
Exploits à la pelle, mare de sang à Istanbul: quand l’ASVEL atteignait le Final Four de l’EuroLeague
C’est une aventure rare pour le basket français de clubs. "Le deuxième plus grand exploit en EuroLeague derrière le titre de Limoges en 1993", estime Laurent Pluvy, l’un des héros de l’épopée. Il y a vingt-trois ans, l’ASVEL entamait une campagne européenne qui allait la mener quelques mois plus tard au seul Final Four de son histoire. A l’heure où le club de l’ambitieux président-actionnaire majoritaire Tony Parker retrouve le gratin du basket européen et permet à la balle orange tricolore de reprendre un siège à la table des géants après trois saisons d’absence, avec un premier match ce vendredi soir dans son Astroballe face à l'Olympiacos (20h45, sur RMC Sport 2), on a rembobiné le fil. Celui d’un qui rêve se transforme en cauchemar avec "l’aide" de la plus célèbre porte vitrée de l’histoire du sport français.
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"Vous allez voir, on va être dans la poule où il ne manque que les Chicago Bulls..."
Vice-championne de France en 1996 après avoir perdu le match 5 décisif contre Pau en finale, début d’une période où elle est "une des meilleures équipes du plateau européen tous les ans" jusqu’en 2001 dixit Laurent Pluvy, l’ASVEL va voir le sort lui réserver un menu un poil indigeste pour une EuroLeague qui se déroule à l’époque en deux phases de poules – on les croise pour la seconde – avant les huitièmes de finale. Coach villeurbannais de 1992 à 2001, Gregor Beugnot raconte: "Au tirage au sort, en Allemagne, tout le monde voulait Villeurbanne car ils découvraient un peu notre basket, au niveau européen en tout cas. Il y avait une curiosité autour de nous. Et quand on me demande au micro quelle poule je souhaiterais, je dis: 'Vous allez voir, on va être dans la poule où il ne manque que les Chicago Bulls...' Ils tirent la boule et boom: ASVEL."
"Dès la préparation, on sait qu’on ne va pas être le faire-valoir de la compétition"
Face au club français, les Grecs du Panathinaïkos, les Espagnols du FC Barcelone, les Slovènes de l’Union Olimpija Ljubljana, les Croates du KK Split et les Allemands du Bayer Giants Leverkusen. Du lourd. Trois de ces équipes, le Barça, l’ASVEL et Ljubljana, verront le Final Four. "Et si l’Olympiacos ne sort pas le Pana en quart, on se serait retrouvé avec quatre équipes de notre poule", précise le coach champion de France 2012 avec Chalon-sur-Saône. Mais les troupes villeurbannaises ne s’avancent pas en victimes. "Dès la préparation, on sait qu’on ne va pas être le faire-valoir de la compétition, reprend Greg Beugnot. Vraiment. On sent un groupe sain, qui a du caractère. Et on a des automatismes." A l’époque, l’arrêt Bosman n’a pas encore "détruit le basket français" (Beugnot) et les clubs peuvent travailler sur le long terme.

Cette équipe organisée autour du meneur américain Delaney Rudd, magique leader offensif arrivé en 1993, a donc pu se construire avec le temps, avec une base solide à laquelle on apporte des retouches à l’image de l’arrivée du "Trampoline" tricolore Jim Bilba, intérieur champion d’Europe 1993 avec le CSP, avant cette saison qui va mener au Final Four. "On revient d’une situation où on est proche du dépôt de bilan trois-quatre ans avant, on n’a pas d’argent mais notre équipe, on l’a construite, bien hiérarchisée, note Greg Beugnot. Chaque fois que Delaney ou un autre titulaire passait à côté, il y avait toujours celui qui arrivait du banc et qui faisait son match. La différence de budget en proportion par rapport aux budgets actuels était exactement la même. Enorme. Mais on pouvait travailler sur du long terme. Il y avait une identité dans le jeu, une cohérence dans ce qui était fait."
"On échange en buvant une bière après le match et il me dit: 'Tu vas aller au Final Four'"
"Ça faisait trois-quatre ans qu’on était ensemble, ce qui n’existe plus aujourd’hui, rappelle Laurent Pluvy, actuel coach de Roanne en Jeep Elite. Le collectif se bonifiait d’année en année et on arrivait tous à maturité. L’équipe était tellement forte collectivement..." Cela va vite se voir. Malgré un des plus petits budgets de la compétition, l’ASVEL s’avance "sans complexe" (Pluvy). Le premier match de la campagne européenne est une victoire à domicile contre Split. Dont le coach a déjà deviné la fin du film. "Je le connaissais bien, on échange en buvant une bière après le match et il me dit: 'Tu vas aller au Final Four'. Et là, en fait, j’y crois, lâche Greg Beugnot. Et mon rôle est de le mettre dans la tête des joueurs." Le premier exploit va aider à enfoncer l’idée.
