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Formule 2: Théo Pourchaire, le phénomène français qui brûle les étapes... et attend son heure

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Alors que le monde de la F1 pose ses valises au Castellet pour le Grand Prix de France ce week-end, le public tricolore pourrait découvrir l’une des promesses du sport automobile français : Théo Pourchaire, 18 ans, qui évolue en Formule 2. Et frappe déjà à la porte des grands.

Aurons-nous bientôt trois pilotes français en Formule 1 ? Avec deux tricolores, Pierre Gasly (AlphaTauri) et Esteban Ocon (Alpine), le pays est déjà très bien représenté. Mais un jeune garçon de 18 ans frappe déjà la porte du plus prestigieux championnat du monde : Théo Pourchaire.

Le voir en F1 avant ses 20 ans ne serait pas si étonnant, tant le Grassois (il est quasiment chez lui au Castellet) a toujours été en avance. Son père, fan de rallye, lui donne le virus tout gamin et l’aurait mis dans un kart dès ses deux ans. Quelques années plus tard, en compétition, il est déjà impressionnant. "Théo, ce qui a beaucoup changé par rapport aux autres, c’est sa capacité d’adaptation et son mental", explique Nicolas Moni. Ce dernier, proche de la famille Pourchaire, a coaché Théo dès ses premières années de kart, à ses 7 ans. "On a vu qu’il avait des ressources sur l’aspect pilotage, gestion de pneus…. C’est là qu’on a commencé à voir qu’il était quand même prédestiné à faire ça. Il ne parlait pas beaucoup, introverti, mais quand il mettait le casque on avait l’impression d’avoir un pilote 4 ou 5 ans plus mature, appuie-t-il. Il y avait vraiment un gap entre sa façon de vivre au quotidien et les compétences qu’il avait en piste, qui nous ont rapidement étonnées. On a vu qu’il avait une capacité d’adaptation et une façon de gérer la course qui n’était pas commune."

Un parcours au sein de la Sauber Academy

A huit ans et demi, la Fédération lui offre une dérogation pour qu’il participe à des championnats de France. Devant près de soixante autres pilotes, il claque la pole-position. "C’était devenu un peu la bête noire en France, sourit Nicolas Moni. Il était dans son coin, très calculateur, travaillait beaucoup. Ça a été un des pilotes sur lequel on a eu le plus d’espoirs car rapidement, il était capable de gagner. On a quasiment toujours eu un an d’avance sur le cursus normal."

Et cette maturité va se confirmer. Multiple champion de France, parmi les meilleurs mondiaux, Théo Pourchaire fait de sa précocité une marque de fabrique. Comme quand, à 14 ans, il débute en Formule 4 en France et ne peut pas être classé avec les autres participants à cause de son jeune âge. Il écrase la catégorie junior. Pour trouver de l’adversité, direction l’Allemagne l’année suivante, alors qu’il est déjà surveillé de près. Parmi les observateurs avisés, Frédéric Vasseur. Ce dernier, actuel patron de l’écurie Alfa Romeo, vient de fonder la Sauber Academy, pour y former de jeunes talents. "Je l’ai rencontré à la fin de sa saison de F4 en France, se souvient Vasseur. Il était soutenu par la fédé, ils m’ont proposé de jeter un coup d’œil sur ce qu’il faisait. C’était l’année où on montait l’académie. On l’avait pris pendant sa saison de F4 en Allemagne, il avait été champion cette année-là." Tout va très vite, encore, Théo Pourchaire continue de dominer.

"Son plus gros point fort, c’est la science de la course"

Direction la F3, à tout juste 16 ans chez ART Grand Prix, qui a pris la place de la Sauber Academy. Il est - comme souvent - le plus jeune. "Il avait fait une super saison en F3 ou il se bat pour le titre alors que la marche est haute", rappelle Frédéric Vasseur. Pourchaire devient à 16 ans, 10 mois et 27 jours le plus jeune vainqueur d'une course dans l’histoire de la catégorie. Encore un palier franchi très vite, alors après un an en F3, ART Grand Prix le prend en Formule 2, à 17 ans, l’an dernier. Bien sûr, il est encore le moins âgé du plateau. Bien sûr, il en devient le plus jeune vainqueur de l’histoire, encore.

