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"Celui qui est performant sur un grand tour, c'est celui qui arrive à manger beaucoup pendant trois semaines", comment la nutrition a changé le cyclisme moderne

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C'est une évolution majeure du cyclisme ces dix dernières années, et elle est invisible pour les téléspectateurs devant leur écran. Julien Louis, nutritionniste pour Décathlon AG2R-La Mondiale explique dans Grand Plateau, le podcast vélo de RMC, comment la nutrition a tout changé.

Et si il fallait chercher là une des raisons principales pour l'amélioration soutenue des performances des cyclistes ces dernières années, dans le sillage d'un Pogacar insatiable sur le vélo, mais aussi fourchette en main. La saillie du nouveau cannibale, interrogé sur ses progrès lors ce la dernière journée de repos du Tour de France 2024 avait fait sourire les plus sceptiques. "Il y a six ans, quand j'ai commencé, on se concentrait surtout sur les féculents", a détaillé Pogacar. "Au petit-déjeuner, on mangeait surtout des pâtes, du riz blanc et de l'omelette. Aujourd'hui, c'est plus varié, on a du porridge, des pancakes, de l'omelette, du pain... Ces petites choses ont fait la différence et permis qu'on ne mange pas forcément que des pâtes le matin. Mais tout est pesé, tout est programmé pour le petit-déjeuner, pour l'étape, pour après l'étape."

Si les propos ont pu faire sourire, le constat est implacable: en 10 ans, la nutrition des coureurs cyclistes professionnels a connu une belle révolution. "Je serais complètement perdu aujourd'hui, sourit Jérôme Coppel, consultant cyclisme pour RMC et ancien champion de France du contre-la-montre. Quand je suis passé professionnel en 2008, il n'y avait pas du tout de nutritionniste dans les équipes, on n'avait pas de cuisinier ni sur le Tour de France ni sur les autres courses, on faisait vraiment avec ce qu'on entendait par-ci par-là.”

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La nutrition, clé de voûte de la performance ! Avec Julien Louis, nutritionniste chez Decathlon AG2R La Mondiale
La nutrition, clé de voûte de la performance ! Avec Julien Louis, nutritionniste chez Decathlon AG2R La Mondiale
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"La nutrition du sport, c'est une discipline scientifique très jeune, qui a décollé, on peut dire, au cours des dix dernières années, explique Julien Louis, nutritionniste dans l'équipe Décathlon AG2R-la Mondiale dans le podcast Grand Plateau. On a réussi à développer de nouvelles connaissances pour mieux comprendre comment, par exemple, les glucides sont absorbés au niveau intestinal. Maintenant, on sait qu'il faut associer différents types de glucides pour mieux les absorber et donc on peut en absorber plus."

1 kg de spaghetti pour 5 heures!

C'est devenu le nerf de la guerre: rangez vos images d'Epinal de cyclistes alternant entre plat de pâtes le matin et carotte pour ne pas grossir le soir, il s'agit maintenant de manger plus pour développer plus de puissance et donc aller plus vite. "Celui qui est performant sur un grand tour, c'est celui qui arrive à manger beaucoup pendant trois semaines, explique Julien Louis. Il faut avoir cette capacité à ingérer beaucoup d'aliments pendant trois semaines de manière régulière. Un coureur cycliste ne peut pas avoir un jour off où il se dit 'finalement non, aujourd'hui j'ai pas envie de manger'. On peut être quasiment certain que le jour suivant va être très compliqué.

Les coureurs entraînent maintenant leurs intestins à absorber 120g de glucides par heure (l'équivalent de 200g de pâtes sèches, et donc un kilo de spaghetti pour une étape de 5 heures!).

Et ce n'est sans doute pas fini. "On s'est rendu compte très récemment via des techniques sophistiquées que quand on ingère 120g par heure à l'effort, on arrive à en oxyder, c'est-à-dire à en utiliser par le muscle, par les cellules musculaires, qu'à peu près 75 %. Donc le rendement d'oxydation des glucides n'est pas à 100 %. Donc quand on ingère 120 g, on n'oxyde pas 120 g. Donc là, ce qu'on essaye de faire, c'est d'essayer de trouver un moyen pour améliorer ce rendement d'oxydation et de pousser les fibres musculaires à oxyder encore plus, à utiliser encore plus de sucre." Et à ce petit jeu là, Tadej Pogacar et ses petits-déjeuners va être compliqué à prendre en défaut.

https://twitter.com/pierrekoetschet Pierre Koetschet Journaliste RMC Sport