Rouge de plaisir

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Un cri résonne dans la nuit. Derrière lui, un véritable maelstrom de joie, de pleurs. Des deux aussi à la fois. Nous sommes le 11 juillet 2010. Bras écartés, muscles saillants, Andrès Iniesta laisse éclater son bonheur sur la pelouse du Soccer City Stadium de Johannesburg. On joue la prolongation entre l’Espagne et les Pays-Bas et le milieu du terrain du Barça vient de tromper la vigilance de Maarten Stekelenburg (1-0). De mettre un terme au suspense de la 19e finale de Coupe du monde de football. Et d’expédier toute une nation au septième ciel.
L’Espagne championne du monde, deux ans après son succès à l’Euro. Un challenge que seules la RFA (1972-74) et la France (1998-2000) – en sens inverse – avaient relevé jusque-là. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. C’était même franchement mal embarqué après l’entrée médiocre des joueurs de Del Bosque face aux Suisses (1-0). « Ils ont eu des difficultés, c’est vrai, analyse Raynald Denoueix, ancien entraîneur de Nantes et grand spécialiste du foot espagnol. Mais ils ont eu le mérite de se tenir à leur plan de jeu. » Face à des formations souvent regroupées, l’Espagne aurait pu déjouer. Au lieu de cela, elle se mue en véritable machine à gagner. Et balaie tout sur son passage. Le Honduras. Le Chili. Le Portugal. Le Paraguay. L’Allemagne. Et les Pays-Bas donc. Lors de ces quatre derniers matches, la lutte est âpre, le dénouement tardif, le score étriqué (1-0).
Le triomphe du Barça
Mais la Roja peut compter sur le réalisme de David Villa, meilleur buteur du tournoi, pour aller au bout de ses idées. Et sur une défense de fer aussi (deux buts encaissés), que n’aurait pas reniée l’Italie en 2006 et la France en 1998. « C’est une caractéristique du Barça que l’on ne relève pas assez, poursuit Denoueix. On est tous ébloui par le jeu de passes de cette équipe mais on ne parle pas assez de sa récupération du ballon, qui est magistrale elle aussi. L’Espagne s’en inspire, un cran en-dessous encore selon moi. » La référence faite au double champion d’Espagne n’est pas innocente. Elle est même logique. Avec neuf de ses pensionnaires dans les 23 Mondialistes sud-africains dont Xavi et Iniesta, deux des trois derniers prétendants au Ballon d’Or 2010, la formation catalane était largement représentée.
« Cette Coupe du monde, c’est aussi le triomphe de ce club, conclut Denoueix. On sent une identité barcelonaise dans cette sélection. Luis Aragones et Vicente Del Bosque ont su s’appuyer sur le savoir-faire du Barça. Du coup, la Roja représente parfaitement les valeurs du football espagnol : l’esthétisme, les beaux gestes, les exploits dans le secteur offensif. » Désormais sans complexe sur la scène internationale, l’Espagne va pouvoir se tourner vers un défi inédit : remporter une troisième couronne consécutive à l’issue de l’Euro 2012. Une tâche à la mesure de cette exceptionnelle génération.