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Mondiaux de cyclisme: quatre questions autour de la participation de Pauline Ferrand-Prévôt, tout juste passée du VTT à la route

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Pour sa première course sur route depuis les championnats de France 2021, Pauline Ferrand-Prévôt s’avance à pas de loup pour la course en ligne des championnats du monde de cyclisme sur route qui se dispute ce samedi à Zurich en Suisse. Championne olympique de VTT cet été à Elancourt, la Rémoise le sait, son niveau physique est parmi les meilleurs du peloton international. Elle n’en reste pas moins mesurée sur ses ambitions pour sa première sélection en bleu sur la route depuis 2017.
  • Comment Pauline Ferrand-Prévôt s'est-elle retrouvée là?

À peine son titre olympique acquis sur la colline d’Elancourt cet été, Pauline Ferrand-Prévôt avait déjà annoncé la couleur: fini le VTT, retour à ses premières amours, la route, pour essayer de gagner le Tour de France dans les trois années à venir. Un objectif qui était censé prendre forme à partir de cet hiver et des premiers stages d’entraînement avec sa nouvelle équipe, Visma Lease a Bike.

Mais quelques jours après les JO, "PFP" avait déjà le nez dans les parcours des courses sur route à venir. Elle regarde notamment celui des Mondiaux de Zurich et son profil très vallonné, et décroche son téléphone pour appeler Paul Brousse le sélectionneur de l’équipe de France. Sans demander un quelconque rôle de leader, elle lui expose son envie de représenter les Bleues de la route à Zurich.

"Je lui ai demandé sérieusement mais j’étais quand même sûre qu’il allait me dire non, ce que j’aurais compris." Mais Paul Brousse prend un court instant de réflexion, en parle avec son staff et donne finalement le feu vert à Pauline Ferrand-Prévôt, trop heureux de pouvoir compter sur une telle ressource pour donner encore plus d’allure à son équipe de France.

"Ma réflexion n’a pas été très longue", confie Paul Brousse. "Je me suis dit que sur ce genre de parcours, c’était une grande opportunité. Dans 99% des cas on se serait dit que ça aurait été impossible, mais Pauline est une athlète hors du commun et ça devient possible c’est pour ça qu’elle intègre l’équipe."

  • Est-ce possible de passer ainsi du VTT à la route tout en restant performante?

D’abord, Pauline Ferrand-Prévôt a un très beau palmarès sur route (championne du monde en 2014 notamment) construit au tout début de sa carrière avant de se consacrer au cyclo-cross puis au VTT. De plus, PFP a toujours intégré à sa préparation de VTT de très grosses doses de route. Plusieurs stages d’altitude lui ont par exemple permis d’atteindre le zénith lors de JO 2024. Un autre effectué en Andorre en fin d’été après avoir obtenu l’accord de Paul Brousse pour participer aux Mondiaux lui a permis de refaire un peu de caisse avant de se rendre à Zurich pour les Mondiaux.

Avec pour objectif majeur de gagner le Tour de France d’ici à 2027, PFP sait qu’elle compte parmi les cyclistes les plus fortes de la planète. "En termes de watts je pense être pas loin des meilleures, les Kopecky, Niewadoma, Vollering..." confie-t-elle sans détour. "Maintenant j’ai encore à apprendre et à progresser car le niveau a évolué depuis que j’ai quitté la route. Une course de VTT c’est 1h20, là c’est différent, c’est une course de 4 heures. Ça change forcément pas mal de choses en termes de gestion de l’effort et de nutrition notamment."

Autre aspect à prendre en compte, celui purement technique du passage du VTT et de ses courses à quelques dizaines de concurrentes éparpillées sur trois ou quatre kilomètres, à la route et son peloton bien fourni. "C’est forcément un petit point d’interrogation", abonde Paul Brousse. "Comment elle va se situer sur le placement? La météo pluvieuse va-t-elle aussi la gêner? Mais de toute manière elle sait faire du vélo donc ça ne m’inquiète pas."

  • PFP en bleu, mais pour quoi faire?

Jouer la gagne? "C’est l’objectif", reconnaît PFP. "Avec Juliette Labous et Evita Muzic on a quand même de jolies cartes à jouer. Avec Cédrine Kerbaol qui a gagné une étape sur le Tour aussi." Jouer la gagne oui, mais surtout la carte collective. C’est vraiment dans cet esprit ultra-collectif que s’avance Ferrand-Prévôt à la veille de ces Mondiaux.

