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France-Danemark: Guy Stéphan, une première très particulière pour l'habituel homme de l'ombre

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En l'absence de Didier Deschamps, resté auprès de sa famille après la mort de père, c'est son adjoint Guy Stéphan qui dirigera les Bleus, ce vendredi (20h45), contre le Danemark en Ligue des nations. Un rôle de numéro un momentané qu'il n'a plus occupé depuis de longues années.

Il est à la fois le bras droit et la bonne étoile de Didier Deschamps. Celui qui murmure à l’oreille du Basque et s’assoit toujours à sa gauche les jours de matchs. Un homme de l’ombre et un rouage essentiel qui sait rester à sa place, en toute discrétion. Ses ambitions personnelles, Guy Stéphan les a mises de côté depuis longtemps pour seconder le sélectionneur de l’équipe de France. L'un ne va pas sans l'autre. Le Breton forme avec Didier Deschamps l’un des tandems d’entraîneurs les plus soudés du football mondial. Cela fait treize ans que l’ex-capitaine des champions du monde 1998 et le natif de Ploumilliau, cité de 2.500 âmes située dans les Côtes-d’Armor, imaginent ensemble causeries et schémas tactiques.

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Fidélité et confiance

Chacun connaît suffisamment son rôle pour ne pas marcher sur les plates-bandes de l’autre. Mais pour une fois, Guy Stéphan va se retrouver en pleine lumière. Dans des conditions bien malheureuses. En l’absence de Didier Deschamps, endeuillé par la mort de son père, c’est lui qui dirigera les Bleus vendredi soir face au Danemark (20h45), en Ligue des nations. "J’ai régulièrement Didier au téléphone depuis mardi. Il est bien évidemment touché par le deuil qui le frappe. Mais il est costaud, il est solide. Il ne sera pas là demain mais il reviendra prochainement. Il est auprès de sa famille qui a besoin de lui. Avec l'ensemble du staff, on cherche à assurer la continuité jusqu'à son retour. C'est ce qu'il a demandé", a-t-il sobrement confié ce jeudi en conférence de presse.

Bien avant de toucher au Graal le 15 juillet 2018 sous le déluge du stade Loujniki de Moscou, le duo a d’abord officié à l’OM entre 2009 et 2012, avec au bout un titre de champion de France en 2010, un sacre attendu sur la Canebière durant dix-huit ans. Leur histoire commune s’est naturellement prolongée en sélection. Sans accrocs et avec la même obsession pour la victoire. "S’il fallait retenir trois mots pour qualifier un adjoint, je citerais fidélité, confiance, complicité. Guy les incarne tout à fait, disait à son sujet Didier Deschamps dans le journal Le Monde en 2014. Fort de son expérience et à l’opposé du béni-oui-oui qui dit amen à tout ce que dit le chef, il livre sans détour son analyse et ses propositions. Après, je prends ma décision et cela devient la décision, notre décision, sans état d’âme de sa part."

Des échecs à Lyon et Bordeaux

Dans son livre "La vie en bleu" publié en 2021, l'ancien chef de presse de l'équipe de France Philippe Tournon affirme que "leur complicité, surtout pas ostentatoire, est totale". Leur première rencontre a lieu en 1998 lorsque Guy Stéphan rejoint la Direction technique nationale à la demande d’Aimé Jacquet, dans la foulée du titre mondial. Ils se retrouvent neuf ans plus tard sur le plateau de Canal+, où ils officient comme consultants. Une amitié se noue, et Didier Deschamps émet très vite l’idée d’une collaboration future. Un an plus tard, les voilà embarqués dans la fournaise marseillaise. "Je mesure la chance que j’ai quand il me propose ça, racontait Guy Stéphan en 2019 auprès d’Eurosport. Au vu sa carrière de joueur et ses débuts en tant qu’entraineur, je sais que j’ai quelqu’un d’exceptionnel en face de moi."

Guy Stéphan, entraîneur des Girondins, en juin 1997
Guy Stéphan, entraîneur des Girondins, en juin 1997 © AFP

C’est un tournant majeur dans sa carrière. Une nouvelle vie, même. Car après avoir usé ses crampons à Guingamp, Rennes ou encore Le Havre, l'ancien milieu offensif s'est construit une certaine réputation en tant que numéro un. Au début en seconde division à Montceau-les-Mines et Annecy, puis au plus haut niveau à Lyon, où il prend les rênes du club en 1995. D’abord une réussite, sa mission se termine mal puisqu’il est lâché par son groupe et mis au placard par Jean-Michel Aulas après une déroute à Auxerre (7-0) en octobre 1996. Il file alors à Bordeaux. Embauché à l’été 1997, il prend la porte l’hiver suivant et est remplacé par... son adjoint Elie Baup, rattrapé par un recrutement raté et une série de mauvais résultats. Ces échecs n’empêchent pas la FFF de lui faire confiance pour rejoindre la DTN et le staff de Roger Lemerre.

Un "lanceur d'alerte"

Après l’euphorie de l’Euro 2000 et le fiasco du Mondial 2002, son parcours le mène sur le continent africain. Il dit oui à la sélection sénégalaise pour prendre la suite de Bruno Metsu. L'objectif : qualifier les Lions de la Teranga pour le Mondial 2006. Raté. Il est viré en 2005 et prend la direction d'Istanbul pour épauler Jean Tigana jusqu'en 2007 aux commandes du Besiktas. Avant, donc, de retrouver Didier Deschamps. Loyal, habitué à ne rien laisser au hasard, et loué pour son intelligence, l'ancien international junior - qui a vu sa carrière de joueur s'arrêter à 29 ans après un accident de la route - aime se présenter comme un "réducteur d'incertitudes". Un filtre précieux entre les joueurs et le staff, une voix qu'on écoute. "Un adjoint, c’est un lanceur d’alerte. L’adjoint doit dire ce qu’il voit, il doit échanger avec son numéro un, argumenter avec lui. Cela ne doit pas être quelqu’un qui dit oui à tout", décrivait-il en 2019.

A 65 ans, le père de Julien, entraîneur de Strasbourg, continue de s'épanouir pleinement à ce poste. Au point de tirer un trait définitif sur la plus haute des fonctions ? "Je me suis déjà posé la question : ‘Que pourrais-je avoir de mieux, moi qui arrive de tout en bas ?’ J’évolue avec l’élite du foot français, en sélection, on gagne des matchs et des trophées. J’ai une complicité avec le sélectionneur…", expliquait-il à Eurosport il y a trois ans. Dans quelques mois, au Qatar, il vivra peut-être sa dernière phase finale d'un grand tournoi avec les Bleus, si lui et Didier Deschamps décident de tourner la page. En attendant, il espère rendre fier celui qui est devenu son ami en remplissant un peu plus que sa mission habituelle face aux Danois au Stade de France.

https://twitter.com/rodolpheryo Rodolphe Ryo Journaliste RMC Sport