RMC Running : Mauclair, le phénomène du trail à éclosion tardive

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Nathalie, quand avez-vous commencé la course à pied ?
En 2010, j’avais 40 ans. C’est un ami qui m’a sollicité pour courir le marathon du Mont Saint-Michel avec lui. Ce qui a été déterminant, c’est que cette course se disputait le jour de mon anniversaire, le jour où je passais une dizaine en plus. Et ça a éveillé quelque chose en moi. Courir un marathon ? Pourquoi pas, me suis-je dit. Je lui ai dit ok, je vais me préparer. J’avais quatre mois et demi, je l’ai couru et ça s’est bien passé. Et ça ne s’est plus arrêté.
Mais qui étiez-vous avant d’être cette athlète hors-normes ?
J’étais Monsieur et Madame tout le monde, je ne faisais qu’un ou deux footings par semaine de 40 minutes. Et j’ai commencé à acheter des bouquins pour voir les standards, les temps que l’on veut faire, les plans d’entrainements types. J’ai pioché à droite, à gauche. Vers le mois de mars, je me suis rapproché de Dominique Chauvelier (médaillé de bronze aux championnats d’Europe 1990 et ancien recordman de France du marathon, ndlr), un coureur connu, qui m’a donné quelques conseils.
Vous commencez à courir en 2010 et depuis, vous n’avez cessé d’enchainer les grosses performances. Quel est votre secret ?
Dans ma vie, j’aime les choses assez carrées mais aussi souples. Si je me fixe un objectif, je vais tout mettre en œuvre pour l’atteindre en changeant un peu mon quotidien mais pas trop. Le sport doit rester un jeu. Si j’avais été professionnelle, j’aurais perdu cette dimension de plaisir, de loisir. Si sur une épreuve ou un entrainement je me sens moins performante, je vais essayer de trouver une solution. J’ai beaucoup appris sur moi-même, l’adéquation du physique et du mental et je pense que tout ça me fait progresser. Et puis, mon temps est compté, je me dis « c’est balo », j’ai commencé à 40 ans… ».
Course à pied, trail puis ultra-trail. Pourquoi cette montée en puissance ?
Je ne me suis pas posée la question ! J’ai commencé le trail en 2011, championne du monde en 2013 et j’étais dans le gros team Lafuma fin 2012 avec Antoine Guillon (vainqueur de l’Ultra Trail World tour en 2015, ndlr), Karine Herry (vainqueur de l’Ultra Trail du Mont-Blanc en 2006) ou encore Corinne Favre qui étaient plus des ultra-traileurs. Dans mon planning de course, il y avait les Mondiaux en juillet et j’entendais des gens parler de la Diagonale des Fous à la Réunion en octobre. J’ai demandé l’avis de ma team sur la faisabilité de l’épreuve et ils m’ont dit que je pouvais le faire donc je l’ai inscrit à mon planning. Je suis allée crescendo mais rapidement !
Est-ce aussi terrible que ce que l’on raconte ?
Quand j’ai pris le départ de mon premier ultra trail, j’ai prévenu ma famille qui me suit à chacune des compétitions, et je leur ai dit « Je vais sûrement rester coucher 2 ou 3 jours, je ne pourrai plus marcher ! », j’étais sûre que ça allait être l’enfer. Et en fait, c’était tout le contraire. J’ai fait un super résultat (1ère), j’ai emmagasiné plein d’émotions positives. Juste avant cette course, j’avais participé au sommet mondial du trail-running TDS (« Sur les Traces des Ducs de Savoie ») et j’avais gagné également !
Votre corps a-t-il encaissé tous les efforts consentis durant votre fulgurante ascension entre 2010 et 2016 ?
Oui, très bien sauf la première année en 2010. Quand j’ai couru les marathons, je ne faisais que de l’entrainement mais pas de récupération. Je ne faisais pas d’étirements, pas de relaxation, pas de prépa mentale, j’étais juste dans le travail pur et dur. Après un semi et un marathon, je me suis dit que j’allais me reposer quinze jours et enchaîner directement. En fait, j’ai été arrêtée six mois à cause d’une tendinite au niveau du fessier et je n’arrivais pas à m’en sortir. J’aurais pu tout arrêter mais j’avais trop envie de revenir.
Et puis, l’équipe de France vous a repéré…
En 2011, il ne me restait que le Grand Trail des Templiers à courir où j’ai fini deuxième. Après cette course, Philippe Propage, le sélectionneur de l’équipe de France de trail, m’a repéré et m’a proposé d’intégrer le squad tricolore. Je m’en souviens encore de cette rencontre. Je lui ai dit : « très bien, mais je suis une petite vieille, j’ai 40 ans ! ». Il m’a répondu : « tu sais, quand les petites vieilles courent mieux que les petites jeunes, ça ne me dérange pas ! ». L’histoire a prouvé qu’il avait raison. Je suis la plus âgée du team, ça me fait toujours rire, il y a une fille qui a 18 ans de moins que moi !
Comment se passe votre entrainement complet avant une course ?
Je n’ai pas d’entraineur, je cours avec mon mari. J’ai un plan type et puis je module à l’intérieur. Je n’aime pas les séances figées mais je note tout ce que je fais par contre. Si j’ai des doutes ou que je performe moins, je les regarde et j’essaie de les reproduire. En gros, je fais 15-16h d’entrainement par semaine et je fais 4-5h de récupération, étirements, massages et préparation mentale. Je commence cette prépa 6 à 8 semaines avant. Et tout ça, c’est moi qui le décide, pas un entraineur et ça change tout pour moi !
Quelles sont vos ambitions pour 2016 ?
Cette année est un peu bizarre, je vais l’alléger parce que j’ai pas mal enchainé. Jusque-là, j’aimais bien participer à l’UTWT (Ultra Trail World Tour) et il faut courir trois courses de 160 kilomètres. Mais cette année, il y a aussi les Championnats du monde calés en fin d’année, en octobre 2016. Du coup, je fais l’impasse sur l’UTWT parce que je veux défendre mon titre de championne du monde et courir pour l’équipe de France. Courir pour le maillot bleu-blanc-rouge, c’est quelque chose de magique.
Pensez-vous à la retraite ?
Tant que j’arrive à gagner, j’ai envie que ça dure le plus longtemps possible. Avec l’âge, les performances vont diminuer, c’est certain. Autant j’arrive aujourd’hui à garder ce rythme de vie mais si je me retrouve un jour au milieu du peloton, je n’aurai peut-être plus envie d’avoir cette vie-là. Tant que la tête, le corps suivent et que ma famille est toujours d’accord, je continuerai à courir.