"Boza est persuadé que je ne vais jamais lui faire une zone et il n’a rien préparé"
Début octobre, c’est la bouillante salle du Pana qui accueille l’ASVEL. Pour une victoire 72-66 et un premier coup tactique payant signé Beugnot, opposé à Bozidar Maljkovic, l’homme qui a mené Limoges au Graal européen. "Quand je coachais contre lui en France, ce n’était pas mon style de faire une zone, se souvient le technicien français. Quand on arrive là-bas, je sens les joueurs un peu stressés et je leur dis: 'Les gars, on fait la première action en homme à homme et ensuite on va passer sur des zones'. Boza est persuadé que je ne vais jamais lui faire une zone et il n’a rien préparé. Quand il arrive en conférence de presse, il s’excuse devant tout le monde: 'C’est de ma faute, je ne pensais pas que Greg le ferait, il n’en a jamais fait de sa vie'. Ce qui nous sauve sur cette EuroLeague, c’est qu’on fait de la stratégie à tous les matches. On change notre défense et des options d’attaque. Les grosses cylindrées européennes ont des joueurs fantastiques, de la qualité partout, donc les coaches n’allaient pas s’embêter, entre guillemets, à aller faire de la stratégie pendant les poules."
"Prépare tes mains pour demander temps-mort"
En attaque, un immense Delaney Rudd se charge du boulot avec 31 points dont 5/6 derrière l’arc. "Delaney sent que le Pana n’est pas dans un grand jour. Et quand Delaney y croit, c’est dur de l’arrêter, sourit Beugnot. Boza essaie de lui mettre tous les meilleurs défenseurs qu’il a deux-trois minutes chacun sur lui en pressing tout terrain pour l’user. Mais Delaney, quand il est déterminé comme ça, c’est ingérable pour l’adversaire." Barcelone va également s’en apercevoir. Les coups durs auraient pourtant pu faire dérailler le train villeurbannais. Ronnie Smith se fait les croisés à Dijon en début de saison. Puis c’est au tour d’un des deux Américains, Brian Howard, de se blesser. Résultat? Il faut se rendre en Catalogne mi-octobre avec un cinq jeune et expérimental. "Je dis à Delaney: 'J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise: tu commences dans le cinq avec Thomas Andrieux et Karim Ouattara', raconte Beugnot. Alors il me demande quelle est la bonne. Et je lui réponds: 'Ben c’est que tu commences dans le cinq'. Il explose de rire et dit: 'Prépare tes mains pour demander temps-mort'."
Une double confrontation contre... Pau
C’est surtout le coach barcelonais qui va devenir dingue. Injouable, l’Américain signe 35 points dont 6/8 aux tirs primés. "Quand il croyait à la victoire et qu’il voyait que l’équipe adverse avait des lacunes, il s’engouffrait dedans et il les détruisait", apprécie son coach de l’époque. "Dès son premier entraînement, quand il est arrivé en 1993, on a su, complète Pluvy. On s’est tout de suite dit: 'Wow, c’est un extraterrestre'. C’était notre vrai guide." "C’était notre leader, celui qui donnait le ton de cette équipe, poursuit Jim Bilba. Il y a des matches où il est passé à côté mais qu’importe: le dernier ballon allait quand même dans ses mains. Et il nous faisait gagner." Il sera encore là fin décembre 1996, à... Gerland, pour passer 21 points à un Barça encore battu sur un tir décisif signé Rémi Rippert. Avec sept succès en dix matches, l’ASVEL boucle la première phase à la troisième place de son groupe. Battre deux fois le Barça et aller s’imposer au Pana a fait grandir l’ambition. "Avec ces premières performances, on n’a plus de doute, explique Laurent Pluvy. On voit bien qu’on a de très forts Américains, des joueurs français qui sont dominants, et qu’on est capable de rivaliser."