"Son plus gros point fort c’est la science de la course. Il est souvent au bon endroit, il a une bonne vision d’où dépasser et une capacité à suivre son concurrent de devant de très près. Il est très bon à la bagarre, très malin, souvent au bon endroit au bon moment, il se défend très bien… C’est vraiment ça sa qualité", analyse Sébastien Philippe, président d’ART Grand Prix.

Plus jeune pilote vainqueur en F3 et F2

Comment fait-il pour être toujours en avance ? "J’ai réussi à m’adapter rapidement à chaque catégorie. Ça ne m’a pas aidé pour certaines choses, détaille Pourchaire. Le manque d’expérience quand on arrive en F2 où des pilotes sont plus vieux, ce n’est pas simple. Ils ont vécu plus de choses que moi, savent réagir à certaines situations. Ce sont des choses difficiles à gérer. Le plus dur c’est le côté mental, surtout quand il y a beaucoup d’enjeux et d’attentes sur soi. Je sais qui je suis, mon âge, l’expérience que j’ai."

Vainqueur de deux courses et 5e du championnat l’an passé, il est cette année 3e avec deux victoires également, alors que beaucoup le voyaient favori pour le titre. Pour la première fois, la pression est vraiment sur lui. "C’est un peu nouveau pour lui car il a souvent été le rookie qui passait très vite dans la discipline du dessus. Le saut F4 à F3; il avait souffert le premier week-end puis ça s’était bien enchainé. On s’est dit la F2 que ça allait être plus dur et finalement il a fait cette super saison, rappelle Vasseur. Je pense que ça faisait quelques années, peut être depuis le kart, qu’il n’avait pas été attendu et nommé comme favori du championnat. Ça fait partie du bagage, de la maturité, de l’expérience…" Il reste encore - et heureusement - des "petits détails" à régler pour Sébastien Philippe : "la constance, une meilleure analyse de certaines choses et les résultats. Ceux de cette année sont en deçà de ce que Théo est capable de produire".

Bientôt la F1 ?

Pourchaire appuie : "Il y a énormément d’attentes de la part des gens car j’ai fait de très, très bons résultats ces dernières années ça s’est très, très bien passé. On a voulu me voir dominer, mais j’essaie de faire abstraction de ça. C’est hyper important d’avoir un bon entourage et de s’écouter soi-même, avancer tranquillement comme je le sens. L’’aspect mental est le plus important, ça joue tellement. Tout le monde est bon à ce niveau-là. Mais à la fin, celui qui est meilleur est celui qui est bien en place mentalement."

Il y a quelques mois, Alfa Romeo cherchait un nouveau pilote pour la saison en cours, en remplacement d'Antonio Giovinazzi. En balance, Théo Pourchaire aurait pu obtenir le baquet, mais le Chinois Guanyu Zhou lui a été préféré. Frédéric Vasseur se justifie : "La F1, c’est un peu un fusil à un coup. Quand on est catalogué du mauvais côté de la ligne, tout le monde se déchaîne contre vous. Les pilotes, toute leur vie rêvent de faire de la F1 et quand ils sont aux portes, ils ne veulent plus faire de la F1 mais bien le faire. C’est ce que j’ai dit à Théo : 'il faut que tu le fasses dans de bonnes conditions, que tu sois prêt car si tu vas en F1 et que c’est un échec, tu te souviendras de l’échec toute ta vie, pas que tu as fait de la F1'. Il faut qu’on y aille en s’estimant au top de tout. Je pense que l’expérience faisait partie du manque de Théo. Je voulais qu’il vive une saison avec un objectif de résultat, avec la volonté de gagner."

Forcément frustré mais compréhensif, le concerné attend son heure… "C’est depuis tout petit (dans ma tête) la F1, sourit-il. J’ai vraiment pris confiance quand je suis arrivé en monoplace en 2018. Sur le papier ce n’est pas si loin mais ça reste mon rêve d’être champion du monde de F1. C’est ce qui donne un sens à ma vie aussi. L’an dernier, je n’étais pas prêt. Là je vis d’autres choses, et même si les résultats ne sont pas ceux que j’aimerais c’est comme ça, ça arrive. Aujourd’hui pourquoi pas. En tout cas si on m’offre l’opportunité, je ne dirais évidemment pas non !" Alfa Romeo devrait lui permettre de participer à des essais libres en Formule 1 cette année. Théo Pourchaire n’est pas pour autant pressé, et à raison. Après tout, il n’a que 18 ans.

Valentin Jamin