DOC RMC SPORT - Valcke : « Ce qu’a fait Suarez dépasse l’entendement »

Dans un entretien accordé à RMC Sport, Jérôme Valcke tire un premier bilan très positif du Mondial. Le secrétaire général de la FIFA livre aussi un avis très sévère concernant le comportement de Luis Suarez, banni pour sa morsure sur Chiellini

Jérôme Valcke, quel bilan tirez-vous de cette première phase de Coupe du monde ?
C’est une grande réussite au niveau de ce qu’il se passe sur le terrain. On a une moyenne de buts exceptionnelle (2,83 / match) mais surtout un football offensif, qui fait vibrer, différent de celui de 2010. Toutes les équipes veulent marquer et on se retrouve avec certains scores étonnants. L’autre réussite, c’est l’ambiance. On savait qu’elle serait présente. On se demandait juste pendant la phase de préparation si on serait capable d’offrir les meilleures conditions pour vivre cette compétition. A part quelques petits problèmes à corriger pendant la première semaine, on a pu profiter de ce qui restera comme une des plus belles Coupes du monde.

Il y avait beaucoup de craintes en termes d’organisation matérielle et de contestation populaire. Comment expliquer qu’elles se soient envolées si facilement ?

Personnellement, j’avais des craintes par rapport à la livraison tardive des stades. Concernant les problèmes de transports publics et dans les villes, qui ont été essentiellement évoqués dans les médias brésiliens, on avait l’opinion que ça passerait et que les fans n’auraient pas de problèmes majeurs. Beaucoup de choses se sont réglées à la dernière minute. On a tous travaillé d’arrache-pied, que ce soit le comité d’organisation ou les représentants du gouvernement, pour que tout s’arrange si rapidement, que ça n’a jamais dérangé ceux qui vivent cette Coupe du monde.

L’attaquant uruguayen Luis Suarez a écopé de neuf matches de suspension en sélection nationale et a été privé de toute activité liée au football pendant quatre mois pour avoir mordu Giorgio Chiellini. Quel est votre avis ?
Quand je vois cette image, elle me révolte. Cette image n’a pas le droit d’exister dans un événement comme la Coupe du monde. C’est un évènement regardé par des centaines de millions de téléspectateurs. S’il y a un endroit où vous devez donner l’exemple, c’est la Coupe du monde. Ce n’est pas un geste de football. Ça dépasse l’entendement. La sanction de la commission de discipline de la FIFA a été prise sur la base du visionnage du match de l’Uruguay mais aussi d’informations passées. Ces quatre mois de suspension de toute activité dans le football indiquent que c’est allé trop loin. C’est officiellement la troisième fois et on parle d’autres cas. Un joueur phare, si talentueux et idole de millions de personnes, ne peut pas avoir ce geste, qui ruine toutes ses qualités de footballeur.

Avez-vous été agacé de l’intervention du président de la République uruguayenne, qui a demandé de la mansuétude pour Luis Suarez ?
Si je devais m’agacer des interventions de différentes personnes, il y a longtemps que j’aurais fait une crise cardiaque ou que j’aurais arrêté. Tout le monde intervient, pour de bonnes ou mauvaises raisons. C’est une réaction qui, compte tenu du geste, n’est pas nécessaire.

« Le Brésil est en train de réussir son pari »

Un pays s’est éveillé au football cette année, ce sont les Etats-Unis, où la Coupe du monde est une grande réussite sur le plan des audiences TV…
C’est une réussite majeure puisqu’on parle de plus de 20 millions de téléspectateurs. Cela va au-delà des résultats d’audience de la NBA. C’est fantastique pour nous et la confirmation que le football existe aux Etats-Unis. C’est déjà un sport majeur chez les filles, mais il n’existe pas au niveau universitaire. Il y a un trou qui est un problème pour développer ce sport aux Etats-Unis. Mais on travaille avec la Fédération pour que cela change. Ça passe aussi par la réussite de l’équipe nationale (qualifiée pour un 8e de finale contre la Belgique, ndlr), qui intéresse tout un pays. J’ai même vu une photo d’Obama regardant un match. Il y a un engouement qui est fait de tellement de nationalités et de cultures différentes qu’il est normal que le football devienne rapidement le sport numéro un.

Quel sera l’héritage de cette Coupe du monde pour les Brésiliens ?
Il y a plusieurs niveaux d’héritage. Il ne s’agit pas seulement des stades mais également des terrains d’entraînement et de différentes structures qui permettront au football brésilien de bénéficier d’un environnement bien meilleur que celui qui était le sien avant la Coupe du monde. Dans les villes, l’héritage se voit au niveau des hôtels ou de l’amélioration des transports publics. Ce sont des investissements que le Brésil aurait fait mais peut-être sur 10 ou 15 ans. Enfin, il y a ce qui n’intéresse personne mais qui fait partie de notre vie au quotidien à la FIFA, c’est tout ce qu’on laisse pour des communautés plus défavorisées, avec des programmes où on mêle football, éducation et santé. La Coupe du monde, ce n’est pas la Coupe de la FIFA qui va dans un pays et en repart avec. C’est la Coupe du monde du pays qui l’organise et qui en bénéficie largement.

Cette Coupe du monde est-elle déjà réussie ?
Ce sera une Coupe du monde réussie après la finale (le 13 juillet, ndlr). Le Brésil est vraiment en train de réussir son pari et c’est beaucoup dû aux Brésiliens. Ils ont accueilli le monde et, quand on voit la ferveur dans les rues, où les gens sont jusqu’à 4 ou 5h du matin après les matches. Il y a quelque chose d’unique dans ce pays. Les gens se disent que la dernière Coupe du monde ici remonte à 1950 et qu’ils ne seront peut-être plus de ce monde quand il y a en aura une autre. Alors ils en profitent.

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Propos recueillis par Rodolphe Massé