GP de Bahreïn : du pilotage à distance

Grand Prix de Chine - -
« Est-ce que je peux doubler ? » « Oui, Sebastian. Vas-y. » Permission accordée. L’échange date de dimanche dernier, à cinq tours de la fin du Grand Prix de Chine. Le triple champion du monde s’adresse aux ingénieurs de son stand. Une fois la réponse positive obtenue, c’est un tout autre Vettel, plutôt discret jusque-là, qui enchaîne les tours rapides, pour finalement échouer au pied du podium. Un spectacle surprenant et dans la logique d’un week-end de course au cours duquel « Baby Schumi » a zappé la Q3… pour préserver son train de pneus tendres. Les pneus. Le principal nerf de guerre du championnat depuis que la F1, dans un souci de créer du suspense, a imposé l’usage de pneus à la dégradation rapide.
Un véritable handicap pour les pilotes et leurs écuries, obligés de converser en permanence sur le potentiel de leur monoplace. Les F1 étant truffés de capteurs – on en recense plus de 2000 – ce sont des milliers d’informations qui arrivent en temps réel sur les écrans des ingénieurs, qui peuvent calculer, anticiper et mettre en place la meilleure stratégie à adopter. Une politique de l’économie et de la minutie qui bride clairement le talent des pilotes et leur goût du combat. « Il va falloir qu’on s’y fasse, s’il n’y a pas de retour en arrière, regrette Patrick Tambay... J’ai connu l’époque où on attaquait du début jusqu’à la fin d’une course. C’était à bride abattue jusqu’à la ligne d’arrivée avec le plein d’essence et un train de pneus. C’est comme ça qu’on aime la Formule 1. »
Grosjean : « On n’exploite que 70 % du potentiel de la voiture»
Comme ça aussi que le public présent autour du circuit et devant la télévision l’aime. Et les pilotes ? Que pensent-ils du spectacle qu’on leur impose ? Des consignes qu’on leur donne à longueur de tours ? De l’incapacité pour eux de pouvoir se donner à fond sur la piste ? « Les courses sont très compliquées, souffle Romain Grosjean, en difficulté en ce début de saison avec sa Lotus. On sait qu’on a des grosses dégradations de pneus et qu’elles peuvent arriver d’un coup. On n’exploite que 70 % du potentiel de la voiture. Et même moins, des fois, en course. » Plus qu’un téléguidage dicté par leurs écuries, les pilotes du paddock subissent finalement de plein fouet l’envers du décor de la nouvelle politique en F1.
« C’est la même chose pour tout le monde, rappelle Jean-Eric Vergne. Cela ouvre la porte à des stratégies de pneus bien différentes. Ça laisse aussi la course très ouverte et intéressante jusqu’au dernier tour. On ne sait jamais comment les pneus vont se dégrader. » Intéressante, vraiment ? Pour le moment, après une séance de qualifications fortement critiquée et un Grand Prix de Chine sans vrombissements majeurs, c’est le spectacle qui se dégrade. Pourtant, à l’instar du pilote Toro Rosso, Jenson Button (McLaren) joue la carte de l’optimisme. « Vous savez, on ne peut jamais être entièrement satisfait de tout dans son sport, estime le Britannique. Je pense néanmoins que la F1 est super en ce moment. Après, comme je vous le dis, je n'ai pas regardé une seule course. Mais d'après ce que je vois autour de moi, elles semblent bonnes à regarder. »
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