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"On verra sur Strava si on a fait un meilleur temps que Vingegaard": avant le Tour de France, une journée dans le Col de la Loze avec Decathlon-AG2R La Mondiale

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A une dizaine de jours du grand départ du Tour de France, nous avons passé une journée de stage en altitude dans les Alpes avec Aurélien Paret-Peintre et Clément Berthet. Les deux coureurs Decathlon-AG2R La Mondiale nous livrent leurs impressions sur l'ascension inédite du Col de la Loze par Courchevel, qui sera le bouquet final de la 18ème étape de la Grande Boucle.

La station des Arcs 1950 au-dessus de Bourg Saint-Maurice est encore quasi déserte en cette fin juin, c’est ici que l’équipe Decathlon-AG2R La Mondiale et deux de ses coureurs, Clément Berthet et Aurélien Paret-Peintre, ont pris leurs quartiers pour un stage en altitude avant le Tour de France.

"On est arrivés quelques jours après le Critérium du Dauphiné, on a déjà fait la Plagne, aujourd’hui on va faire le Col de la Loze par Courchevel où on n’est jamais passés en course", explique Aurélien Paret-Peintre. "C’est une grosse sortie montagne comme on n’en fait pas souvent, environ 6 heures, autour de 5000 mètres de dénivelé positif mais l’allure reste calme, juste de l’endurance." Avant le départ à 9 heures, l’assistant de l’équipe s’active et secoue les bidons: "On en prépare deux sortes, là j’ai 16 bidons de minéraux et 10 bidons d’eau mais comme c’est une sortie d’entraînement, les coureurs peuvent s’arrêter pour faire le plein", détaille Victor Rojas.

Le col de la Loze par un versant inédit

Les coureurs partent serpenter dans la vallée de la Tarentaise pour rejoindre Brides-les-Bains et le pied du Col de la Loze. "On cherche à venir augmenter leur charge d’entraînement, dans la continuité du Dauphiné, pour valider ce qui a été fait en amont", nous glisse Yann Bertron, l’entraîneur et data analyst de l’équipe, entre deux ravitaillements dans la voiture qui suit les coureurs. "En fonction de comment ils réagissent, comment ils sont dans leur 'bonne zone' sur cette journée longue, cela nous donne des indications sur leur stade de préparation pour le Tour. La reconnaissance sert aussi à bien comprendre les parties où cela risque de monter fort, les parties de temporisation…"

Cette ascension sera escaladée pour la troisième fois sur le Tour de France, après 2020 et 2023. Mais contrairement aux deux précédents où ils étaient passés par le versant de Méribel, les coureurs monteront le 24 juillet par Courchevel, avec une arrivée d’étape au sommet. "Sur une montée comme cela, les coureurs consomment 3 à 4 gels sachant qu’ils ont aussi de la poudre dans les bidons qui apportent des nutriments et des glucides dont ils ont besoin", explique Yann Bertron, après avoir distribué deux bidons de minéraux aux coureurs.

Aurélien Paret-Peintre et Clément Berthet, coureurs Decathlon-AG2R La Mondiale, sur la reconnaissance du col de la Loze, juin 2025
Aurélien Paret-Peintre et Clément Berthet, coureurs Decathlon-AG2R La Mondiale, sur la reconnaissance du col de la Loze, juin 2025 © RMC Sport

Après le passage par les stations de Courchevel où les travaux battent leur plein avant la Grande Boucle, les coureurs passent à proximité de l’altiport, rappelant à l’équipe l’une de ses plus belles victoires récentes: c’est ici qu’était jugée l’arrivée de l’étape il y a deux ans, quand Felix Gall avait triomphé en solitaire après une attaque dans le Col de la Loze.

Une fois franchie la Ferme de Pralong, la montée se fait sur la piste cyclable, que les coureurs du Tour empruntaient jusque-là dans le sens de la descente. 7 kilomètres sur une petite route goudronnée entourée de pâturages, à découvert, au milieu de pistes qu’on imagine être le paradis des skieurs l’hiver venu. Avec quelques sprints en altitude imposé pour l’entraînement, Clément Berthet prend quelques mètres d’avance sur son coéquipier. Au sommet à 2.304 mètres d’altitude, les deux hommes font une pause ravitaillement. "On a fait la moitié de la sortie! On verra sur Strava si on a fait un meilleur temps que Vingegaard il y a quelques jours", souffle Paret-Peintre. 

"L’autre côté, c’est dégeulasse!"

