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Cyclisme sur piste: "Il faut changer des choses", la vitesse française prête à repenser son système à bout de souffle

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Deux mois après des JO de Paris 2024 ratés dans les grandes largeurs, la vitesse française, naguère une référence, est repartie bredouille des championnats du monde de cyclisme sur piste à Ballerup au Danemark. Une première depuis 1990. Le signe d’un modèle à bout de souffle que les coureurs demandent à réformer en profondeur. Tous les athlètes sont convoqués ce lundi pour une réunion avec le staff. Il faut s'attendre à des décisions fortes. En attendant Gregory Baugé, va quitter ses fonctions d'entraîneur de la vitesse et évoluer vers un rôle de détection des nouveaux talents. Objectif LA 2028 et Brisbane 2032.

Qu’il est loin le temps où la vitesse française dominait le monde et se transmettait les médailles et les titres mondiaux de générations en générations. Ballanger, Tournant, Rousseau, Baugé, Pervis et plus récemment Mathilde Gros pour ne citer que quelques exemples de ceux qui ont eu le privilège de porter haut les couleurs de la France à travers les vélodromes de la planète. Une période qui semble révolue, notamment après une année 2024 qu’on aurait pu imaginer grandiose, mais qui s’est finalement terminée entre les JO de Paris 2024 et les Mondiaux, par un zéro pointé.

Les causes de l’échec sont multiples et ne peuvent être attribuées à un éventuel manque potentiel de la génération actuelle, portée chez les filles par Mathilde Gros, championne du monde de vitesse individuelle en 2022, et chez les garçons par Sébastien Vigier, une médaille olympique et sept médailles mondiales. Ce dernier, de la même génération que Harrie Lavreysen, parvenait encore à battre la légende néerlandaise de la discipline quand il avait 21 ans. "Les résultats ne sont pas là. C'est comptable, il n'y a pas de médaille, ça ne fonctionne pas s’agaçait ainsi le sprinter de Palaiseau après sa seule course de la semaine à Ballerup au Danemark mercredi. Donc, pour moi, il faut changer des choses."

"Quand tu es athlète de haut niveau il faut savoir se regarder dans une glace"

Qu'à cela ne tienne, la première décision annoncée par Gregory Baugé lui même, décision prise avant même les championnats du monde, est de quitter ses fonctions d'entraîneur de la vitesse française qu'il occupait depuis trois ans. "Les responsabilités, il faut savoir les prendre", souriait-il un peu amer ce dimanche après-midi. "Certes, l'objectif n'a pas été atteint, puisque l'objectif c'était une médaille, en tout cas en vitesse par équipe homme, mais l'objectif n'a pas été atteint."

Voilà pour l'acte de contrition, mais Gregory Baugé n'en murmure pas moins qu'il ne peut être tenu pour seul responsable de ces échecs, excluant le cas de Mathilde Gros, dont il n'hésite pas à rappeler l'exemplarité et le comportement "hyper discipliné". "Il y a des athlètes qui ont demandé à avoir du changement l'an dernier en termes d'entraîneurs", rappelle-t-il. "Je n'étais pas responsable de certains qui ont participé sur les épreuves individuelles. Ce sont des choses qu'ils ne disent pas. Ça me chagrine un peu dans le sens où quand tu es athlète de haut niveau, il faut être capable de se regarder dans une glace. J'aurais aimé que les athlètes prennent leurs responsabilités."

"Je suis fatigué mentalement, parce que ça ne se passe pas bien"

Il va donc falloir désormais tenter de comprendre les raisons de ces échecs en cascade pour aller de l’avant. Tenter par exemple de comprendre pourquoi un athlète de la trempe de Sébastien Vigier ne progresse plus alors qu’il était en jeunes l’un des tous meilleurs de sa génération. "Je suis fatigué mentalement, parce que ça ne se passe pas bien", expliquait le Francilien de 27 ans mercredi après le concours de vitesse par équipes. "Ça me coûte mentalement et dans mon énergie. Donc forcément, à l'entraînement, j'ai moins d'énergie à donner pour ma motivation."

"Ça ne se passe pas bien". Une phrase lourde de sens dans un collectif de la vitesse dont a par exemple été éconduit Florian Grengbo pour les Mondiaux de Ballerup alors qu’il était l'habituel démarreur des Bleus. "La sélection s’est opérée sur la base de tests chronométrés effectués fin septembre", affirmait dans un communiqué de presse la Fédération française de cyclisme avant les Mondiaux. Il semblerait pourtant que ces tests n’aient pas particulièrement avantagé le médaillé de bronze de Tokyo en vitesse par équipes.

Peut-être une sanction, le staff n’ayant pas toujours été satisfait de Grengbo, pointant notamment un manque général de rigueur et d’investissement dans les entraînements. Contacté par RMC Sport pour évoquer la situation dans son ensemble, le natif de Bourg-en-Bresse n'a pas donné suite. Quoi qu'il en soit, l'ambiance serait électrique entre certains sprinters français. Plusieurs d’entre eux ne s’adresseraient plus la parole.

Grande réunion ce lundi entre staff et athlètes

Une réunion convoquée par le DTN Christophe Manin, en poste jusqu'au 31 décembre aura lieu ce lundi. Staff et intégralité des athlètes du pôle sprint y sont convoqués. "Nous ce qu'on souhaite, c'est l'apaisement", explique Florian Rousseau, le directeur de la performance au sein de la Fédération française de cyclisme. "Mais tout le monde a ses responsabilités". En résultera un communiqué de presse qui annoncera les décisions et les orientations à court terme.

Quid notamment du nouvel entraîneur de la vitesse? Sera-t-il un entraîneur par intérim en attendant une refonte du système? "Vous aurez la réponse demain (ce lundi)", rétorque en substance Rousseau. Des athlètes peuvent-ils être éconduits de l'équipe de France? "Demain, je suis désolé mais vous aurez les décisions demain", répond encore Florian Rousseau, sans catégoriquement exclure cette hypothèse.

Analyses, bilans, débriefings et préconisations

Quoi qu'il en soit, la Fédération française de cyclisme a déjà les yeux tournés vers 2028 et les JO de Los Angeles. "On va prendre le temps de l'analyse pour retravailler le projet", poursuit Rousseau, reconnaissant avoir un grand besoin de se "remettre en cause et imaginer des choses différentes, adaptées au contexte de la haute performance d'aujourd'hui". Cela devrait notamment passer par de multiples analyses bilans et debriefings pour en tirer des préconisations en vue de 2028, mais aussi des JO de Brisbane en 2032.

Etablir donc une stratégie d'abord, déterminer les bonnes personnes ensuite. Une certitude, Florian Rousseau semble souhaiter s'inscrire dans cette évolution même s'il ne se projette pas. Gregory Baugé lui aussi. "J'ai souhaité évoluer vers la détection", explique le nonuple champion du monde de vitesse individuelle et par équipes. "Je pense que c'est une des choses qui manque au sein de cette fédération depuis quelques années. Je pense qu'il faut regarder devant. Il y a des jeunes, il y en aura encore. Il faudra aller les chercher." Pour que la prochaine génération reprenne le flambeau d'une vieille tradition française qui s'est perdue ces dernières années.

Arnaud Souque