Maillots deux étoiles: autopsie d'une pénurie

Plus que cinq jours avant Noël. Comme de nombreux supporters des Bleus, vous rêvez peut-être d’avoir au pied de votre sapin le maillot deux étoiles de l’équipe de France. Déjà bravo, parce que vous êtes particulièrement patients: cela fait maintenant cinq mois que les Bleus sont champions du monde et les précieuses tuniques n'arrivent qu'au compte-goutte.
"Ils arrivent en bateau et le bateau va un peu moins vite que prévu, donc c'est très en retard. Mais ça viendra", avait annoncé le 8 décembre dernier le patron de la FFF Noël Le Graët. D’après les informations de RMC Sport, une commande est arrivée ce jeudi à la boutique de la FFF. Entre 3.000 et 4.000 maillots deux étoiles seront ainsi vendus en magasin et sur le site internet.
Depuis mars, 800.000 maillots Nike de l’équipe de France (une et deux étoiles) ont été vendus. Entre le sacre mondial des joueurs de Didier Deschamps jusqu’à aujourd’hui, 200.000 maillots deux étoiles de l’équipe de France ont été produits et distribués en magasins. Près de 200.000 maillots deux étoiles devraient être mis en vente courant 2019. Les produits dérivés siglés deux étoiles ont par ailleurs permis de multiplier la vente de ces produits par trois. Pour rappel, il faut bien différencier deux types de maillots: le maillot "replica" vendu au prix de 80 euros et le maillot de match vendu au prix de 140 euros.
Nike met en avant des difficultés
Le maillot "replica" est presque introuvable en magasin (Go Sport, Intersport, boutique de la Fédération…), ni sur Internet. Le maillot de match est en revanche disponible en magasin (Nike) et sur le site internet de Nike. Concernant la "pénurie", Nike met en avant les difficultés de produire le maillot: trouver la matière première, trouver des lignes de production disponibles, acheminer la marchandise par bateau. Selon Pierre Arcens, DG d’Adidas France en 1998, Nike aurait pu réduire ses délais au niveau de l’acheminement notamment. Mais la marque américaine transporte sa marchandise par bateau (entre 1 mois et 1 mois et demi de délais).
L’avion est une solution alternative qui permettrait considérablement de réduire les délais de livraison (10 jours maximum). Revers de la médaille: Nike devrait rogner sur une partie de sa marge car cette solution est plus coûteuse. L’autre raison de cette pénurie, non confirmée par Nike, concernerait les priorités de l’équipementier américain en terme de production. Nike détient de gros contrats avec de nombreux clubs, fédérations et ligues. Comme avec la NBA par exemple lorsqu’en 2015 Nike devient l’équipementier de la ligue américaine à compter de la saison 2017-2018 et produit les maillots des 30 franchises. Un contrat estimé par ESPN à 1 milliard de dollars sur 8 ans soit 125 millions de dollars par saison.
Les Bleus moins "bankable"?
Le contrat entre la FFF et Nike est évalué à "seulement" 50 millions d’euros par an. Il se pourrait donc que l’équipe de France ne soit pas une priorité car moins "bankable" sur le marché international que la NBA, dont la saison a justement commencé eu septembre. En interne, la FFF semble subir la situation. La fédération discute avec Nike, essaye d’obtenir des explications mais bute sur la version officielle: les délais de livraison des maillots sont "classiques", impossible d’aller plus vite. Se pose alors une question: était-il possible d’anticiper le sacre de l’équipe de France afin de produire les maillots dans les délais? Nike a une mauvaise expérience concernant ce procédé.
En 2014, la firme américaine avait commencé à produire des maillots du Brésil avec 6 étoiles, avant l’humiliation de la Seleçao face à l’Allemagne en demi-finale (défaite 7-1). Résultat: l’équipementier s’était retrouvé avec plusieurs milliers de maillots du Brésil 6 étoiles sur les bras et impossibles à vendre. Et si Nike a parié sur des sélections pour l'édition 2018, ce n'étaient donc pas les Bleus.
L'équipementier américain, qui touche l'essentiel des royalties sur les ventes de maillot est le grand perdant. Cette pénurie de maillot a permis à des sites de contrefaçons (comme Maillots Factory par exemple) de s’enrichir en vendant de faux maillots deux étoiles à des prix souvent compétitifs (15 euros).