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Evra: "Je ne suis ni capitaine, ni leader. Je suis Patrice, je fais du Patrice"

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EXCLU RMC SPORT. Parfois décrié, souvent incontournable, Patrice Evra reste à 34 ans un des tauliers de l’équipe de France. Un vrai compétiteur, exigeant et sans langue de bois, qui ne lâche rien et qui sent que l’équipe de France a un gros coup à jouer lors de son Euro à domicile. Entretien exclusif.

Patrice, vous sortez de deux bons matchs avec les Bleus, que pensez-vous des résultats de cette équipe de France ?

Après les performances contre la Belgique et l’Albanie (deux défaites, ndlr), on a sifflé la fin de la récré. On ne pouvait pas jeter tout ce qu’on a fait après le Brésil et pendant la Coupe du monde. On a décidé de mettre le bleu de chauffe à chaque match. Preuve qu’on est dur avec nous-mêmes, ça nous a énervés de prendre ce but en fin de match. Il semble qu’une ossature se dégage réellement de cette équipe.

Pensez-vous aller au bout de l’Euro ?

Le groupe qui a fait cette Coupe du monde était fier. Quand on décide de mettre le bleu de chauffe à chaque match, on est difficile à battre. Je ne suis pas savant au point de dire qu’on va gagner cette compétition. On est confiant et nos attentes sont hautes. C’est ce qu’on s’est mis dans la tête. Dès qu’il manque un joueur, ça se ressent car ce groupe est en osmose. Il n’y a pas de star. C’est ce qui me fait plaisir. On est tous à l’écoute des uns des autres et du sélectionneur. On gagne, mais on pense à ce qu’on peut faire de mieux. On est dur avec nous-mêmes car on veut faire plaisir à nos proches et aux supporters français. Je ne vais pas commencer à dire qu’on va gagner l’Euro, mais ce maillot on va le respecter jusqu’au bout.

L’équipe de France a gagné ses compétitions passées avec un leader technique. Est-ce indispensable pour cet Euro ?

Je ne pense pas. Il peut aussi se découvrir à l’Euro. Mais je pense à des joueurs à grosses responsabilités comme Karim Benzema. C’est avec ces joueurs qu’on peut gagner l’Euro.

Comment avez-vous vécu les critiques ?

Si tu as le caractère et une grosse personnalité, ça fait aller de l’avant. Pour moi, Karim est un grand attaquant. Je ne suis pas le sélectionneur mais à ses yeux, je pense que c’est le numéro 1. Il doit assumer. Il est là pour planter. Il se fait siffler à Nice, mais au final il met 2 buts. Les critiques, on les subit. On ne peut pas rendre tous les gens heureux. Je lui conseille de continuer à travailler. Il sait qu’on le mettra dans les meilleures conditions pour qu’il brille.

Et que penser du petit dernier, Anthony Martial ?

C’est la première fois que je voyais un match de sa part. C’est impressionnant. Je lui ai dit à la fin du match :’’j’espère que tu t’hydrates bien et que tu t’étires bien. Continue à accélérer comme ça.’’ Tous les ballons qu’il touche, il accélère, il percute.

Même si vous ne portez plus le brassard, n’êtes-vous pas le véritable capitaine de l’équipe de France ?

Je ne suis ni capitaine, ni leader. Je suis Patrice, je fais du Patrice. Je suis quelqu’un avec beaucoup d’expérience, qui va vers les autres. Le capitaine c’est Hugo Lloris. Il faut respecter ça. Faire du Patrice, c’est veiller à la santé du groupe. Je préfère que tous mes coéquipiers fassent un bon match et moi… En 2010, j’ai pris mon rôle trop à cœur. Désormais, avec mon expérience, j’arrive à récupérer l’énergie des uns et des autres. Ça me rend encore plus fort. Plus je vais vers les autres et plus j’arrive à me concentrer à faire mon boulot. C’est peut-être ce que je n’arrivais pas à faire.

Vous êtes celui qui cristallise les critiques…

Ce n’est pas grave. Je préfère prendre les balles pour tout le monde. Ce n’est pas un souci. Dans ma carrière, on ne m’a rien donné. Les critiques ne me feront pas arrêter ma carrière. C’est ce que j’ai dit après la Coupe du monde :’’partez tous en vacances, le seul qui prendra la guillotine, c’est moi.’’ C’est ce qui a été fait. Il n’y a pas de souci. Je suis en bonne santé et ma famille se porte bien. Il n’y a pas de problème.

On dit aussi que Jérémy Toulalan a été très marqué…

Aux dernières nouvelles, beaucoup de gens ont été traumatisés après Knysna, mais je ne sais pas. Jérémy est un super mec. Je lui souhaite de revenir en équipe de France si c’est son objectif.

A 34 ans, vous êtes là et bien là. Comment l’expliquer ?

Comme une bonne bouteille de vin (rire). Je ne manque de respect à personne. Je fais mon boulot. J’ai confiance en mes qualités. Je ne suis pas un tricheur. Le jour où je pense ne plus être au niveau, j’arrête. Même à 34 ans, je veux progresser. Je ne lâche rien. J’ai faim. C’est pour ça que ça donne des bonnes prestations.

Pourtant la concurrence est là avec les Kurzawa, Digne, Trémoulinas…

Il y a la relève, mais j’ai passé beaucoup de tempêtes. L’Equipe avait fait un article titré : le miraculé. Mais ça m’énerve car je ne suis pas un miraculé. Un miraculé, c’est quelqu’un comme Bobby Charlton qui échappe à un crash (en 1958) et continue à monter dans un avion. Je ne suis pas un miraculé. J’ai du caractère et je ne lâche rien. On peut me tirer dessus, mais je sais ce que je veux. La concurrence est difficile. J’essaye de mettre les jeunes dans les meilleures conditions, mais je leur dis que je ne lâcherai rien. Je vis le moment présent. Le sélectionneur me l’a dit : ‘’tu es au niveau tu joues, sinon tu ne joues pas’’. Après la Coupe du monde au Brésil, j’ai un peu hésité à continuer en bleu. J’ai eu une discussion avec le sélectionneur, ça m’a convaincu de continuer parce qu’il est franc, honnête et ne fait pas de cadeau.

Qu’est-ce que serait un Euro réussi ?

Je n’ai pas envie de dire gagner l’Euro, mais c’est la réalité. C’est faire plaisir à son pays, à nous-mêmes. On peut faire quelque chose de gros. Je n’ai pas envie de nous enflammer, mais il y a quelque chose dans cette équipe. Après le Brésil, mes vacances étaient gâchées parce que je n’avais pas gagné la Coupe du monde. Je n’ai pas envie que cela se reproduise.

N’avez-vous pas envie d’appeler Ribéry ?

Bien sûr que oui. On s’échange quelques textos. C’est un joueur qui me manque dans mon quotidien. Si Franck revient, personnellement, je l’accueille à bras ouvert. Mais je ne suis pas le sélectionneur. J’ai envie de voir tous les joueurs prêts à mouiller le maillot, à jouer avec un état d’esprit et à m’aider à gagner.

la rédaction