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Tour de France: comment Jasper Philipsen est devenu le meilleur sprinteur du monde

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Avec déjà deux victoires d'étapes, le sprinteur belge Jasper Philipsen - gentiment moqué dans la série de Netflix sur la Grande Boucle - est un cran au-dessus de la concurrence sur ce début de Tour de France. Sa complicité avec Mathieu van der Poel impressionne.

Cette fois, il n’a pas tremblé. A Bayonne, mardi, Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck) n’avait pas pu tout de suite savourer sa victoire. Il avait dû attendre que les commissaires de course visionnent les images de son sprint pour vérifier s'il n'avait pas dévié de sa route au moment de tasser légèrement Wout van Aert dans les barrières. Pas de faux suspense à Nogaro. La concurrence n’a pas eu son mot à dire face à la puissance du sprinteur belge. Au bout d’une longue journée d’ennui pour le peloton, à la veille d’attaquer les Pyrénées, il s’est montré impérial ce mercredi pour décrocher une deuxième victoire sur ce Tour de France et chiper en prime le maillot vert des épaules de Victor Lafay. Après quatre étapes, son bilan est déjà aussi bon que l'an dernier.

"Il est très rapide, il est impressionnant. Un instant, j’ai pensé le déborder mais j’ai pris le vent", soufflait à l’arrivée Bryan Coquard (Cofidis), quatrième et lui aussi scotché par le niveau affiché par Philipsen, qui a bien mérité un nouveau surnom. Ceux qui ont regardé la série documentaire de Netflix consacrée au Tour 2022 le savent, il était présenté il n’y a pas si longtemps comme "Jasper the Disaster", à cause notamment de cette cagade lors de l’étape arrivant à Calais, lorsqu’il avait levé les bras, fou de joie, en pensant avoir gagné alors que Van Aert avait franchi la ligne quelques secondes avant lui. "C'est la honte", avait-il lâché à sa copine sur le moment. La série montrait aussi ses réflexions sur ses difficultés et la folle pression mise par ses patrons.

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Un duo complice avec Van der Poel

Au vu de ses performances en 2023, il n’est plus du tout question de désastre. Vainqueur sur Tirreno-Adriatico, au Grand Prix de l'Escaut, sur la semi-classique flandrienne Bruges-La Panne et plus récemment au Tour de Belgique, sans oublier son top 15 à Milan-San Remo et sa deuxième place sur Paris-Roubaix, il réalise jusqu’à présent une année canon. Loin d’un début de carrière plutôt discret quand certains pouvaient lui reprocher d’être plus souvent bien placé que gagnant. Lui qui pouvait paniquer au moment de conclure est devenu un monstre de sang-froid, bien aidé sur ce Tour par un merveilleux ange-gardien en la personne de Mathieu van der Poel.

"C’était vraiment dangereux aujourd’hui, encore plus qu’hier, expliquait le Néerlandais après avoir fourni un sacré travail sur le circuit Paul-Armagnac. C’était difficile de gérer tous les virages. Dans la dernière ligne droite, Jasper m’a crié qu’il était encore dans ma roue, j’ai trouvé un petit trou pour y aller. C’est sympa de le voir gagner. Je pense que j’ai la puissance pour le faire et Jasper me suit les yeux fermés. Il me donne beaucoup de confiance, ça me donne envie de travailler pour lui. Il finit presque toujours le travail." De quoi en faire le meilleur sprinteur de la planète devant Caleb Ewan, Fabio Jakobsen, Dylan Groenewegen, Wout van Aert ou encore Mads Pedersen ? 

Le maillot vert, un vrai objectif pour "Jasper the Master"

"C’est toujours difficile à dire. Mais Jasper fait bien sûr partie des meilleurs sprinteurs au monde", estime Van der Poel. Même analyse du côté du Suisse Silvan Dillier, autre membre du train redoutable d’Alpecin-Deceuninck: "Jasper est vraiment un bon équipier, il essaie toujours de motiver tout le monde, il croit en lui et l’équipe. Il vit vraiment son sport, c’est joli à voir. Je pense que les managers ont bien pensé la composition de l’équipe pour le Tour. Tout le monde a fait son travail encore aujourd’hui, c’était parfait. Le Tour est peut-être la plus grande course au monde et Jasper a déjà gagné deux étapes donc il fait partie des meilleurs sprinteurs. Il passe bien sur beaucoup de terrains, même quand ça monte un peu. C’est bien de travailler avec lui, il peut gagner sur plusieurs types de sprint." Rien d'illogique : avant de se consacrer au sprint, le Belge était vu comme un puncheur capable avant tout de briller sur les classiques.

Le Néerlandais Ramon Sinkeldam insiste lui aussi sur le rôle joué par Van der Poel dans la progression de Philipsen depuis deux ans : "Mathieu fait un travail incroyable, il se donne à 100%. Pour Jasper, c’est une motivation supplémentaire d’avoir Mathieu devant lui." Philipsen, lui, ne peut plus se cacher. Logiquement, ramener le maillot vert sur les Champs devient un vrai objectif. "Oui je pense, même si la route est encore longue vers Paris, dit-il. C’est un rêve de gagner deux étapes, mais je ne réalise pas encore. C’est un rêve aussi pour l’équipe." Encore quelques succès, peut-être dès vendredi à Bordeaux, et Netflix sera bon pour enterrer "Jasper the Disaster" et lui trouver un autre surnom. Ça tombe bien, le principal intéressé a déjà une petite idée : "C’est ‘Jasper the Master’ ! Mais c’est peut-être un peu excessif (rires) ! Je suis juste fier."

Rodolphe Ryo (à Nogaro)