer toutes les angoisses. Il emmagasinait mais on n’imaginait pas qu’il en était rendu à ce point-là.

« J’ai fait une régate avec lui, il y a un mois… »

Comme le monde de l’athlétisme, êtes-vous sous le choc après l’annonce de son décès ?

C’est un choc pour tous les gens qui l’ont côtoyé parce qu’il avait cette grandeur d’âme. C’est aussi un choc pour tous ceux qui l’ont connu en tant que perchiste. C’était un grand champion. J’ai fait une régate avec lui, il y a un mois (Galfione est un passionné de voile, ndlr). Je l’avais embarqué avec moi. C’était top, il était en pleine forme. Il avait trouvé ces quelques jours en mers extraordinaires. Il était bien. Ce n’était pas quelqu’un d’effondré ni au fond du trou. Il passait de grands moments de bonheur à de plus grandes détresses. C’était difficile de savoir où il en était. Personne n’imaginait qu’il en était là.

L’athlétisme a-t-il suffisamment aidé Pierre Quinon ?

Oui. Pierre est récemment allé apporter son soutien à la candidature des championnats du monde vétéran en France (attribués à Lyon pour 2015). Il était investi pour la fédération, il aimait ce sport et la perche avant tout. Il n’y a pas grand-chose à dire. Il a aidé Romain Mesnil quand il lui a demandé (avant les JO de 2004, ndlr). Il m’a aussi aidé. Il était toujours là quand on le réclamait.

Comment a-t-il fait évoluer la perche pour vous transmettre le témoin ?

Il faisait partie de cette lignée de très grands champions qu’il y avait en France à cette époque. Pierre voulait nous convaincre que la perche était un art, que ce n’est pas un sport simple. Il fallait donner de son âme, de son envie et de son énergie. Chaque saut était une œuvre d’art pour Pierre. Il pouvait parler de chaque saut pendant 20 minutes. C’était l’inverse de l’école russe. On faisait de la perche pour jouer, pour le sublime. Ce n’était pas de la mécanique. Il m’a apporté ce truc-là.