RMC Sport

CERA, la molécule qui se croyait invisible

L'Italien est la première victime tombée pour avoir utilisé le CERA, l'EPO dernière génération. D'autres coureurs suivront-ils ?

L'Italien est la première victime tombée pour avoir utilisé le CERA, l'EPO dernière génération. D'autres coureurs suivront-ils ? - -

Dernier né de l’EPO, le CERA a fait chuter Riccardo Ricco au dernier Tour de France. D’autres coureurs pourraient connaître le même sort que l’Italien alors que des échantillons sanguins sont actuellement analysés par l’Agence française de lutte antidopage.

Le laboratoire de Chatenay-Malabry pourrait réaliser un petit pas pour l’humanité et un grand pas pour la lutte antidopage. Depuis lundi 29 septembre, l’équipe dirigée par le professeur Jean de Ceaurriz analyse les échantillons sanguins d’une dizaine de coureurs du Tour de France 2008. Les examens visent à déceler la présence d’EPO exogène dite recombinante (rhEPO), à laquelle les cyclistes auraient pu recourir afin de stimuler artificiellement la production de globules rouges, favorisant ainsi de manière illicite le transport d’oxygène aux muscles. Les analyses en cours ont pour but la détection de l’EPO dernière génération, appelée CERA, pour Continuous Erythropietin Receptor Activator. Le CERA a été mis sur le marché par les laboratoires pharmaceutiques Roche, sous le nom de Mircera. A l’instar des autres EPO issues des biotechnologies, cette dernière version est destinée aux patients souffrant d'affections rénales ou de cancers. Mais le CERA a la particularité de rester dans l’organisme beaucoup plus longtemps, permettant une administration efficace toutes 3 ou 4 semaines au lieu de une à trois administrations par semaine avec les rhEPO. C’est la raison pour laquelle, on qualifie le CERA, d’EPO « super retard ».

Ricco, première victime tombée avec le CERA

Moins d’injections mais également moins de visibilité dans l’urine. Pour faire simple, le CERA est une EPO de la 1ère génération, de type NéoRocormon, à laquelle on a ajouté une grosse molécule qui améliore son rendement mais qui est moins vite éliminée par les reins. Les métabolites du CERA ne passent pas bien dans les urines, mais ce passage peut être favorisé par un effort physique intense. Par chance pour les contrôleurs, par malchance pour l’intéressé, c’est ce qui a confondu Riccardo Ricco lors du dernier Tour de France. Le cycliste italien a avoué avoir eu recours au CERA après le Giro pour récupérer de ses efforts en vue du Tour. Mais pour un Ricco de pris, combien de coureurs passés aux travers de la lutte antidopage ? L’Agence française de lutte antidopage (AFLD), chargée des contrôles sur le tour, avait effectué des prélèvements sanguins les 3 et 4 juillet à Brest ainsi que lors d’une journée de repos, qu’elle avait envoyés au laboratoire antidopage de Lausanne (LAD) pour être intégrés dans passeport biologique des coureurs cyclistes. Or, le CERA reste dans le sang, ce qui offre aux instances antidopage une fenêtre de détection très grande. Certains coureurs ayant affiché des paramètres suspects, l’AFLD a décidé de rappeler et de ré analyser les échantillons d’une dizaine d’entre eux. Comme l’explique son président Pierre Bordry, « l’Agence entend procéder à des analyses ciblées qui porteront sur des échantillons de cyclistes pour lesquels divers éléments justifient une investigation complémentaire, notamment les paramètres hématologiques généraux de ces prélèvements sanguins (-). »

Un précédent avec l’Affaire Puerto

Pour se faire, le laboratoire français a utilisé son propre savoir-faire, une méthode de détection directe, mise au point par les professeurs Françoise Lasne et Jean de Ceaurriz, et appliquée à partir de 2001, qui permet d’identifier l’EPO recombinante grâce au procédé d’iso focalisation. Il s’agit d’une technique qui distingue l’EPO naturelle des EPO exogènes en fonction de leur acidité, ces dernières ayant soit un ph plus acide (rhEPO) soit plus basique (Aranesp) que l’EPO sécrétée par l’organisme. Utilisée généralement sur des prélèvements urinaires, la méthode a cette fois été appliquée aux échantillons sanguins des coureurs du Tour. L’iso focalisation appliquée au sang a déjà été pratiquée par les Espagnols, en 2006, dans le cadre de l’affaire Puerto. Le laboratoire de Barcelone avait ainsi utilisé la méthode française pour localiser l’EPO exogène dans des poches de sang. Publié, le procédé d’iso focalisation appliqué aux échantillons sanguins, est homologué par l’Agence mondiale antidopage. Les résultats des nouvelles analyses, menées sur les coureurs du Tour de France 2008, seront néanmoins envoyés à Lausanne pour y être confronté à un procédé de détection, utilisant un dosage immunologique, développée par le LAD et les laboratoires Roche. En cas de positivité avérée, l’AFLD enclencherait alors une procédure disciplinaire, notifiant aux coureurs concernés leur infraction au Code mondial antidopage. Le CERA ne serait plus alors le produit miracle qu’il passait pour être jusqu’à la chute du « Cobra » Riccardo Ricco.

La rédaction - Louis Chenaille