Fenerbahçe-OL: John Textor, "l’incompris" du foot français, peut-il sauver Lyon?

John Textor dit ce qu’il pense. Quitte à agacer une partie du foot français. La preuve il y a quelques jours à peine dans Rothen s’enflamme sur RMC, prenant à parti le président du PSG Nasser Al-Khelaifi ou encore la DNCG. L’Américain ne se cache pas dans ses combats, et notamment contre le gendarme financier français. John Textor regrette que la DNCG ne comprenne pas son modèle de multipropriété, quand de son côté elle assure qu’il n’y a aucun traitement discriminatoire contre Lyon. Sur le papier, les faits sont inquiétants pour le groupe Eagle: près de 500 millions d’euros de dette fin 2024. Mais le "boss" ne doute pas.
Directeur général de l’OL depuis un peu plus d’un an, Laurent Prud’homme vient au soutien: "Le modèle de John est celui de la création de valeur. C’est une situation responsable dans le contexte actuel. Le modèle qui existe depuis 40 ans est cassé, on a connu -60% de droits télé. John propose son propre modèle. Il détonne, c’est sûr. Son énergie et son ton peuvent détonner mais c’est un très grand chef d’entreprise, un visionnaire et à la fois un spécialiste du foot."
A Botafogo, "les fans adorent Textor"
John Textor détonne et divise. Ses détracteurs ont pu le comparer à Gérard Lopez, le propriétaire qui a fait chuter les Girondins de Bordeaux ou même Jack Kachkar, le faux repreneur de l’OM dans les années 2000. Mais d’autres ont une confiance aveugle en lui. Comme Laurent Prud’homme donc. "C’est un président qui fixe un cap, il est le premier à y croire et tout le monde le suit. Quand je suis arrivé en décembre 2023, Lyon était dernier à la 14e journée, avec sept points. John a assuré que Lyon se sauverait et irait en coupe d’Europe, tout le monde s’est moqué. Il avait raison."
A Botafogo, le président Durcesio Mello est aussi dithyrambique au moment d’évoquer son patron américain: "Le club en 2023 était un désastre. Ça n’avait aucun sens. Après le doublé Serie A–Libertadores, les fans adorent Textor. C’est un grand monsieur. Eagle Football, c’est très intelligent. Son système de multipropriété, c’est le même que celui de Manchester City, et je l’imagine avoir encore plus de succès. Il comprend très bien le foot, et le business, c’est un visionnaire."
Du "cash pooling" entre Botafogo et Lyon
Méthode Coué ou pas, les proches de Textor le suivent aveuglément. Et force est de constater que les prédictions de l’américain se réalisent petit à petit. Le mercato avance dans le bon sens, avec les départs de Maxence Caqueret à Côme (16,5 millions d’euros) et Gift Orban à Hoffenheim (près de 12 millions d’euros) notamment. La vente des parts de Textor du club anglais de Crystal Palace sont bien engagées, et l’argent rentre aussi via la Brésil. Laurent Prud’homme détaille les derniers mouvements de « cash pooling » grâce à la multipropriété: "Le destin de l’OL est lié à la réussite de Botafogo et inversement. Chaque club contribue et bénéficie des efforts de l’autre. Par exemple, la prime de victoire en Libertadores, c’est 23 millions d’euros. C’est aussi 9 millions pour le championnat et le prize money de participation à la prochaine coupe du monde des clubs, 50 millions." Tout cela permet à Lyon de mieux respirer sur le papier, mais c’est la DNCG qui validera ou pas ces rentrées d’argent.
Textor veut "remettre Lyon au sommet en France"
Aujourd’hui Botafogo aide l’OL, mais "il y a possibilité que ça marche dans l’autre sens", assure le directeur général Lyonnais. Au Brésil, Durcesio Mello sait que Lyon est pour le moment au centre du projet Eagle: "Textor est focus sur le fait de remettre Lyon au sommet en France, pour rivaliser avec le PSG. Thiago Almada est là par exemple. La compétition avec Paris va arriver."
Le président carioca ne s’inquiète pas pour son club malgré tout. "Après nos succès, tout le monde imagine que Botafogo sera au top tous les ans mais le football ne marche pas comme ça. Il y a des départs de joueurs, Almada et Luiz Henrique par exemple. Il faut y faire face mais d’autres arriveront et nous serons encore plus fort."
Thiago Almada est en effet une preuve supplémentaire de la force de persuasion de John Textor. Malgré l’interdiction de recrutement décidé par la DNCG, le président lyonnais a réussi à faire valider le contrat du champion du monde argentin auprès de la Ligue de Football Professionnel.
Certains dirigeants français méfiants voire médisants envers Textor
En guerre contre la DNCG, en désaccord avec Nasser Al-Khelaifi, John Textor s’impose de plus en plus comme un personnage du foot français. Pour Prud’homme, "le foot professionnel a besoin de quelqu’un comme lui aujourd’hui. Il a une liberté de ton étonnante dans un milieu fermé. Quand un acteur fait différemment, au début on critique. Mais il met un coup de pied dans la fourmilière, il apporte quelque chose". Plusieurs dirigeants de clubs français sont encore méfiants, ou médisants à l’encontre de l’Américain? "Il y en a, oui. Mais c’est à moi de faire le lien et d’apporter ma part de culture française."
C’est aussi son rôle dans la région lyonnaise. Les politiques locaux, très attachés à Jean-Michel Aulas, ont pour la plupart eu du mal à accrocher avec cet Américain, pas toujours présent sur place. Au club, on assure que le temps de la méfiance est passé. "Lyon est une ville de réseau. Et tout est apaisé aujourd’hui." Lors de la dizaine de cérémonie de vœux au mois de janvier, Laurent Prud’homme et plusieurs acteurs du club peuvent resserrer ce lien OL – ville.
L’OL version Aulas démantelé pour se focaliser sur l’équipe masculine
Car Textor a été accusé localement de vendre les bijoux de famille. Avec Eagle, il a tout misé sur le football masculin. Vente donc de la LDLC Arena, d’OL Reign (équipe féminine aux Etats-Unis) et de la section féminine française notamment. Pour faire passer la pilule aux lyonnais, il a privilégié la vente de l’Arena justement à Jean-Michel Aulas et l’OL féminin à Michelle Kang, une des plus puissantes femmes d’affaires dans le football qui promet d’investir encore plus.
Le propriétaire de l’Olympique Lyonnais est en permanence sur la brèche, mais visiblement convaincu par la direction à emprunter. "La relation de confiance entre le foot français et la nouvelle présidence lyonnaise met du temps à se construire", résume Laurent Prud’homme. "Mais tout ce qu’il dit, il le fait!" Si tel est le cas, Textor sera parvenu à récupérer l’argent promis, et l’OL restera en Ligue 1 après son passage de fin de saison devant la DNCG.