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Tour de l’Avenir: ce que la présence de Paul Seixas a changé

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Coureur de 18 ans, Paul Seixas disputait sa première course au niveau espoir, et probablement la seule de sa carrière. La présence du phénomène français qui avait déjà réalisé un top 10 sur une course par étape WorldTour, le Critérium du Dauphiné en juin dernier, a donné un écho inédit à l’épreuve.

Jeudi, dans la station savoyarde de La Rosière (Savoie), il y avait bien des vacanciers profitant de leur présence en Haute-Tarentaise pour assister à la course sans réellement connaître celles et ceux qui allaient passer devant eux. Mais le nom de Paul Seixas parle déjà à la plupart des spectateurs. "Pour son âge, c’est exceptionnel ce qu’il fait. Même si c’est déjà un gros plateau ici sur le Tour de l’Avenir, je pense qu’il a encore plus grand à faire au niveau WorldTour", s’enthousiasme Thomas, cycliste amateur. "Je l’avais découvert en juniors, gagner le Tour de l’Avenir ne peut être que de bon augure pour la suite de sa carrière", abonde Nino, qui avait déjà assisté au prologue samedi dernier à Tignes et qui est revenu à La Rosière, pour le même résultat : une victoire de Paul Seixas. "Il amène un vent de fraicheur au cyclisme français qui se cherchait des futurs champions. Un champion qui grimpe bien, qui sait rouler, un coureur complet, c’est très intéressant !", relève de son côté Yanis.

Certains lui voient déjà une trajectoire à la Tadej Pogacar ou à la Egan Bernal, les derniers vainqueurs du Tour de l’Avenir à avoir remporté le Tour de France peu de temps après. Bernard Hinault, le dernier vainqueur français de la Grande Boucle il y a 40 ans, était présent cette semaine comme ambassadeur du Tour de l’Avenir. Le "Blaireau" se réjouit de voir un vingtième Français entrer au palmarès de la compétition référence des espoirs, neuf ans après David Gaudu: "C’est bien sympa d’avoir des coureurs étrangers qui gagnent, mais quand c’est un Français c’est quand même pas mal pour le public, la preuve", dit-il en montrant la grosse centaine de spectateurs restés pour la cérémonie protocolaire finale. "Les médias ont beaucoup mis Paul en avant, donc chapeau à lui, il a les pieds sur terre et ça tient, le résultat est là. Cela peut annoncer d’autres maillots jaunes, d’autres courses mais il n’a que 19 ans, attendons !" tempère Hinault.

Une sérénité qui impressionne

Pour cette compétition qui se court par équipe nationale, Paul Seixas a attiré l’attention, et partager une semaine avec des coéquipiers que pour la plupart il ne connaissait pas auparavant. Maxime Decomble, qui s’était emparé du maillot jaune lundi avant de le rendre à Seixas ce vendredi soir, nous partageait en milieu de semaine l’apport du coureur Decathlon-AG2R dans l’équipe. "On voit que Paul est très fort et cela donne de la confiance. Comme leader, Paul c’est un très bon mec, c’est bien de l’avoir avec son expérience en WorldTour, il nous apporte pas mal de choses dont sa sérénité. C’est impressionnant de le voir en étant leader, avoir tout le monde sur lui, les médias, et d’être serein comme ça."

La sérénité du jeune Lyonnais, c’est aussi ce qui a marqué Pierre-Yves Chatelon, le sélectionneur de l’équipe de France espoirs : "On a l'impression que la pression n’a pas de prise sur lui, il est un petit peu perché mais c'est bien, tant mieux parce que ce que tout le monde dit sur lui par rapport à des objectifs futurs, lui ne le subit pas. C’est un leader qui s’est fait apprécier de ses coéquipiers, ça c'est aussi une belle étape de franchie dans sa carrière." Pierre-Yves Chatelon était déjà en fonction en 2016, quand David Gaudu a remporté le Tour de l’Avenir, et peut donc comparer les époques : "Il y a eu beaucoup de tapage médiatique surtout sur le premier week-end à Tignes autour de Paul. J’ai connu la victoire de David, certainement moins médiatisé parce que le cyclisme chez les jeunes était beaucoup moins suivi, les jeunes étaient beaucoup moins attendus en tout cas".

Un favori qui a permis de brouiller les cartes

Pour le directeur sportif de l’équipe de France, la victoire de Paul Seixas dès le prologue samedi dernier a aussi permis aux Bleus de courir plus débridés pendant la semaine, et de mener une stratégie d’équipe : "On a voulu justement se servir du fait que Paul était attendu comme le favori pour mettre en place des scénarios que les adversaires ne pouvaient pas s'imaginer, comme lorsque j'ai demandé aux coureurs d'attaquer à 80 bornes de l'arrivée sur un pétard dans la 3e étape", raconte François Trarieux. "Cela a donné un moment de panique dans le peloton, tous les autres favoris ont été obligés de rouler pendant 15 kms. Maxime Decomble lui sur ce coup-là était en train de s'économiser alors que Paul à l'avant était en train de mettre la panique. Ce sont des moments comme ça qui font qu'il y a un leader avec une équipe autour de lui, et des coéquipiers comme Maxime qui en a profité en jaune toute la semaine."

Mais la semaine n’a pas été parfaite non plus, le staff tricolore le reconnaît, notamment sur l’étape de jeudi dans la montée vers Tignes où Maxime Decomble et Paul Seixas étaient encore à deux dans le groupe des favoris. "On a débriefé ça car pour moi ils ont fait une petite erreur. Ce n’était pas à Paul d'attaquer le premier, même s’ils ont pris la décision de le faire et c'est bien aussi de prendre la responsabilité. Mais il fallait plutôt être dans une phase de contre", estime François Trarieux. "Dans l’étape courte de vendredi matin, j'avais donc demandé à Paul et Maxime de s'entraider, faire en sorte que Paul se serve du maillot jaune de Maxime pour garder un maximum de force pour le contre-la-monde final puisque c'était son point fort." Un apprentissage pour les coureurs, et une issue que l’on connaît.

Une effervescence autour des podiums

Pour les organisateurs du Tour de l’Avenir, Alpes Vélo soutenu par ASO, la présence de Paul Seixas a donné davantage d’exposition à l’épreuve, déjà diffusée sur la plateforme d’Eurosport. "On avait l’habitude d’avoir des coureurs qui étaient dans des équipes WorldTour. La différence avec Paul, pour nous organisateurs français, c’est qu’il suscite une très grosse attente au niveau de notre environnement, de son équipe. Pour nous c’était extrêmement intéressant de l’avoir sur notre épreuve", se réjouit Philippe Colliou, le directeur. Il y avait plus d’une dizaine de journalistes à suivre le Tour de l’Avenir cette année au quotidien dont RMC Sport, et le quotidien L’Equipe avait dépêché l’une de ses plumes références sur le cyclisme.

Les suiveurs habitués du Tour de l’Avenir constatent de leur côté qu’il y avait une effervescence supérieure cette année, notamment autour des podiums le matin et le soir. "Paul est un coureur très accessible, très sympa donc pour le public et les supporters, c’est très plaisant de le côtoyer. On est sur une épreuve à dimension humaine, le public peut très facilement approcher les coureurs", souligne le chef de l’organisation Philippe Colliou. "Je vois une différence par rapport aux années précédentes où on n'avait pas forcément beaucoup de leaders, et encore moins de leaders français. Si le Tour de l’Avenir gagne en retombée, c’est très bien, cela fait grandir tout le monde."

Kévin Morand, à La Rosière