Armstrong : prodige, survivant, banni

Lance Armstrong - -
Oslo, 1993. Il pleut des cordes. Un jeune Américain, la bannière étoilée pour maillot, franchit la ligne d’arrivée en envoyant des baisers au public. Il a 21 ans, déjà une victoire d’étape sur le Tour de France et un talent extrêmement prometteur. Lance Armstrong devient champion du monde et crève l’écran. Jusqu’en 2012, son nom reviendra sans cesse sur le devant de la scène. Parce qu’il survivra à un cancer des testicules, diagnostiqué en 1996. Parce qu’il gagnera le Tour de France sept fois d’affilée, de 1999 à 2005. Et parce que le dopage assombrira de plus en plus les exploits d'un coureur qui n'a jamais été officiellement contrôlé positif.
« J’ai couru en même temps que lui au début de sa carrière, se rappelle Luc Leblanc, membre de la Dream Team RMC Sport. Je l’ai vu commencer chez les pros. Il a gagné des courses très tôt, très jeune. Il avait déjà la classe, les capacités. Il était déjà doué pour ce sport-là. » La Clasica San Sebastian (1995) et la Flèche wallonne (1996) ne lui résistent pas. Au contraire du Tour de France (abandons en 1993, 1994 et 1996, 36e en 1995). Puis la vie du grand espoir devient plus noire. Son coéquipier Fabio Casartelli se tue sur la route du Tour en 1995. Et son cancer des testicules l’éloigne du peloton pendant deux ans.
Lance Armstrong revient en 1998. Et devient une figure de la lutte contre le cancer. Il écrase le Tour de France en 1999, notamment à Sestrières, et ouvre son règne. Jusqu’en 2005, sa puissance et celle de son équipe éteignent tout suspense. Ses adversaires seront au mieux de beaux perdants. Mais la suspicion s’invite. Il n’est pas le seul à être visé. Une fausse alerte en 1999 (corticoïdes), puis un premier scandale en 2005. Un mois après sa septième victoire, soit deux de plus que les ex-recordmen Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain, le journal L’Equipe affirme qu’il était dopé à l’EPO en 1999.
Un come-back raté
En 2006, alors que Lance Armstrong a pris sa retraite, l’UCI referme ce dossier sans sanctionner l’Américain. En 2009, à 37 ans, il remonte sur son vélo, tente un come-back auprès de son directeur sportif de toujours, Johan Bruyneel, chez Astana. Troisième en 2009 derrière son coéquipier Alberto Contador, avec lequel il entretient des relations conflictuelles, et Andy Schleck, il finit 23e en 2010 dans une équipe qu’il a lui-même construite (RadioShack). Et presque dans l’anonymat. La justice américaine, notamment le procureur Jeff Novitzky, décide alors de se pencher sur la carrière de Lance Armstrong. Il se défend, crie à l’injustice, se place en victime.
L’administration enquête pour savoir si de l’argent public, le sponsor étant US Postal, n’a pas été utilisé de manière frauduleuse. Les témoignages se succèdent. « J'ai vu (de l'EPO) dans son réfrigérateur. J'ai vu (Armstrong) se l'injecter, plus d'une fois » assure Tyler Hamilton, lui-même condamné. Il parvient à se défaire de la justice civile. Mais laisse tomber jeudi soir face à l’USADA, après avoir intenté de multiples recours. Si l’UCI confirme le retrait de tous ses titres depuis 1998, le plus grand palmarès du Tour de France ne le sera plus dans les prochaines semaines.