Et ça tombe bien car en parallèle, Paul Brousse avoue sans détour n’avoir jamais eu une équipe de France aussi forte depuis qu’il a été nommé sélectionneur des Bleues en 2018. "Souvent on abordait les championnats en espérant que tout s’aligne pour aller chercher quelque chose", sourit-il. "Là on sait qu’on peut jouer la gagne, c’est stimulant."

Niveau stratégie, hors de question de dévoiler ses cartes, mais on le comprend, Paul Brousse compte bien jouer sur tous les tableaux. "Je suis très fier de cette équipe mais on ne se positionne pas comme les grandes favorites", avoue-t-il. "Mais on a un collectif pas loin d’être le plus fort… Il va falloir essayer de déstabiliser les grands noms. On va tenter des choses. On veut passer la ligne sans regrets."

Dans ce contexte, PFP devrait avoir son rôle à jouer. Pas du tout proclamée leader, elle fera forcément partie des potentielles flèches à décocher par l’équipe de France sur les 154 kilomètres extrêmement exigeants du parcours de Zurich. "Je me sens assez bien depuis les JO et quand je vois ce que les filles ont fait tout au long de l’année j’ai envie de leur apporter mon soutien", explique PFP. "Je suis de retour mais ça ne sera pas que pour moi, je roulerai avec grand plaisir. Je n’aurai aucun problème à travailler pour n’importe quelle fille dans le groupe."

Une satisfaction pour Paul Brousse qui ne peut que louer l’état d’esprit collectif de sa nouvelle protégée. "C’est un retour pour amener sa pierre à l’édifice", souffle-t-il. "Mais quand on connait le vélo, qu’on a une PFP stratosphérique aux JO, évidemment que le pari on le prend. D’autant que ça sème aussi le doute chez les adversaires, les Néerlandaises, les Belges, etc. Ça met du piment car tout le monde a peur de ce que peut faire Pauline samedi. Le regard des adversaires sur nous sera différent."

  • Et les autres Bleues, elles en disent quoi?

Quand Paul Brousse a pris la décision de sélectionner Pauline Ferrand-Prévôt pour les Mondiaux de Zurich, il a appelé une à une les autres membres sûres de faire partie de la sélection pour le leur annoncer. "Les filles étaient très contentes de la perspective d’avoir une équipe encore plus forte", assure-t-il. "Sincèrement aucune fille ne m’a dit 'mais non, qu’est ce qui va se passer'."

Un état d’esprit confirmé par Juliette Labous, l’une des meilleures grimpeuses françaises actuelles. "C’est une bonne chose. Pauline c’est un bel exemple, c’est le plus gros palmarès actuel du vélo français. C’était la surprise, mais j’ai trouvé ça complètement justifié. Je suis contente de son retour. Ça aurait été dommage de sen priver, ça nous rajoute une grosse carte, c’est tout à notre avantage."

Un sentiment partagé par Evita Muzic, autre carte maîtresse de l’équipe de France féminine et 4e du dernier Tour de France féminin. "Je sais qu’elle arrive toujours ultra préparée pour ses objectifs. Si c’est elle qui doit aller chercher le maillot on sera toutes contentes. C’est bien car on parle encore plus du cyclisme féminin et de l’EDF. Ça tire tout le monde vers le haut."

Et notamment la plus jeune génération de ces Bleues pleines d’espoir et d’étoiles dans les yeux. "C’est la première cycliste féminine que j’ai connue", sourit ainsi Cédrine Kerbaol, 23 ans et membre de ce collectif. Quant à la jeune Marion Bunel, 19 ans, elle n’a pas hésité à ressortir à son arrivée à l’hôtel de l’équipe de France en Suisse une photo d’elle enfant prise aux côtés de Pauline Ferrand-Prévôt déjà professionnelle.

"Ça fait bizarre d’être la plus vieille c’est assez drôle", conclut PFP. "Je ne m’attendais pas du tout à être regardée avec autant de respect, mais sans doute que le titre olympique fait un peu plus. C’est bien qu’elles le prennent comme ça mon retour. Elles auraient eu le droit de ne pas être d’accord, c’est bien qu’elles aient confiance en moi."

Arnaud Souque, à Dürnten (Suisse)