RMC Sport

Prost : « Le Grand Prix de France est d’intérêt général »

Alain Prost

Alain Prost - -

EXCLU RMC SPORT. Alain Prost, qui œuvre désormais avec les dirigeants du circuit du Castellet au retour du Grand Prix de France au calendrier 2013 de la F1, explique son rôle dans le projet.

Alain, la lutte pour le titre de champion du monde bat son plein à trois Grands Prix de la fin de la saison de F1 entre Sebastian Vettel et Fernando Alonso ? Sur lequel misez-vous ?

Si je devais parier, je parierais sur Vettel. C’est sûr. Mais quand on donne un pronostic cette année, on a l’air un peu stupide parce qu’on s’aperçoit que ce n’est pas toujours évident même si Vettel a gagné les quatre derniers Grands Prix, ce qui est assez exceptionnel. Tout reste encore possible. Il y a 13 points d’écart, ce n’est pas énorme. A Abu Dhabi, ça va être sec. Il ne pleuvra pas. Mais sur les deux derniers Grands Prix, il y aura peut-être de la pluie. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer. Il y a quand même un gros avantage sur le plan de la performance de la voiture pour le binôme Red Bull-Vettel.

Regrettez-vous que la F1 manque un peu de piquant par rapport à votre époque ?

Je trouve qu’il y a eu de très belles courses cette année. Il y a eu des passes d’armes incroyables, un spectacle formidable. Il y a des courses un peu plus ennuyeuses, mais comme il y en a toujours eues. Il y a des pilotes avec des personnalités très différentes. Quand on voit le charisme de gens comme Button, Webber, la jeunesse de Vettel, Alonso qui fait l’unanimité, le retour de Räikkönen... On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de personnalités. On les voit moins, on les entend moins. Il y a moins d’histoires, il n’y a pas de problèmes. On était peut-être plus mûrs à l’époque et on avait peut-être tendance à dire ce qu’on pensait. Il y avait peut-être plus de choses à raconter. J’espère qu’on verra bientôt des choses différentes. Le fait d’avoir voulu tout niveler avec tous ces règlements, peut-être que ça a nivelé aussi le charisme des pilotes. On ne peut plus rien dire, plus rien faire. C’est la perception que les gens peuvent avoir de l’extérieur. Mais ce n’est pas vraiment le cas. La F1 reste un laboratoire absolument incroyable. C’est le pinacle du sport automobile, de la technologie. Ça va l’être encore plus à partir de 2014 (nouvelle motorisation, ndlr).

« Faire ce Grand Prix de France le plus tôt possible »

A propos de l’avenir, quel va être votre rôle dans le projet du retour du Grand Prix de France ?

Je n’ai rien évoqué, on va un peu vite. Il y a eu des choses écrites dans la presse. Comme toujours, on a 50% de vrai et 50% de faux. Je ne veux pas détailler ce qui est vrai ou pas. Ce qui est sûr, c’est que l’opportunité et la fenêtre sont très intéressantes aujourd’hui. Certains Grands Prix auront des difficultés pour être organisés l’année prochaine. En premier lieu le Grand Prix de New York et peut-être d’autres dans le futur. L’opportunité de revoir un Grand Prix de France est certainement plus importante aujourd’hui qu’il y a quelques mois. Pour être clair, on m’a plutôt demandé d’être un conseiller. Le fait d’être ici à Abu Dhabi, où je représente Renault, permettra d’organiser peut-être une à deux réunions pour parler de ça. Le rôle d’ambassadeur, de promoteur, n’est pas le sujet aujourd’hui. Ce qu’il faut, c’est essayer de trouver le meilleur compromis pour pouvoir faire ce Grand Prix le plus tôt possible.

C’est un projet qu’on dit bien avancé, bien ficelé, et qui a des chances d’aboutir…

Il n’est pas ficelé, ça c’est sûr. Il est mieux engagé dans la mesure où il y a un promoteur privé et de l’argent public. Il est vrai que la ville de Toulon, la Chambre de Commerce et les locaux sont prêts à investir. Il faut juger ce projet comme un investissement et on sait qu’on aura un retour sur investissement. Il faut bien que les gens comprennent que ce n’est pas de l’argent perdu. Si on organise un GP, on a des retombées économiques très importantes autour, qui sont évaluées au minimum à 20 millions d’euros et entre 20 et 30 selon les estimations. On a encore du mal à juger les retombées annuelles en termes de tourisme. C’est important d’en parler car dès qu’on parle d’argent public, tout devient négatif. Là, c’est un vrai investissement, on parle de peu d’argent dans une organisation de ce type-là. Aujourd’hui, je pense que pour la France, pour l’implication d’entreprises comme Renault et Total, mais aussi pour l’industrie automobile européenne, ce serait bénéfique. Pour l’économie européenne, un Grand Prix supplémentaire en Europe, un grand événement qui peut attirer des investisseurs étrangers, serait un réel plus.

Vous êtes le personnage de la F1 en France. Sur quels points faut-il appuyer pour convaincre les gens de la F1 ?

L’argument est clair : c’est bon pour tout le monde aujourd’hui, ce qui n’était pas vrai il y a quelques années ou quelques mois. Quand c’est dans l’intérêt général, il faut que tout le monde fasse un effort.

« On a besoin de projets comme ça en France »

C’est projet qui vous intéresse…

Je ne fais pas de langue de bois. Pour moi, le projet idéal était celui de Flins. C’était un projet économiquement abouti avec seulement 8h de F1 par an. Tout le reste, c’était un circuit d’essais, de sécurité, avec la proximité de l’usine Flins de Renault, mais avec aussi d’autres activités sportives (équitation, triathlon…). Personne n’a vraiment étudié ce projet à fond. Tout le monde est parti sur l’idée stupide des nappes phréatiques. On était dans un problème pré-électoral et c’est la politique qui a fait capoter le projet. Le Castellet représente tout ce qui se fait de mieux en tradition du sport automobile depuis des années. On sait qu’on n’aura pas 100 000 spectateurs, donc l’économie est plus difficile à trouver. Tout le monde a envie de retourner là-bas donc privilégions l’intérêt général.

Vous avez été quadruple champion du monde, patron d’équipe. Est-ce que votre carnet d’adresses peut aider le Castellet à trouver des financements, voire le clôturer ?

Dans un premier temps, c’est une discussion avec Bernie Ecclestone. Je peux être le catalyseur pour éviter de faire des bêtises. Je connais bien le dossier et la F1. Il ne faut pas penser qu’uniquement avec un carnet d’adresses, on peut débloquer les choses, mais ça peut aider. Je le vois plus comme une synergie presque industrielle. Je vois ça comme un renouveau. On a besoin de projets comme ça dans des pays comme la France. C’est encore plus important avec ce qu’il se passe aujourd’hui.

Votre fils, Nicolas (31 ans), va rouler la semaine prochaine avec Lotus. Ça va être un beau moment pour vous…

Je suis très fier. Ce n’est pas la première fois qu’il roule en F1 avec Lotus. Mais c’est la première fois dans un cadre officiel avec la voiture de 2012. La seule différence est que ce n’est pas dans le cadre d’essais de jeunes pilotes. Il fait déjà partie de la cellule Gravity de Lotus depuis quelques temps. Ce sera une journée de développement. C’est un bagage technique et médiatique important. Tout le monde pourra juger ses temps. Ils ne seront pas significatifs car cela dépendra de ce que l’équipe lui demandera de faire. C’est très positif et je suis fier de le voir arriver là tout seul.

Propos recueillis par Antoine Arlot