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Baal : « Il faut aller au-delà »

Daniel Baal

Daniel Baal - -

Ancien président de la Fédération française de cyclisme (1993-2001) et actuel vice-président de l'Union européenne de cyclisme, Daniel Baal estime que les propositions de la commission sénatoriale pour améliorer la lutte contre le dopage ne pourront être efficaces que si elles s’accompagnent d’une coopération internationale et de meilleurs moyens.

La révélation de certains noms de coureurs dopés lors des Tours de France 1998 et 1999 par une commission sénatoriale vous étonne-t-elle ?

Parmi les noms qui sont sortis, un certain nombre de coureurs avaient reconnu eux-mêmes s’être dopés. J’ai vu la réaction pleine de sagesse de Jacky Durand. Il dit les choses telles qu’elles étaient. On sait très bien que, dans les années 1998-1999-2000, la proportion de coureurs dopés avec des produits non décelables à l’époque était importante. Ça ne change rien par rapport à l’analyse que l’on pouvait faire de la situation sanitaire du peloton à l’époque.

On parle de 90 à 95% des coureurs sous EPO à cette période. Cette statistique vous semble-t-elle plausible ?

En 1998, je disais déjà qu’il y avait une forte proportion mais je ne connaissais pas le pourcentage. 90 ou 95%, ça ne me semble pas impossible. C’est vrai que c’était un vrai drame de voir ça et ça a complétement faussé l’histoire du cyclisme dans cette période-là.

Qu’est-ce que ça vous inspire qu’on sorte des noms quinze ans après ?

Je trouve que ça n’apporte plus grand-chose. J’espère simplement que les coureurs concernés, notamment ceux qui se sont reconstruit une vie autrement, n’en subiront pas trop le préjudice. Si la proportion était aussi forte, il est injuste de montrer certains du doigt et pas les autres. Il faut tirer un trait sur cette période. On sait qu’elle était sinistre et que le cyclisme a beaucoup travaillé depuis contre le dopage. J’aurais préféré savoir l’état actuel avec certitude. Et là, il n’y a pas de réponse parce que personne ne peut en fournir.

Que pensez-vous des propositions de la commission, qui réclame plus de moyens pour les laboratoires et la constitution d’une Haute autorité de lutte contre le dopage qui pourrait sanctionner des coureurs à la place des fédérations ?

Je ne peux que féliciter ceux qui proposent de mettre davantage de moyens. Après se posera la question du financement. Dans le contexte actuel, je pense que ce n’est pas l’Etat français qui va pouvoir donner des moyens parce qu’il y a d’autres priorités. Je trouve que l’idée de faire sanctionner les sportifs par l’AFLD (Agence française de lutte contre le dopage) plutôt que par les fédérations est une bonne initiative. Mais ce n’est pas ce qui est prévu dans le cadre du Code mondial antidopage et dans les relations entre les fédérations nationales et internationales. C’est un problème. Je suis aussi d’accord avec l’idée de faire davantage de prévention, même si je ne suis pas convaincu que ce soit le seul moyen. C’est aussi intéressant de voir que le dopage n’est pas forcément lié à l’argent puisqu’il se pratique également dans les compétitions de loisir et chez les non licenciés.

« Pour y aller fort, il faudrait s’orienter vers le pénal »

Ces mesures peuvent-elles servir à quelque chose si elles ne sont appliquées qu’au niveau national ?

On est exactement sur les mêmes problématiques dans la lutte contre le dopage et dans la lutte contre le crime. Elle ne peut pas se limiter à ce qu’on fait dans un seul pays. Il faut aller au-delà et une coopération entre les forces de police, les fédérations sportives et les instances antidopage. Et il y a un autre problème, qui à mon avis n’est pas bien abordé dans ce rapport, c’est la difficulté à mener des procédures disciplinaires et à montrer qu’un sportif est dopé pour le sanctionner. Ça semble très simple sur le papier mais gérer ce type de procédures est extrêmement complexe.

Les sanctions pénales peuvent-elles être une autre solution ?

C’est un choix. Soit on considère que le dopage est une infraction pénale, soit on considère que simplement un non-respect des règles sportives. Les propositions de ce rapport ne s’orientent pas vers le pénal, même si je pense qu’il faudrait aller dans ce sens si on voulait vraiment y aller fort. Mais ça signifierait encore de surcharger les tribunaux, qui le sont déjà.

La peur du gendarme est plus forte que celle de la suspension…

Oui, certainement. Mais la peur du gendarme signifie avoir les moyens d’investigation de la police et de la justice, que n’ont pas les instances sportives.

Ces révélations et les propositions de la commission peuvent-elles changer quelque chose à l’état actuel du sport ?

Les révélations ne vont rien changer. Les propositions sont intéressantes mais pas révolutionnaires et ne font pas vraiment avancer le débat. On verra si ça débouche sur une loi. Mais je le répète, ça ne peut pas se faire qu’au plan français et avec de réels moyens. Et ça, c’est un tout autre débat.

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Propos recueillis par Pierre Fesnien