Agression d'arbitre en Provence: comment la violence envers les officiels gangrène le foot amateur

Un "black-out" de foot. Ce week-end, dans le district de Provence, tous les matchs de football des moins de 14 ans aux seniors ont été reportés. Cette décision a été prise d'une part par la Ligue Méditerranée de football et par le corps arbitral du district de Provence qui a décidé de ne désigner aucun officiel pour les rencontres de ce samedi et dimanche, après l'agression d'un arbitre lors d'un match de Départemental 3 dans les Bouches-du-Rhône, dimanche dernier, entre Saint-Mitre-les-Remparts et Châteauneuf-les-Martigues.
Le capitaine de l'équipe visiteuse, Châteauneuf-les-Martigues, s'en est pris à l'arbitre, après la rencontre au moment de signer la feuille de match - ce qu'il a refusé de faire. "Il y a une altercation verbale puis le joueur a frappé l'arbitre à coups de poings et de genoux. L'arbitre groggy et KO est tombé au sol. Il a fallu l'intervention de l'équipe locale pour que les violences ne perdurent pas", explique Jacques Clavet, président de la commission départementale des arbitres du district de Provence, qui a pris la décision de ne pas envoyer d'arbitres sur les terrains, ce week-end.
L'arbitre de la rencontre, expérimenté et âgé de 38 ans, a ensuite été hospitalisé avec un traumatisme crânien, de nombreux hématomes et trois jours d'incapacité temporaire de travail. Selon des médias locaux, la victime a porté plainte et le joueur qui a commis les violences a été placé en garde à vue. Il a reconnu les faits, a exprimé ses regrets et sera convoqué devant la justice en octobre pour "violences commises dans une enceinte sportive sur personne chargée de mission publique".
"Ce qu'on ne peut pas quantifier ce sont les blessures psychologiques. Comment va-t-il encaisser ce traumatisme sur et en dehors du terrain?" explique Jacques Clavet, en contact régulier avec l'arbitre depuis son agression.
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Des traces psychologiques durables
Les traces que laissent ces agressions peuvent être importantes. En avril dernier, l'arbitre Théo Boucher, 18 ans, a été roué de coups après un match, dans la Somme, par un joueur de la catégorie des moins de 17 ans et des membres de sa famille.
Il avait tout de suite repris le sifflet, deux semaines seulement après son agression, mais les séquelles psychologiques ont duré plusieurs semaines. D'abord, il explique un état de stress, avant les rencontres, arrivant "la boule au ventre" au stade: "on se dit, ça s'est produit une fois, pourquoi pas deux." Une fois sur le terrain, Théo explique aussi la peur de se confronter aux joueurs:
"Quand un joueur s'approchait de moi, je reculais. J'avais peur de me faire frapper sur le terrain. J'avais peur aussi de mettre des cartons rouges. Tous les faits qui se sont déroulés l'ont été à cause de cartons rouges."
Aujourd'hui, près d'un an après l'agression, Théo n'a plus d'appréhension, mais l'arbitre de 19 ans insiste au moment de rappeler les consignes aux capitaines et aux éducateurs. Depuis le début de la saison, près de 2.000 incidents envers les officiels et au moins 67 coups envers des arbitres ont été recensés par l'Observatoire des comportements de la Fédération française de football.
Des retraits de points pour les clubs ?
Concernant les sanctions, pour les agresseurs de Théo par exemple, le fils, mineur a dû réaliser un stage de citoyenneté et sa mère a écopé de trois mois de prison avec sursis. Sur le plan sportif, une interdiction pour le jeune footballeur de jouer en club pendant 24 ans a été prononcée.
La FFF a justement durci ses sanctions disciplinaires en adoptant un nouveau barème, le 7 janvier dernier. Mais il reste insuffisant pour Jean-Claude Lefranc, président de l'Union nationale des arbitres de football (UNAF), qui demande à responsabiliser les clubs:
"Il faut que la responsabilité soit collective et que le club dont le licencié a frappé un officiel soit sévèrement pénalisé a minima par des retraits de points significatifs. C'est un sport collectif, donc il est normal d'avoir une sanction collective."
Ce climat de violences pousse de nombreux arbitres à jeter l'éponge. Depuis 2016, selon l'UNAF, le football a perdu près de 4.500 arbitres.