Grosjean : "J’espère reboire du champagne en 2015"

Romain Grosjean - AFP
Romain, qu’allez-vous retenir de cette saison qui a été très compliquée ?
C’est vrai que sur le plan des résultats et des satisfactions personnelles, cette saison a été difficile. Mais j’ai quand même énormément progressé sur la gestion de ma frustration et d’une équipe qui vit des moments compliqués. Je ne dis pas que j’ai tout fait bien ou tout fait de travers. Sur l’aspect pilotage, j’ai progressé puisque j’ai piloté une voiture qui ne me plaisait pas et que je ne comprenais pas, donc il a fallu créer des nouvelles techniques. C’est aussi la première année où j’étais leader d’une équipe. C’est malheureusement tombé une année qui est difficile, mais c’était intéressant. J’ai réussi à rester calme et à me fixer des objectifs différents que la victoire ou un podium.
Est-ce aussi dû à tout le travail que vous avez fait sur vous-même ces dernières années ?
Oui, clairement. C’est l’année la plus difficile de ma carrière sur le plan psychologique. En 2012, je faisais des résultats et des grosses bêtises derrière (3 podiums pour 8 abandons et une suspension d’un Grand Prix pour un accident provoqué à Spa, ndlr). Mais c’était en relation directe avec moi et le fait que je mettais un mauvais objectif. En 2014, j’ai fait de très bonnes performances mais ça ne se voyait pas parce que la voiture ne voulait pas. A ce moment-là, il faut essayer de comprendre et de tirer tout le monde dans la bonne direction, et ça demande beaucoup d’énergie. C’était une saison contre-nature en termes de pilotage. Il a fallu tout miser sur le feeling, monter dans la voiture en faisant une sorte de remise à zéro de son cerveau et presque ne pas se poser de questions.
Avez-vous déjà une idée de ce que votre monoplace donnera en 2015 ?
C’est toujours compliqué de voir avant les essais hivernaux. Cette année, on pensait avoir une très bonne voiture parce que les chiffres aérodynamiques étaient excellents. Sauf qu’en mettant la voiture en piste, on s’est rendu compte dès le troisième tour qu’elle n’était pas bonne. Et de là, on a souffert. On a aussi eu des petits soucis avec le moteur au début. Renault a bien redressé la barre et travaillé aussi dur que possible pour rattraper le retard. Mais quand la saison est lancée, c’est compliqué.
L’année prochaine, vous serez équipé avec le moteur Mercedes. Est-ce que cela peut vous donner des espoirs supplémentaires ?
Aujourd’hui, on sait que l’ensemble du moteur Mercedes est plus en avance, performant et plus facile à utiliser que celui de Renault. Ça va nous aider à avoir une voiture peut-être un petit peu meilleure.
« On pense tous les jours à Jules »
En 2013, vote cote était montée en flèche grâce à six podiums. Avez-vous peur d’avoir perdu un peu de crédit ?
Dans le sport, c’est toujours plus facile de soutenir quelqu’un qui a du succès que quelqu’un qui est dans un moment difficile. Je pense que les chiffres, par rapport à mon coéquipier, parlent pour moi (Romain Grosjean a inscrit 8 points, contre 2 pour le Vénézuélien Pastor Maldonado, ndlr). Quand on n’est pas sur les podiums, les gens se posent plus facilement des questions mais on vit dans un sport où on est énormément dépendant du véhicule.
Cette saison a été difficile sur la piste mais aussi en dehors, avec notamment le grave accident de Jules Bianchi à Suzuka le 5 octobre dernier.
Oui, 2014 a vraiment été une année noire. Cet accident horrible de Jules au Grand Prix du Japon nous rappelle à tous qu’on fait un métier dangereux et qu’on peut disparaitre du jour au lendemain. Il y a aussi eu la mort de mon ancien physio (Jean-Pierre Frizon) et la disparation de Christophe de Margerie (le PDG de Total, soutien de Romain Grosjean en F1, décédé dans un accident à l’aéroport de Vnoukovo en Russie, ndlr). C’est un ensemble de choses qui ont fait que cette année a été dure jusqu’au bout et ne pas craquer a été un petit exploit. J’étais pressé que ça se termine pour me retrouver près des miens, recharger les batteries et pouvoir passer à autre chose. Aujourd’hui, on pense tous les jours à Jules et à tous les gens qu’on a perdus mais on est proche de sa famille et ça apporte une énergie assez unique.
Que peut-on espérer pour vous l’année prochaine ?
J’espère très sincèrement remonter sur les podiums, reboire un peu de champagne. Quoi qu’il en soit, ce sera une belle année puisque mon deuxième enfant arrivera mi-mai. J’espère que les choses repartiront dans la bonne direction et que tout cela me permettra d’avoir des belles perspectives d’avenir pour les prochaines années.