Les 26,4 kms à 6,5% de moyenne ont été grimpés en 1h32 par les deux coureurs Decathlon-AG2R La Mondiale. Le Danois n’a lui pas publié ses données d’entraînement, mais Remco Evenepoel présent deux jours plus tôt a lui établi le nouveau record du segment sur l’application Strava, en 1h19.

A bord de la voiture Decathlon-AG2R La Mondiale pour la reconnaissance du col de la Loze par Aurélien Paret-Peintre et Clément Berthet, juin 2025
A bord de la voiture Decathlon-AG2R La Mondiale pour la reconnaissance du col de la Loze par Aurélien Paret-Peintre et Clément Berthet, juin 2025 © RMC Sport

"Je préfère beaucoup plus ce côté Courchevel, l’autre côté c’est dégeulasse!", avoue Aurélien Paret-Peintre. "C’est un col plus régulier de ce côté-là, mais un peu plus dur sur le pied jusqu’à Courchevel 1850. Après une fois sur la piste cyclable, il y a quelques rampes beaucoup moins difficiles que de l’autre côté. Mais on peut penser que cela sera une ascension d’1h10 le jour de la course, donc c’est quand même rare des montées aussi longues et c’est clairement l’étape-reine du Tour. La Loze, ça ne fait pas longtemps qu’on la pratique mais il y a un petit mythe qui se créé autour de ce col." Clément Berthet abonde: "Côté Méribel, c’est une horreur! Les parties raides sont plus longues sur le versant de Méribel, il y a beaucoup plus de ruptures de pente et plus longtemps, là c’est juste sur la fin et ce n’est pas si longtemps. Il y a une grande partie roulante au milieu."

Il est temps pour les deux coureurs de basculer et de continuer leur sortie, vers le Col du Tra et la longue montée jusqu’aux Arcs 1950 pour terminer leur session du jour. Bilan: 173 kilomètres au compteur, plus de 4700 mètres de dénivelé. "Ce type de journées, c'est toujours intéressant, le col de la Loze est atypique et il est relativement isolé géographiquement donc il faut profiter de l’opportunité d’aller le reconnaitre. Ensuite, pour la préparation physique, les temps de soutien, la longueur des cols, la technicité des descentes, il n’y a jamais assez de basiques", remarque Jean-Baptiste Quiclet, directeur de la performance de Decathlon-AG2R La Mondiale. "Après il y a aussi un aspect psychologique dans l’approche du Tour, d’être dans l’environnement en altitude, se préparer à la rudesse de la montagne, c’est important de s’imprégner de tout cela, et d’avoir cette mise au vert avant l’événement pour commencer à se concentrer mentalement sur le Tour de France."

Massage et fajitas pour finir la journée

Pendant cette semaine de stage, les deux coureurs passent chaque soir environ une heure entre les mains de Victor Rojas, sur la table de massage. "Les étapes de montagne travaillent beaucoup les jambes et le bas du dos. Les massages aident la circulation du sang, les coureurs récupèrent mieux, on voit bien si les jambes sont plus ou moins dures, je mets plus ou moins de force dans le massage."

Et pendant ce temps-là, en cuisine, le chef hâche les oignons, et prépare les avocats pour le dîner des coureurs. Au menu: une soupe de carottes et pommes de terre en entrée, suivie de fajitas de poulet et riz. "C’est convivial parce que chacun compose ses fajitas, et ça ils adorent!", relève Efren Perez, qui collabore avec l’équipe Decathlon-AG2R La Mondiale pour les stages en altitude depuis deux ans. "Le nutritionniste de l’équipe nous permet de faire notre menu, c’est cool parce que ça nous donne de la liberté, on fait la nourriture qu’on aime et lui ajuste en fonction de la charge d’entraînement des coureurs. Eux reçoivent eux chaque jour une fiche alimentaire avec leur plan de nutrition journalier. Ils savent combien de grammes de riz ils doivent manger, combien de protéines, et les légumes c’est autant qu’ils veulent." Après cinq stages comme chef cuisinier, ce chef originaire d’Espagne commence à connaître les préférences des coureurs: "J’essaie de faire en sorte qu’ils trouvent du plaisir en mangeant, qu’ils partent pour de longs entrainements en sachant que le soir ils vont avoir un bon dessert et qu’ils soient content après."

Chacun à son rôle à jouer dans la station savoyarde où l’équipe organise plusieurs stages par an grâce à un partenariat. Les vacanciers commenceront à arriver le 5 juillet aux Arcs 1950, ce jour-là Clément Berthet et Aurélien Paret-Peintre seront bien plus au Nord, pour le grand départ à Lille du Tour de France.

Kévin Morand aux Arcs 1950