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Armstrong : ces taux qui dérangent...

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Lance Armstrong a publié sur son site internet les résultats de ses analyses sanguines et urinaires de ces derniers mois. Des valeurs suspectes selon un professeur danois. Tel est pris qui croyait prendre ?

C’est Jakob Mörkebjerg qui a allumé la mèche sur les ondes d’une radio danoise DR. Professeur à la clinique universitaire Bispebjerg de Copenhague, il pense que les taux d’hématocrite et les valeurs d’hémoglobine du coureur sont suspects lors du Tour de France, car ces indicateurs auraient du diminuer au fil de l’épreuve. « Nous savons que les valeurs sanguines baissent fortement en cas d'effort prolongé, comme lors d'un Tour de France, a analysé le Dr Mörkebjerg à la radio danoise DR. Il n'y a pas de preuve de dopage sanguin, mais ce pourrait être une explication. Tout comme une diarrhée ou une déshydratation. »
En cause, l’hémoglobine qui sert au transport d’oxygène des poumons vers les muscles. Plus cette valeur est élevée, plus la quantité d'oxygène disponible pour les muscles est importante. Dans le cadre de la lutte antidopage, l’hémoglobine est d'ailleurs considérée par de nombreux experts comme un meilleur marqueur que l'hématocrite puisque moins sensible à certaines variations. Le 31 mai, dernier jour du Tour d’Italie, la valeur d’hémoglobine d’Armstrong est de 13 ; seize jours plus tard, elle passe à 16 : « Quand on se concentre sur l’hémoglobine du 31 mai au 16 juin, on passe de 13 à 16. Quelles sont les origines possibles ? »
Il faut plus d’informations. Au repos, ce nombre augmente naturellement mais ici, l’augmentation n’est peut-être pas si naturelle que ça. On pourrait penser à une transfusion sanguine, les fameuses transfusions autologues. Le cycliste américain a une valeur moyenne d’hémoglobine de 14.5 d’après le Professeur Michel Audran, qui enseigne la biophysique à l’université de Montpellier, et voir apparaître le nombre 16 lui pose aussi problème : « Quand vous faites une transfusion sanguine, c’est toujours pour augmenter la quantité d’hémoglobine car c’est ça qui transporte l’oxygène. Et j’ai un problème avec ces valeurs. En fin de journée, on est hyper réhydraté et on a une hemodiffusion qui fait que l’hémoglobine est plus faible le soir que le matin. » Cependant, il manque plusieurs indices pour dire si oui ou non ces valeurs relèvent d’un processus dopant : l’heure du contrôle, quelles normes respectées, quel type d’analyseur employé.

Une deuxième période choque dans les analyses d’Armstrong, celle du 11 juillet au 14 juillet, en plein Tour de France, cinq jours avant la première grosse étape de montagne. Sa valeur d’hémoglobine prend 0,7 points de 13,7 à 14,4. « Minime, selon Audran, il peut se réinjecter du sang et faire augmenter l’hémoglobine pendant le Tour. » Sur la base d'un modèle analytique publié très récemment par Pierre Sallet, physiologiste qui travaille sur les méthodes indirectes de détection, notamment de la transfusion autologue, plusieurs périodes dans les résultats publiés présentent des anomalies. Mais ce qui pique l’attention des spécialistes maintenant, ce sont les variations et plus les valeurs absolues. La normalité est partout "mais on voit des profils qui varient fortement en période de compétition", explique Pierre Sallet. Cyrille Guimard, ancien directeur sportif de Bernard Hinault et Laurent Fignon, consultant sur RMC, n’y voit rien. Mais attention Lance, que cet excès de transparence ne soit pas payé plus tard : « Ce profil amène naturellement des questions qui devraient conduire à des investigations supplémentaires », pense Pierre Sallet. D’ailleurs, au moment où le Professeur Mörkebjerg s’exprimait au Danemark, des inspecteurs anti-dopage tapaient à la porte du septuple vainqueur du Tour de France.

Morgan Maury avec Louis Chenaille (RMC Sport)