Cantona, le faux rebelle ?

L'ancien footballeur Eric Cantona a monté les marches du Festival de Cannes pour le film "Looking for Eric" de l'Anglais Ken Loach (à gauche) - -
Qui est vraiment Eric Cantona ? Un rebelle à l’institution, sulfureux et magnifique, surfant sur la vague de nos émotions ? Ou un produit marketing parfait et cynique, collant au plus près aux fantasmes de son époque ? Sur les marches de Cannes, au bras de sa ravissante épouse Rachida Brakni, sociétaire de la Comédie Française, l’ancienne star de Manchester United a pris un malin plaisir à brouiller les pistes. Comme d’habitude.
Présent sur la Croisette pour défendre « Looking for Eric », le film de Ken Loach dont il a lui-même écrit le scénario, il a fait lui-même l’actualité, instrumentalisant les médias et distillant ses interviews qu’à de rares privilégiés. S’il a répondu positivement à l’invitation du Grand Journal, Canto a annulé tous ses autres rendez-vous avec la presse. Il se veut au service discret de Sa Majesté la bulle médiatique. « Ce festival, c’est un peu comme quand on est dans le tunnel et qu’on s’apprête à rentrer sur la pelouse pour un grand match, expliquait-il sur Canal+. Bien sûr qu’on veut gagner. Quand on est des compétiteurs, on veut toujours gagner. »
Son film n’a pas décroché la Palme d’Or. Qu’importe, l’homme aura fait son show. Il s’en délecterait presque. « La vie est un grand jeu, s’amusait-il il y a quelques mois dans une interview accordée au magazine Sept à huit, sur TF1. C’est pour ça qu’on arrive dans une salle remplie de cinq cents journalistes, qu’on dit bonjour, qu’on sort deux phrases sur les mouettes et qu’on s’en va. Ce n’est pas trop sérieux tout cela. » Ce jour de 1995, en parlant des mouettes, Eric the King avait presque fait oublier l’objet de la conférence de presse : le mawashi-geri, le trop fameux coup de pied circulaire asséné à un fan de Crystal Palace et qui lui avait valu une suspension de neuf mois et une peine de deux semaines de prison ferme commuée en 120 heures de travaux d’intérêt général.
D’un côté, il s’élève contre le système, de l’autre, il en profite sans retenue
Cette personnalité aux multiples facettes, mi-ange mi-démon, aura fait en tout cas le bonheur de ses annonceurs et sa fortune. Tout en contradiction, Eric the King ! D’un côté, il s’élève contre un système qu’il ne comprend pas, de l’autre il en profite sans retenue. « Une société qui fait 14 milliards de bénéfices et qui licencie 500 personnes, ça me met très en colère, lâche-t-il non sans une pointe de démagogie. J’appelle cela du… terrorisme. »L’avis est partagé par beaucoup de ses concitoyens qui fait de son personnage un homme aussi habile qu’attachant. Alors vrai rebelle notre Canto ? Lorsqu’il déclare que "tourner les choses en dérision est une arme", l’ancien numéro 7 des Red Devils apporte son élément de réponse. Tout en mystère…