
Coupe de France: Dépression, fractures au visage, manager de l'AS Vitré, le fabuleux destin de Guillaume Borne

Guillaume Borne (gauche) à Boulogne-sur-mer en 2009 - AFP
A 30 ans, Guillaume Borne aurait pu postuler pour prendre place dans la défense centrale de l’AS Vitré (National 2), ce mercredi (18h30) lors du huitième de finale de Coupe de France face à Lyon Duchère (National). Mais l’ancien joueur sera seulement dans les tribunes du stade municipal de la commune d’Ille-et-Vilaine, avec ses habits de manager du club breton. Un poste qu’il occupe depuis 2017. La carrière de joueur de Borne, formé au Stade Rennais, a brutalement pris fin en mai 2015 après qu’il a reçu un violent coup au visage, le laissant avec neuf fractures et les regrets de mettre un terme à sa première vie professionnelle à seulement 27 ans.
"Ça a accéléré ma reconversion, j’avais déjà mon idée de projet, donc c’était moins dur à accepter, confie aujourd’hui celui qui dirige Extra Sport Conseil, société qu’il a fondée et qui gère les finances, la communication et la reconversion de joueurs avant, pendant et après leur carrière. A un moment, je me suis dit que le football n’était plus pour moi et que j’ai dû avoir un gros pépin physique pour me rendre compte des choses."
Secoué par Dréossi à 19 ans
Ce n’est pas la première fois que le natif de Castres jette un regard lucide sur lui-même. Il fut même l’un des rares footballeurs à faire état de sa dépression pendant sa carrière. Il a évoqué le sujet à plusieurs reprises avec, comme point de départ, une causerie musclée de Pierre Dréossi, alors entraîneur du Stade Rennais, à la mi-temps de match de Coupe d’Europe face à Hambourg en 2007, alors qu’il n’avait que 19 ans.
"Je n’étais pas préparé à l’échec"
"Hambourg, ça a été un déclic mental, rappelle-t-il aujourd’hui. C’est là où je me suis aperçu que je n’avais pas le mental pour y arriver à ce moment-là. J’ai débuté ma réflexion en me demandant: 'est-ce qu’on m’a assez accompagné pendant ma jeune carrière pour surmonter des problématiques comme ça?' La réponse est non. Inconsciemment, je n’étais plus en condition mentale pour aborder un match et ça s’est ressenti sur mes performances. Après Hambourg, j’ai fait d’excellents matchs en Ligue 1 ou ailleurs mais je n’étais pas préparé à l’échec."
23 mois de chômage
La suite? Une progressive descente vers l’oubli avec deux saisons à Rennes (2006-08), des passages à Brest (2008-09, L2), Boulogne-sur-Mer (2009-11, L2), puis Beauvais (2011-12) avant le chômage. "Je l’ai connu 23 mois, soit la période à laquelle je pouvais prétendre après avoir cotisé pendant sept, huit ans. Comme beaucoup, je suis passé par là." Puis l’aveu de la dépression.
"J’ai juste expliqué pourquoi j’étais sorti du circuit"
"C’était pour remettre les choses au clair, justifie-t-il aujourd’hui. Tout le monde disait: 'Guillaume Borne a réussi'. A un moment, tout a chuté et personne n’avait de réponse. J’ai exprimé les raisons de ma chute libre au niveau de ma carrière, c’est tout. J’ai juste expliqué pourquoi j’étais sorti du circuit. Je ne suis pas seul à être dans cette situation-là. Des joueurs ont un plus fort caractère et arrivent à s’en sortir au bout d’un mois. D’autres n’ont pas le même caractère et coulent un peu plus. Je ne suis pas le porte-parole de cette typologie de joueurs. A un moment donné, j’ai parlé pour me libérer de tout ça. En général, je refuse d’en parler. Beaucoup de journalistes me demandent de le faire mais je refuse parce que j’ai dit ce que j’avais à dire."
Une touche en Ligue 2 avant son accident
Il avait pourtant repris le fil de sa carrière à Vitré où Michel Sorin, l’actuel entraîneur qu’il a connu à Rennes quand il était adjoint de Dréossi, l’avait invité à s’entraîner en 2012. Il a finalement passé trois ans au club et commençait même à attirer les regards de clubs plus huppés. "J’avais même une touche concrète en Ligue 2, mais l’accident est arrivé le 8 mai 2015", resitue-t-il. Ses derniers rêves de redevenir un joueur professionnel se sont définitivement évaporés.
Quelques "top players" comme clients
Mais la chute fut moins rude avec son projet professionnel dans les cartons et qui a pris son essor aujourd’hui puisqu’il compte, comme clients, "une trentaine de joueurs qui sont en Serie A, en Ligue 1 et en Ligue 2, des joueurs français principalement ou des étrangers qui sont venus en France par des académies, dont quelques top players". Il les accompagne "pour gérer leurs finances, surtout, parce que c’est là que je me suis fait arnaquer", sourit-il en référence à l’un de ses conseillers qui avait vidé son compte en banque au début de sa carrière.
"Maintenant, tout va bien, encore mieux qu’avant"
Le tout sans oublier ses fonctions de manager de l’AS Vitré où il accompagne l’entraîneur sur le recrutement et la négociation des contrats. Il joue aussi le rôle d’intermédiaire avec les joueurs, qui étaient encore ses coéquipiers il n’y a pas si longtemps, et parfois de conseiller. Son expérience et les multiples obstacles qu’il a dû surmonter lui offrent du crédit sur le sujet. A 30 ans, Guillaume Borne est désormais un jeune entrepreneur heureux dans ses affaires ('maintenant, tout va bien, encore mieux qu’avant') qu’il souhaite "pérenniser".
Avec une ambition en tête. "J’aimerais être directeur de centre de formation, conclut-il. Ça touche au football, à l’éducation de jeunes. C’est un mix de compétences qui m’intéressent."