Le croisement des poules pour la deuxième phase offre trois nouveaux adversaires: les Espagnols du Caja San Fernando (Séville, club aujourd’hui appelé Real Betis Baloncesto), les Russes du MBK Dynamo Moscou et surtout les... Français de Pau-Orthez, grand rival national de l’époque. "Je me rappelle plus des finales ou des demi-finales de championnat contre eux", appuie Laurent Pluvy, à qui on a rappelé cette double confrontation européenne. "Il y avait une petite motivation en plus", confirme pourtant Jim Bilba. Avant de nuancer: "C’était une belle affiche, un match de gala, mais ce n’était pas pareil. Il y a un petit truc en plus en championnat, où on sent le chauvinisme et la rivalité derrière. Et puis on préfère éliminer une autre équipe qu’une équipe française."
"Une dame de la table de marque dit: 'Le coach de Villeurbanne a raison, vous vous êtes trompés'. Et ils inversent la possession"
Greg Beugnot, lui, avait bien vu l’avantage d’affronter Pau sur la scène continentale: "Ce sont des arbitres européens et non des arbitres français. Ils ne connaissent pas les deux clubs. Ils ne connaissent que le gratin européen. La notoriété, les titres de champion, tout est balayé. Ce sont deux équipes qui s’affrontent dans un match de basket. Point. Et ils nous laissent jouer. Ça a donné des matches au couteau les deux fois." Pour deux victoires villeurbannaises, dont une en terre adverse (97-95 avec 29 points pour Rudd)... mais pas toujours hostile. Beugnot raconte: "Un arbitre avait commis une erreur sur une remise en touche et à l’époque, il n’y avait pas la vidéo. Ils vont à la table et une dame de la table de marque dit: 'Le coach de Villeurbanne a raison, vous vous êtes trompés'. Et ils inversent la possession, qui est très importante puisqu’on gagne sur un panier de Jim Bilba à la dernière seconde. J’ai remercié cette dame pendant des années."
"La salle était déjà pleine deux heures avant. On ne s’attendait pas à ça..."
La deuxième phase voit l’ASVEL s’imposer cinq fois sur six et terminer deuxième de sa poule. Direction les huitièmes pour un duel contre les Espagnols de l’Estudiantes Madrid. Qualification en trois matches avec deux victoires à la maison. "Mais ce souvenir est presque occulté par ce qui s’est passé après", glisse Greg Beugnot. Le récit arrive sur le quart de finale contre l’Efes Pilsen Istanbul, monstre européen qui a terminé les deux premières phases en tête de sa poule. Et qui possède l’avantage du terrain alors qu’il est invaincu chez lui. Trois matches à jamais dans la légende, pour de bonnes mais aussi de mauvaises raisons. La première manche se déroule en Turquie. Découverte d’une autre dimension. "Quand on arrive en début d’après-midi, c’est déjà noir de monde dehors, il y avait entre cinq et dix mille personnes, se souvient Laurent Pluvy. La salle était déjà pleine deux heures avant. On ne s’attendait pas à ça..."
"On voit un drapeau français et on se dit: 'Chouette, il y a des supporters français'. Vous rigolez oui: ils ont allumé le drapeau pour le brûler!"
"Ils étaient tétanisés, enchaîne Greg Beugnot. Lors de la présentation, on voit un drapeau français et on se dit: 'Chouette, il y a des supporters français'. Vous rigolez oui: ils ont allumé le drapeau pour le brûler! Et là on prend l’eau." Les Villeurbannais en prennent une belle: 87-71. "Ils n’y croient plus", indique leur coach. Mais ce dernier a quelques astuces dans son chapeau pour le retour. "On décide de travailler une défense de zone match-up un peu particulière. On est dix points derrière à une dizaine de minutes de la fin et on passe en match-up. On leur vole trois ballons direct, on fait des contre-attaques et on revient à portée de fusil. La salle commence à y croire, les joueurs aussi, ça pousse et c’est parti. On gagne. Là, on sent vraiment que les mouches ont changé d’âne. A eux le doute, à nous la croyance." L’Efes fait une première erreur: rentrer à Istanbul en avion privé juste après le retour, qui a lieu deux jours avant la belle. "On nous l’avait proposé mais j’ai dit non, sourit Greg Beugnot. Je pense qu’ils n’ont pas eu la récupération nécessaire."
