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Renard, itinéraire d’un technicien pas toujours gâté

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A 43 ans, l’entraîneur français Hervé Renard s’est révélé au monde entier en hissant la Zambie sur le toit de l’Afrique. Vainqueur de la CAN dimanche aux dépens de la Côte d’Ivoire, cet ex-pensionnaire du centre de formation de l’AS Cannes a connu une trajectoire aussi singulière qu’atypique.

Nous sommes le 15 novembre à Kaduna, au Nigéria. A l’occasion d’une rencontre amicale, les Super Eagles dominent logiquement la Zambie 2-0. Problème : à l’inverse du Nigéria, les Chipolopolo sont censés préparer la Coupe d’Afrique de Nations pour laquelle ils se sont qualifiés. A leur tête, Hervé Renard, revenu aux commandes après deux aventures avec l’Angola et l’USM Alger, se prend la tête à deux mains. « A ce moment-là, je me dis : « Où vais-je ? C’était une cata ! » Trois mois plus tard, sur la pelouse du stade de l’Amitié de Libreville (Gabon), le technicien français lançait à ses joueurs un semblant de furieux haka. Heureux comme un gamin, Renard vient juste d’inscrire son nom au palmarès de la 28e Coupe d’Afrique des Nations : « On a marqué à jamais l’histoire du football zambien, jubile-t-il. On ne réalise pas trop encore. »
Relativement méconnu avant cette CAN, l’homme âgé de 43 ans sait trop d’où il vient pour s’approprier les éloges et la gloire. « J’ai l’habitude de toujours relativiser les bons comme les mauvais moments, confie-t-il. J’ai la chance de mettre mon nom en tant que sélectionneur de cette équipe. » Plus qu’une chance, une récompense. Voire une leçon.

Il se levait à 3h du matin

Ancien joueur très prometteur, celui qui a côtoyé Zidane à l’AS Cannes et le tandem Desailly-Deschamps en équipe de France de jeunes, se tourne rapidement vers le tableau noir. « Gamin, sur les terrains en Savoie du côté d’Aix les Bains, mon rêve était de devenir professionnel, raconte-t-il. Cela n’a pas pu se faire, mais la passion est restée. C’est elle qui m’a poussé à devenir, tout en étant encore joueur, entraîneur à Vallauris, puis à Draguignan. »
Pour vivre, Renard, qui possède sa propre société, se lève à 3h du matin. Il entretient les cages d’escaliers d’immeubles. Sur les terrains, outre ses excellents résultats, l’homme dégage une assurance qui séduit immédiatement Claude Le Roy. Du coup, le coach français l’emmène avec lui en Chine (2002-04 à Shanghai), en Angleterre (2005 à Cambridge), à Cherbourg (National, 2006-08), avant de débuter son parcours africain avec le Ghana en 2008. Hervé Renard apprend et s’affranchit vite de son « père spirituel. »
Grâce à son vécu, l’homme sait inculquer aux Zambiens les valeurs de solidarité. Il place le collectif au-dessus de tout. Ça marche. Son équipe, sans stars, lui ressemble finalement beaucoup. Quant au culot… Le challenge ne lui fait pas peur. « Rien ne m’effraie », confirme-t-il. Ses décisions ? Tranchées, mais toujours respectées. Même lorsqu’il exclut son attaquant, Clifford Mulenga, coupable de ne pas respecter les horaires : « Je veux juste montrer à l’extérieur de la sérénité et une forme de confiance, des ingrédients qu’il faut transmettre aux joueurs explique-t-il. C’est indispensable d’avoir cette carapace-là. »
Désormais sous la lumière, Renard a basculé dans une autre dimension. Souvent ignoré des clubs français, il ne parlera jamais de revanche. Mais alors que les sollicitations commencent à pleuvoir, cette CAN restera sans aucun doute le plus bel accomplissement de sa carrière.

AB avec EJ