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NBA: comment Nico Harrison, l'homme qui a congédié Luka Doncic, est devenu en trois jours la risée de l'Amérique

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Alors que l'échange entre Luka Doncic, envoyé aux Lakers, et Anthony Davis, nouveau joueur des Mavericks, secoue depuis dimanche la planète basket, beaucoup d'observateurs et de fans pointent du doigt un homme, coupable selon eux du "pire trade de l'histoire": Nico Harrison, le general manager de la franchise texane.

Et si c'était lui, le sauveur d'une nation? L'homme qui faisait voler en éclat cette théorie, rabâchée encore et encore, des "deux Amériques irréconciliables"? Depuis dimanche matin (6h12, heure française) et la publication sur X d'une petite bombe par le célèbre insider NBA Shams Charania, Nico Harrison a en effet réussi un véritable exploit: être moqué - voire détesté - par absolument tous les Américains. Plus de blancs, de noirs et de latinos, plus de démocrates ni de républicains, juste un peuple uni, pointant du doigt et raillant un compatriote.

Son nom ne vous dit rien? Nico Harrison est le general manager (GM) et président des opérations basket des Dallas Mavericks. L'instigateur du "trade du siècle" pour certains, du "pire trade de l'histoire" pour beaucoup. L'individu qui a osé envoyé la superstar des Mavs Luka Doncic - l'un des meilleurs manieurs de ballon de ce premier quart de siècle - aux Los Angeles Lakers, en échange d'Anthony Davis et de quelques miettes. L'homme qui a chassé l'idole des fans.

Une vague de haine en ligne, mais pas que

Depuis ce funeste 2 février 2025 à Dallas, les réseaux sociaux (sans surprise) se déchaînent contre le GM de 52 ans, ex-modeste basketteur professionnel passé par la Belgique ou le Japon, et ex-grand dirigeant chez Nike. Des montages comparant Harrison à Ben Laden sont "likés" par des dizaines de milliers de comptes, des mèmes offensant circulent à tout-va, des insultent pleuvent. Un harcèlement en ligne de masse, à la mécanique bien huilée. Mais la haine à son encontre n'est pas que virtuelle.

Un reportage de Fox 4 News, partagé de nombreuses fois des deux côtés de l'Atlantique, montrait ainsi lundi des fans hardcore des Dallas Mavericks réunis devant l'American Airlines Center pour pleurer Doncic (bouquets de fleurs et bougies à l'appui) et crier leur colère contre la direction des Mavs, Nico Harrison en premier lieu.

"Ce gars, Nico, a tué mon rêve. La salle des Mavericks, c’était mon lieu sûr. Maintenant je n’ai plus rien", se désole l'un d'eux. Et son compère d'ajouter, très sérieux: "C’est comme si un proche venait de mourir."

Des réactions disproportionnées? Sans aucun doute. Reste qu'à l'échelle de la NBA, et même du sport américain, l'échange Doncic-Davis a fait l'effet d'un séisme. Parce que le chambreur/feignant/génial/grassouillet meneur slovène de 25 ans, drafté par Atlanta en 2018 mais aussitôt envoyé à Dallas, était adoré par le public local, qui le voyait faire toute sa carrière NBA dans la franchise ; parce que les Mavs avaient atteint les finales avec lui pas plus tard que la saison dernière ; parce que l'échange parait à long terme déséquilibré, l'intérieur Anthony Davis, aussi dominant soit-il, étant proche des 32 ans et réputé pour sa fragilité physique. Mais surtout parce que dans l'histoire de la ligue, jamais un joueur de l'ampleur de Doncic, un franchise player, n'avait été envoyé dans une autre équipe... sans être mis au courant.

"J'étais presque endormi, alors quand j'ai reçu un appel, j'ai vérifié si on n'était pas le 1er avril", a confié mardi le nouveau joueur des Lakers, lors de sa présentation à Los Angeles. "Je n'y ai pas vraiment cru au début. C'était un peu un choc. J'ai vécu des moments difficiles. Des moments très difficiles. Surtout le premier jour. Mais je vais pouvoir jouer pour la plus grande équipe au monde et je suis impatient de commencer cette nouvelle aventure."

"Nous comprenons parfaitement l'ampleur de ce qu'il vient de se passer"

Jason Kidd, coach de Dallas, a peu ou prou employé les mêmes termes de son côté, indiquant avoir été "choqué" par le transfert, et faisant bien comprendre qu'il n'avait pas été mis dans la confidence. Selon les médias américains, Nico Harrison a ainsi agi seul, avec le feu vert du patron des Mavericks, Patrick Dumont. C'est lui qui a pris l'initiative, lui qui a décroché son téléphone pour appeler son homologue des Lakers, Rob Pelinka, et lui proposer le deal. Un Pelinka dont Harrison est proche, mais qui lui a fait mardi un petit cadeau empoisonné, en le remerciant publiquement de lui avoir apporté cette "opportunité", de lui avoir offert Doncic sur un plateau. De quoi attiser, un peu plus, la colère contre Harrison.

Visiblement embarrassé lors de sa conférence de presse, dimanche soir, aux côtés d'un Jason Kidd à la mine déconfite, Nico Harrison a pourtant tenté de convaincre son auditoire, justifiant son choix. "Nous comprenons parfaitement l'ampleur de ce qu'il vient de se passer", a-t-il glissé. "Cela ne nous a pas échappé. Nous tenons à remercier Luka pour le brio dont il a fait preuve au cours des dernières années, pour tout ce que nous avons pu accomplir. (...) Nous pensons que la défense fait gagner des championnats. Et nous recrutons l'un des meilleurs joueurs défensif et offensif de la ligue (Anthony Davis, NDLR). Peu de gens parlent de ce qu'il fait sur le plan défensif et offensif. Pouvez-vous citer des joueurs de la 1st All-NBA Team qui sont également des joueurs de la 1st All-NBA Defensive Team? C'est une véritable rareté à trouver. Et nous avons réussi à le faire. (...) Nous pensons que nous sommes faits pour gagner dès maintenant et dans le futur."

Convaincant? Pour les fans de Dallas, absolument pas. Alors que son bilan depuis son arrivée à Dallas en juin 2021 était globalement salué jusque-là (recrutements de Kyrie Irving et Klay Thompson, finale de conférence en 2022, finales NBA en 2024...), Harrison a vu depuis dimanche toute sa carrière professionnelle être remise en cause, et un vieux dossier refaire surface: celui du fiasco Steph Curry. Selon ses détracteurs, Nico Harrison - alors vice-président des opérations basketball en Amérique du Nord chez Nike - est aussi l'homme, qui en 2013, aurait laissé échapper le joyau chez le concurrent Under Armour. En ne lui proposant pas de paire de chaussures personnalisée, et en écorchant son nom lors d'une réunion de travail au sommet, vexant la future star des Warriors. Le GM a beau avoir déjà démenti cette histoire, légendée selon lui, le mal est fait. Nico Harrison, pour une partie du public américain, est aujourd'hui le pire dirigeant de l'histoire du sport US.

Pourra-t-il inverser la tendance? Lui veut y croire. En décrochant un titre dans les prochains mois. "Pour moi, la chose la plus facile à faire était de ne rien faire. Mais nous y croyons vraiment. C’est à moi de prendre les décisions difficiles et le temps nous dira si j’ai raison", soufflait-il ces derniers jours. "Je crois que nous sommes à présent construits pour gagner à court et moyen terme." L'avenir jugera.

https://twitter.com/clementchaillou Clément Chaillou Journaliste RMC Sport