Quand la FIFA se met à dos les Sud-Africains…

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La vieille caravane de Cécilia a disparu des abords du stade de Soccer City de Johannesburg. Cette vendeuse de rue y était pourtant installée légalement depuis quatre ans, où elle vendait nourriture et boissons à tous les travailleurs des alentours. Mais trois jours avant le coup d’envoi du Mondial, la police est venue l’avertir que son petit commerce n’était plus le bienvenu. « J’ai une autorisation de la mairie pour être ici, se défend Cécilia. Mais la FIFA a décidé qu’on ne pouvait pas rester, car seuls les sponsors officiels ont le droit de vendre de la nourriture aux supporters. On espérait bien travailler pendant cette Coupe du monde, et maintenant il va falloir qu’on trouve un autre endroit où aller… »
La FIFA a établi un périmètre d’un kilomètre autour des dix stades où les vendeurs de rue sont interdits de séjour. La plupart se sont donc résignés à ne pas tirer profit de l’événement. Mais ils ne sont pas les seuls. Les commerces traditionnels, eux aussi, ont déchanté. Après une décision de justice, le propriétaire d’un bar à Pretoria a dû retirer de sa devanture des drapeaux et une inscription « World Cup 2010 ». Une dizaine d’appellations sont en effet la chasse gardée de l’organisation et de ses sponsors, notamment les termes « World Cup », « South Africa 2010 », « ZA 2010 », « Zakumi », et même « 2010 » tout court !
Valcke admet que « la FIFA prend le contrôle d’une partie du pays »
Toute entreprise qui voudrait accoler un de ses termes à son produit ou à son établissement est immédiatement accusée de marketing déguisé. Car selon les règlements de la FIFA, seuls les sponsors officiels, qui ont payé de lourdes sommes d’argent, ont le droit de profiter de l’évènement pour faire parler d’eux. « Je ne comprends pas ce jugement, explique Tim Burrell, avocat spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle. La FIFA ne peut pas posséder une expression comme ‘2010’, c’est impossible. Ce qu’ils font est illégal. »
Mais peu de dossiers arrivent jusqu’au juge. Faute d’argent, beaucoup de petits entrepreneurs cèdent à la pression de la puissante organisation et font marche arrière. Et ce qui frustre le plus les Sud-africains, c’est que la FIFA n’ose s’attaquer qu’aux petits commerçants. Les affiches géantes de Cristiano Ronaldo et de Robinho habillés en vêtements Nike, suspendues aux deux plus hauts immeubles de Johannesburg, ne leur ont pas échappé. « La FIFA agit de façon assez lâche. Ils n’osent pas s’attaquer à Nike, qui n’est pourtant pas un sponsor officiel, et qui tire clairement parti de la Coupe du monde avec ces deux affiches, continue Tim Burrell. Parce que Nike est bien trop puissant, elle préfère s’attaquer aux petits.»
Face aux critiques de plus en plus virulentes de la population, Jérome Valcke, le secrétaire général de l’organisation, a lui-même concédé qu’à chaque Coupe du monde, la FIFA prenait « le contrôle d’une partie du pays hôte ». Mais le pays en question n’apprécie pas. On voit d’ailleurs ces derniers jours l’apparition de vêtements anti-FIFA dans les rues. Des designers locaux ont imaginé des T-shirts avec l’inscription « Fick Fufa », (comprendre Fuck Fifa) ou encore « mafifa » (comprendre mafia). Cette fois, les auteurs se sont bien renseignés sur les règles marketing. L’organisation sportive ne peut rien faire contre eux. A priori.