La folle histoire du membre de la FIFA « retourné » par le FBI

Chuck Blazer, ex-membre du comité exécutif de la FIFA, et Sepp Blatter, le président de la FIFA - AFP
- Un personnage influent de la FIFA
En 1990, le New-Yorkais Chuck Blazer devient secrétaire général de la CONCACAF, qui regroupe les fédérations nord-américaines, centre-américaines et caribéennes, après l’accession à la présidence de son ami, le Trinidadien Jack Warner. Après avoir supervisé le Mondial 1994 aux Etats-Unis, il entre en 1996 au comité exécutif de la FIFA, l’organe qui choisit notamment les pays hôtes des Coupes du monde (dont celles de 2018 et 2022, en 2010). Il préside aussi la commission marketing et télévision de la FIFA, qui a participé à l’élaboration d’un accord pour la vente des droits TV des Coupes du monde 2010 et 2014 à Univision et ESPN pour 425 millions de dollars. Chuck Blazer quitte ses fonctions à la CONCACAF en 2011 et celles à la FIFA en 2013, à cause des accusations de corruption contre Jack Warner, dont il était le bras droit.
- Un champion du détournement au style de vie « bling-bling »
Chuck Blazer aurait détourné plusieurs dizaines de millions de dollars, via notamment des commissions et des montages avec des sociétés lui appartenant, au cours de ses deux décennies d’administrateur de haut rang du football. Et la CONCACAF a souvent été mise à contribution pour offrir à son secrétaire général le style de vie qu’il souhaitait. Elle a ainsi payé un appartement principal à New York au 49e étage de la luxueuse Trump Tower, 32 étages au-dessus de son siège, pour 18 000$ par mois, avec vue panoramique sur Central Park, ainsi qu’un second à 6 000$ par mois pour… ses chats !
Chuck Blazer s’est aussi fait rembourser un Hummer à 50 000$ qu’il utilisait dans les rues de New York avec sa compagne. La CONCACAF a réglé l’assurance et les frais de parking, d’un montant de 21 600$. L’Américain profitait aussi de vols en jet privé, d’escapades sur des îles secrètes, d’une « flotte de scooters » pour se déplacer de fête en fête et, enfin, de comptes bancaires offshore. Son idole ? Joao Havelange, l’ancien président de la FIFA soupçonné de corruption, « un symbole majestueux de l'élégance dans notre sport » selon ses propres mots sur le site de la Fédération internationale.
- Le moment où le FBI l’a retourné
Le scénario est hollywoodien. Un restaurant de Manhattan, un soir de novembre 2011, où Chuck Blazer a ses habitudes. Deux agents fédéraux, l’un du FBI et l’autre de l’IRS (service de collecte de l’impôt sur le revenu), vont à sa rencontre. Leur message est clair : « Soit vous sortez d’ici avec des menottes, soit vous coopérez ». Avec comme moyen de pression sur ce personnage clé du sport américain, une dizaine d’années de taxes impayées. Chuck Blazer accepte et se transforme en ‘‘indic’’. A deux reprises, il essaye de faire descendre la pression du FBI. En vain.
- Le porte-clés le plus important des JO
Pour répondre aux attentes du FBI, Chuck Blazer ouvre son carnet d’adresses. Ses contacts avec une quarantaine de hautes personnalités du football mondial, dont Sepp Blatter, sont surveillés, mis sur écoutes, selon le New York Daily News. Et surtout, l’Américain donne des rendez-vous à Londres en 2012, en marge des Jeux Olympiques, à l’hôtel cinq étoiles où il réside. Le chef de la candidature russe pour l’attribution de la Coupe du monde 2018, le secrétaire du président du comité d’organisation du Mondial russe, le président (russe) de la Fédération internationale d’escrime, le chef de la candidature australienne pour 2022, le conseiller hongrois de Sepp Blatter…
Ils ont répondu à l’invitation et se sont peut-être fait piéger par Chuck Blazer. Car l’ex-champion en détournement ou abus de biens sociaux travaille désormais pour le FBI et utilise un porte-clés avec un microphone intégré. Les conversations sont enregistrées. Elles font partie des pièces dont dispose le FBI dans son enquête sur de hauts responsables de la FIFA, selon CNN. Comme les autres documents transmis par Chuck Blazer.
- Un homme malade
Après son expérience d’agent infiltré, Chuck Blazer a été contraint de démissionner de toutes ses fonctions dans le football à cause des affaires Warner et bin Hammam. Le Trinidadien l’entraîne dans sa chute, l’accusant de complicité de fraude et de corruption. En parallèle, et a priori sans avoir de contact avec Chuck Blazer, Michael Garcia débarque à la FIFA pour tenter de faire la lumière sur l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar. Alors que l’ancien procureur de New York dénonce un traitement erroné de son rapport par la FIFA ce jeudi, Chuck Blazer se bat dans le même temps contre un cancer. Un homme de 69 ans, malade, qui assiste de la loin à la poursuite du travail des fédéraux, avec des requêtes envoyées notamment à Zürich… au siège de la FIFA.