Agression, insalubrité, impayés... Un footballeur français raconte son cauchemar en D3 grecque

À la fin de ses études en journalisme, Antoine Lemarié (26 ans) se lance un défi: devenir footballeur professionnel alors qu’il ne joue qu’au niveau régional en France. Évoluant au milieu de terrain, le natif de Thiais débute son parcours tortueux à Singapour, avant de passer par l'Australie, l'Angleterre et la Finlande. Puis en janvier, une offre attrayante en Grèce, proposée par un agent qu'il ne connaissait pas, l'attire. C'est un contrat semi-professionnel au Paniliakos FC, en troisième division. Mais il se rend compte rapidement que ce qu’il vit ne ressemble pas à ce qu’on lui avait promis. Il raconte sa mésaventure à RMC Sport.
Des cafards morts dans son appartement
"Il y a eu pas mal de signaux un peu inquiétants avant même mon départ. Mais sur le moment j'essaie de rester positif en me disant que ça irait une fois là-bas. (...) Je suis arrivé, j'ai vu mon appartement qui était vraiment dégueulasse", confie Antoine Lemarié, confronté entre autres à des cafards morts dans le placard et des taches d'urine aux toilettes. Mais à ce moment-là, j'étais encore dans une optique où je me disais: «Allez, je reste positif, ce n'est pas grave, tout ça c'est des détails, ça va s'arranger». (...) Le lendemain je suis allé à l'entraînement, j'ai découvert les conditions d'entraînement qui étaient catastrophiques. En fait, le stade d’entraînement n’est pas au même endroit que le stade pour jouer les matchs, qui lui était plutôt correct, plutôt cool. Le terrain d'entraînement, c'était vraiment un champ de patates, avec des lumières qui ne marchaient pas".
"On s'entraîne à 17 heures, ce qui fait qu’il fait sombre au bout d'une heure. On continue à s'entraîner dans le noir. C'était vraiment n'importe quoi, super amateur. (...) Ensuite, j’ai discuté avec mes coéquipiers qui, eux, pour le coup, m'ont dit tout ce qui s’était passé pour eux depuis qu'ils étaient arrivés. Ils m'ont dépeint un tableau du club qui était horrible. Que des points négatifs. Je leur demandais s'il n'y avait pas un truc positif. Ils me disaient: «Vraiment non, on ne va pas te mentir, il y a que du négatif»".
"On t'a fait jouer sous une fausse licence, sous le nom d'un autre joueur"
Puis le milieu de terrain découvre le traitement particulier réservé par le président aux joueurs récalcitrants: "Il y a un coéquipier brésilien avec lequel j’étais censé avoir exactement le même contrat. Lui, il était là depuis quatre mois déjà. Il était censé gagner 1.000 euros par mois. Il m'avait dit qu'il avait pris que 600 euros au total, au lieu de 4.000. Il avait voulu partir plusieurs fois, à cause de ça. Mais le club lui avait confisqué son passeport. Il y a eu des tas d'histoires."
L’argent qui lui était promis dès son arrivée au club, Antoine Lemarié n’en voit pas la couleur. "J'étais censé toucher 2.000 euros directement à mon arrivée. Chaque jour, le club repoussait et trouvait des excuses. Des signaux qui faisaient qu’au fur et à mesure, je me suis dit que c'était un plan en bois et qu'il fallait que je parte. Tout ça, jusqu'au moment où il y a eu l'agression de mon coéquipier brésilien, le jour du match. C'était vraiment le point final, où je me suis dit: «Peu importe là, même s’ils me donnent mon argent, je ne peux plus rester, c'est trop grave»". L'agent qui l'a envoyé là ne l'aide absolument pas: "Au lieu de se rendre compte que ça n’allait pas, il ne pensait qu’à la commission qu’il toucherait une fois que je serais payé, donc il essayait de me forcer à rester".
Le joueur finit malgré tout par disputer un match: "Ils m’ont promis de me payer le lendemain. Le lendemain, il ne s’est rien passé". Au cours d'un rendez-vous avec le directeur sportif et le président, on lui explique qu'il manque des documents administratifs, alors qu'ils sont nécessaires pour jouer. "Ils me disent: «En fait, ce weekend, on t'a fait jouer sous une fausse licence, sous le nom d'un autre joueur». J'ai fait vérifier l'information par un contact que j'avais en Grèce. Le mec m'a dit que c'était faux. Mes papiers étaient bien arrivés. C'est là que j'ai commencé à vouloir partir. Je suis allé récupérer mes papiers et je pensais que j'allais m'enfuir du club dans la foulée. Malheureusement, j'ai appris que je ne pouvais pas partir sans avoir la signature du président si je voulais aller dans un autre club en Grèce".
"Le président m'a sauté dessus"
Antoine Lemarié pense avoir convaincu le club de lui accorder cette fameuse signature lorsqu'il lui est demandé de rendre l'appartement. Le directeur sportif lui explique que le président, présent lors de cette conversation, est "très énervé" et qu'il est temps de rendre les clés avant même de signer un quelconque papier. Ce que le joueur refuse. "Et là, le président m'a sauté dessus, se souvient-il. Il m'a plaqué contre la barrière qui était derrière moi. Il m'a agrippé par le col, il m'a agrippé par les bras. Il essayait de fouiller mes poches pour essayer de me prendre mes clés". Un garde du corps s'en prend également à lui.
"J'ai pris ma valise et je suis parti en courant à la gare routière pour quitter cette ville de fous le plus vite possible. J'étais choqué", se rappelle-t-il. Dans un aéroport allemand lors de cet entretien avec RMC Sport, Antoine Lemarié était en passe de retrouver ses proches dans la région marseillaise. "Depuis que j'ai publié mon message, je reçois une déferlante de messages sur les réseaux sociaux. C'est hallucinant, je suis complètement sous l’eau. Je suis complètement dépassé par les demandes d'interview pour des médias grecs. En Grèce, on parle beaucoup de cette histoire apparemment. Là j'ai vu que le club a publié un communiqué pour annoncer qu'ils voulaient m'attaquer pour diffamation".
Dans l’impossibilité de trouver un nouveau club en Grèce, Antoine Lemarié espère continuer sa carrière à l’étranger bien que sous le choc de sa semaine grecque. Mais le Paniliakos FC a fait savoir que la FIFA serait saisie de ce dossier.