"On a sprinté sous des serviettes pour quitter le terrain car les mecs nous jetaient n’importe quoi, des piles, des briquets, des téléphones"
Reste à dédramatiser auprès de ses joueurs l’ambiance ultra hostile qui les attend en Turquie. Le technicien et son staff s’y attellent depuis l’aller: "Dans tous les montages vidéo, on mettait l’ambiance de la salle. On avait même demandé des enceintes à notre hôtel pour pouvoir mettre le son de la salle pendant nos explications. A la fin, ils sont fixés sur les images et le bruit est devenu secondaire." "On savait à quoi s'attendre, il n’y avait plus l’effet de surprise, pointe Laurent Pluvy. On en rigole, d'ailleurs. On est presque impatient d'y aller, de retrouver cette ambiance. Et puis il y a le coup tactique de Greg..." Le technicien avait fait filmer le banc adverse au retour pour montrer que le coach adverse n’avait pas trouvé de solution à la zone match-up. On recommence tout le match? Surtout pas. "Je leur demande de rester dans les dix points d’écart à dix minutes de la fin pour pouvoir la mettre en place à ce moment-là."

Même tactique pour même résultat. "Ils ne trouvent pas les solutions, on leur casse tous les timings, il n’y a plus de relations de passe, ils commencent à forcer sur les talents individuels, à s’énerver sur la mise en échec, énumère Greg Beugnot. Notre confiance monte et on passe devant." Delaney Rudd termine le travail (62-57) sur la ligne des lancers. Sans oublier de chauffer un public déjà bouillant. "Chaque fois qu’il en met un, il laisse quatre doigts en l’air pour dire: 'Nous on va Final Four'. Et là, pour sortir de la salle..." La qualif pour le Final Four de Rome est dans la poche. Mais la joie qui aurait dû exploser va laisser place à l’horreur. On laisse les acteurs raconter. Laurent Pluvy: "On a sprinté sous des serviettes pour quitter le terrain car les mecs des tribunes nous jetaient n’importe quoi, des piles, des briquets, des téléphones". Greg Beugnot: "Il y avait une porte intermédiaire entre notre vestiaire et le couloir sous les tribunes. Les joueurs pensent que c’est une porte en bois mais c’était de la vitre peinte. Elle a toujours été ouverte mais là, elle est fermée à clef. Est-ce que c’était pour notre sécurité? Pour ne pas permettre à d’autres gens d’accéder à notre vestiaire? On ne saura jamais. Jim est devant, il essaie d’ouvrir, les joueurs poussent..."
"Il y a du sang partout, ça gicle, j’ai l’impression qu’on a égorgé un de mes joueurs"
Laurent Pluvy: "Jim met la main sur la vitre pour pousser mais elle explose". Greg Beugnot: "Il s’ouvre complètement les poignets et se coupe les tendons". Laurent Pluvy: "On est comme dans un film. Le sang pisse de partout. Georgy Adams ou Olivier Bourgain, je ne sais plus, est juste derrière et attrape tout de suite le bras de Jim et lui enroule pour faire un garrot. Le basket devient secondaire tout de suite." Passé par une porte dérobée derrière le banc avec son staff et obligé de contourner le terrain pour atteindre le vestiaire, Greg Beugnot arrive après: "Il y a du sang partout, une mare, ça gicle, j’ai l’impression qu’on a égorgé un de mes joueurs. Je prends Jim, je lui demande de bouger les doigts. Ils ne bougent pas du tout mais je lui dis: 'Génial, tu bouges les doigts, ce n’est pas grave les gars'. Il faut le porter sur le parquet, arrêter une ambulance qui passe... Tous les gars sont abattus alors qu’on vient de faire l’un des plus grands exploits du basket français. Il n’y a que des larmes, la peur, des questions."
"Tous les ans, à la date anniversaire, des journalistes turcs m’appellent pour revenir sur cette élimination de l’Efes, ils appellent ça le jeudi noir"
"Heureusement qu'il n'en a pas gardé de séquelles", frissonne Laurent Pluvy. Qui confirme que le groupe n’a "jamais profité du truc" réussi sur le plan sportif en raison de ce terrible accident. Un souvenir "traumatisant" dixit son ancien coach. L’exploit est immense – "Tous les ans, à la date anniversaire, des journalistes turcs m’appellent pour revenir sur cette élimination de l’Efes, ils appellent ça le jeudi noir", contextualise Greg Beugnot – mais l’accident "casse un truc" selon Laurent Pluvy. "On perd tout quand on perd Jim, reprend le coach de Roanne. Notre gladiateur, notre âme. A l’époque, c’est peut-être le meilleur défenseur d’Europe. Quand on arrive sur un Final Four sans une de ses cartes maîtresses, ça devient difficile. On y va un peu résignés car on sait qu’on ne peut pas réellement jouer le titre."
