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Deschamps : « La France n’a pas le potentiel pour gagner l’Euro »

Didier Deschamps est sans concession avec le potentiel des Bleus

Didier Deschamps est sans concession avec le potentiel des Bleus - -

Capitaine emblématique de l’équipe de France sacrée au Mondial 98 et à l’Euro 2000, le coach de l’OM, invité mardi de Luis Attaque sur RMC, livre un regard sans concession sur le niveau et les ambitions de la sélection de son ami « Lolo » Blanc.

Quels conseils donneriez-vous aux joueurs de l’équipe de France ?

Ils ont la qualité individuelle, mais la difficulté sera de la mettre au service d’un projet collectif. Il faut laisser de côté les ego, ce n’est pas facile. On vit un mois et demi ensemble, il y a ceux qui jouent et ceux qui ne jouent pas. Mais il faut mettre l’objectif avant toute chose.

Laurent Blanc dit qu’il y a du travail à faire. Que pensez-vous du niveau des Bleus ?

Il a pris la sélection dans un état de ruine totale. Il a fait une grosse partie du chemin en se qualifiant et a restauré un climat. La prochaine étape sera de créer un jeu. Il ne peut pas être satisfait de ce qu’il voit sur l’ensemble des derniers matches, même si la France reste sur une série impressionnante (15 matches sans défaite, ndlr).

Quelles peuvent être les ambitions de la France à l’Euro ?

C’est quoi réussir l’Euro, sachant qu’on n’a pas le potentiel d’un vainqueur ? Ce sera de sortir des poules et de gagner des matches, car n’oublions pas que la France lors des deux dernières grandes compétitions n’a pas gagné un match ! Il ne faut pas oublier d’où l’on part avant de vouloir la lune.

Laurent Blanc a-t-il raison de vouloir prolonger avant l’Euro ?

Laurent aurait souhaité savoir de quoi son avenir sera fait avant l’Euro. Il avait la possibilité de signer pour 4 ans lors de sa nomination, mais il ne l’a pas fait parce qu’il voulait voir s’il allait se qualifier. Il y a aussi la position du président qui est recevable parce qu’il y a eu par le passé des reconductions qui ne se sont pas bien passées. Aujourd’hui, il y a un Euro avec un sélectionneur, mais personne ne peut dire s’il sera là après.

Est-ce que ça peut être préjudiciable pour l’équipe ?

J’ai connu ça en 1992 avec Michel Platini. On savait qu’il n’allait plus être là. Ce n’est pas ça qui nous a fait rater la compétition, mais quand un joueur sait qu’il y aura un nouveau sélectionneur, il n’est peut-être pas autant tenu de bien faire. C’est tout un équilibre psychologique.

L’Allemagne, ce mercredi en amical, peut donner aux Bleus une leçon de football. Ne craignez-vous pas que ça puisse démotiver les joueurs ?

C’est de toute façon un match amical qui est très mal placé pour les joueurs qui jouent la Ligue des champions, y compris du côté de l’Allemagne qui compte des absents. C’est une très belle génération qui a beaucoup de talent, qui est en avance sur nous, mais il y a quatre ans, les Allemands n’étaient pas bien non plus. Ils ont reconstruit, il faut du temps et des résultats. Evidemment pour la confiance, ce serait bien de faire un bon résultat, mais la vérité d’un jour n’est pas celle de demain.

A titre personnel, Didier, quel est votre plus grand souvenir sous le maillot bleu ?

Ça a été la consécration en 1998 en France avec tout ce que ça a entrainé de passion et d’émotion, et quand on a enchainé avec le Championnat d’Europe. L’Euro est plus difficile, on n’a pas le temps de monter en puissance. On rencontre ce qui se fait de mieux, les meilleurs sont là. C’était extraordinaire ce doublé.

Qu’est-ce que cette équipe avait de plus en 2000 ?

Par rapport au Mondial, on avait des armes offensives plus importantes avec David Trezeguet et « Titi » Henry, qui nous ont permis de porter le jeu devant sans renier ce qui a fait notre solidité défensive en 98. Mentalement, on était tous des compétiteurs. Quand arrivait le match, on était animé par cette rage de vaincre. A qualité égale, c’est le mental qui a fait la différence. On voulait plus que la Coupe du monde parce que pour certains, comme moi (et Laurent Blanc), on savait que c’était la dernière compétition. A la fin de la finale, on est resté sur la pelouse, on voulait que le temps s’arrête. Quand j’ai raccroché, une partie de moi s’est éteinte.

Vous avez signé ce doublé historique en changeant de sélectionneur, avec l’arrivée de Roger Lemerre…

Oui, mais Roger était là en 1998 et il a pris un train qui roulait tout seul. Il y avait une autogestion de la part des joueurs. Ce n’est pas pour dire que le sélectionneur n’a pas pesé. Son coaching durant l’Euro a toujours fait mouche, comme le remplacement de Lizarazu par Pirès (17 minutes après son entrée en jeu, l’ancien Marseillais offrait la passe décisive à Trezeguet, ndlr).