Difficulté du parcours, altitude, règlement... pourquoi seulement trente coureurs ont bouclé la course en ligne des championnats du monde de cyclisme au Rwanda

Jamais l’UCI n’avait proposé un tel défi. Répartis sur quinze tours, les 267,5 km autour de Kigali offraient deux circuits distincts ce dimanche lors de la course en ligne des Mondiaux de cyclisme organisés au Rwanda. Le premier, de 15 km, à répéter neuf fois, proposait déjà deux difficultés usantes avec la côte de Kigali Golf (0,8 km à 8,1 %) et la côte de Kimihurura (1,3 km à 6,3 %).
Le second, de 42 km, disputé une seule fois, a fait basculer la course. Il cumulait la côte de Péage (1,8 km à 5,9 %), le Mont Kigali (5,9 km à 6,9 %) et surtout le Mur de Kigali (0,4 km à 11 % sur pavés), théâtre de l’attaque décisive de Tadej Pogacar à 104 km de l’arrivée. Le peloton a volé en éclats, laissant sur le carreau une majorité de concurrents. Les six derniers tours du premier circuit ont ensuite achevé l’écrémage.
L’altitude comme juge impitoyable
Si la chaleur et la répétition des efforts ont pesé, l’altitude moyenne de 1.500 m a également joué un rôle décisif. Nombre de coureurs, peu habitués à ce paramètre, ont rapidement montré des signes de défaillance. Même parmi les rescapés, les écarts ont pris des proportions inhabituelles: Tom Pidcock, pourtant dans le top 10, termine à 9’05, l’Érythréen Amanuel Ghebreigzabhier, seul Africain à franchir la ligne, concède 12’04 au champion du monde.
Des coureurs trop distancés
Contrairement à une classique, un Mondial se court sur un circuit fermé. Cela implique une règle stricte: les commissaires peuvent contraindre à l’arrêt les coureurs trop distancés afin d’éviter des écarts ingérables et de préserver la fluidité de la course. Beaucoup d’abandons ne relèvent donc pas d’un choix, mais d’une obligation réglementaire.
À cela s’ajoute la logique des équipes nationales. La majorité des engagés ne visaient pas la gagne, mais étaient alignés comme équipiers pour protéger, rouler ou soutenir un leader. Une fois leur travail accompli, poursuivre n’avait plus aucun intérêt sportif. L’impression de carnage est donc en partie trompeuse car elle est la conséquence mécanique du format.
Le souvenir de Duitama 1995
Pour retrouver un Mondial plus sélectif, il faut remonter à 1995, à Duitama en Colombie. Ce jour-là, Abraham Olano s’était imposé devant Miguel Indurain et Marco Pantani, au terme de 265,5 km disputés entre 2.500 et 2.900 m d’altitude, sous la pluie et sur un circuit comprenant le col d’El Cogollo (6 km à 9 %) à répéter quinze fois. Le chrono du vainqueur avait dépassé les sept heures, et le 20e et dernier, Andrew Hampsten, a franchi la ligne avec 37’55 de retard.
Près de trente ans plus tard, Kigali a offert un scénario similaire. Une poignée de survivants, des écarts abyssaux et un sentiment d’avoir touché aux limites physiques du cyclisme sur route. Pogacar a marqué l’histoire, mais cette course en ligne sera aussi retenue comme l’une des plus impitoyables, où les abandons ont finalement été la règle plutôt que l’exception lors de ces premiers championnats du monde sur le continent africain.