"Tout le système défensif avec ou sans Bilba, ça n’a rien à voir"
"On est abattus, diminués, tant psychologiquement que tactiquement et humainement, complète son ancien entraîneur. Il nous manque notre défenseur, le liant de tout le système défensif. C’est fou l’impact de cette blessure. Je ne pense pas qu’on aurait gagné le Final Four. Mais on aurait eu ce que toute l’Europe voulait: une finale entre Delaney Rudd et David Rivers (futur vainqueur et MVP du Final Four avec l’Olympiacos, ndlr), les deux meilleurs joueurs de la saison. Les joueurs pensaient qu’on serait allé en finale avec Jim. C’est la vérité. Le destin s’est retourné contre nous alors qu’on venait d’écrire une des plus belles pages de l’histoire du basket français." En demi-finale, fin avril à Rome, l’ASVEL fait une nouvelle fois face au Barça. Mais au contraire des deux matches de poule, les Catalans s’imposent (77-70) avec un Andres Jimenez impérial au poste 4, celui de "Trampoline". "Jimenez nous tue. Et dans nos stratégies, la possibilité de l’arrêter s’appelle Jim Bilba et elle n’est pas là, insiste Greg Beugnot. Tout le système défensif avec ou sans Bilba, ça n’a rien à voir."
Le match pour la troisième place, "on s'en fout"
"On aurait peut-être été capable de jouer une finale, imagine Laurent Pluvy. Est-ce qu’on aurait gagné cette finale? Je n’en sais rien car l’Olympiacos était vraiment très fort. On a vu leur démonstration en finale (victoire 73-58 sur Barcelone, ndlr)." "On ne doit pas se flageller à se demander ce qui se serait passé si j’avais été là, philosophe le grand absent vingt-deux ans plus tard. C’est comme ça, c’est la vie." La petite finale contre Ljubljana sera perdue (79-86). "Elle n’avait plus d’importance", explique Laurent Pluvy. "On s’en fout", appuie Greg Beugnot. La grande aventure est passée. La saison se termine sur un seul titre, la Coupe de France, après une finale de championnat perdue face au PSG Racing. Mais les souvenirs resteront gravés. A vie. Les bons comme les mauvais.

Les premiers tournent sur un thème: un groupe qui régale. "On était heureux de se retrouver, de s’entraîner ensemble tous les jours, d’être dans ce projet. Et solidaires. On vivait bien ensemble sur comme en dehors du terrain et ça s’est reflété sur notre saison, estime Jim Bilba. Quand l’alchimie prend entre les douze joueurs, c’est énorme, du pain béni pour un coach. On avait ça dès les premiers jours et le coach l’a vu. On sentait que c’était notre année. Il y a des saisons comme ça. On prenait un tel plaisir. Quand on en parle, on en garde un super souvenir. Quand on regarde les budgets et les équipes en face, qui aurait misé une pièce sur nous? Personne à part nous-mêmes."
"C’est peut-être la plus belle saison de notre carrière à tous mais en même temps la plus cruelle"
Greg Beugnot ne dit pas moins: "C’est une équipe qui a presque fait un an tous les jours à l’entraînement. Mais jamais un joueur n’est arrivé en retard pour la récupération. Ils faisaient ce qu’on leur demandait. A l’époque, il n’y avait pas de gardien à l’Astroballe et on avait les codes des alarmes. Et quand on repartait après la récupération le dimanche matin, je ne rentrais pas tout de suite car ils restaient une heure et demie à deux heures dans le vestiaire à parler et rigoler. Je n’avais pas de fêtards, pas de joueurs qui fumaient ou buvaient. Mais s’ils décidaient de sortir, c’était toute l’équipe. Ensemble. C’était vraiment un groupe fantastique." La conclusion-résumé à Laurent Pluvy: "Paradoxalement, c’est peut-être la plus belle saison de notre carrière à tous mais en même temps la plus cruelle. La qualification à Istanbul n’est même pas un beau souvenir car on ne vit pas le moment. Tout a été emporté." Pas tout, Laurent, pas tout. On peut te l’assurer: le souvenir vit chez tous les amoureux du basket français.
L'effectif de l'ASVEL 1996-1997 (dans l'ordre des numéros)
Delaney Rudd (Etats-Unis), Karim Ouattara (France), Olivier Bourgain (France), Laurent Pluvy (France), Jimmy Nebot (France), Alain Digbeu (France), Brian Howard (Etats-Unis), Rémi Rippert (France), Georgy Adams (France), Jim Bilba (France), Ronnie Smith (France) ; Coach : Greg Beugnot