
Nul et non avenu…

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Pour les Bleus, l’équation est simplissime : il leur faut battre coûte que coûte l’Irlande pour conserver quelques chances de rêver au Weltmeisterschaft, la Coupe du monde 1974 organisé en Allemagne. A l’aller, les joueurs de Georges Boulogne se sont inclinés (2-1). Il y a de la revanche dans l’air. Et dès le début du match, dans le nouveau Parc des Princes comble, les coups volent bas.
Un défenseur moustachu et réputé abrasif fête sa première sélection : Raymond Domenech. A 21 ans, le jeune Lyonnais vient de remporter la Coupe de France quelques jours plus tôt. Il se lance dans la mêlée les crampons en avant.
Au fil d’une rencontre engagée, la défense irlandaise semble infranchissable. A l’heure de jeu, Boulogne lance Serge Chiesa dans la bataille. Scène cocasse, le joueur remplacé, Jean-Michel Larqué, ne sort pas. Durant quelques secondes, les Bleus jouent à douze. L’arbitre s’en aperçoit et inflige un avertissement au petit lutin lyonnais.
Un débutant nommé Domenech
Sans doute mortifié par sa déconvenue, ce dernier délivre le Parc des Princes. Un corner de Loulou Floch est repris de volée par Henri Michel. La frappe du Nantais est trop croisée, mais Chiesa dévie le ballon dans le but de Kelly (78e, 1-0).
Les Français pensent avoir fait le plus dur, mais ils sont victimes d’un relâchement coupable. Cinq minutes plus tard, Martin égalise (83e, 1-1). Une chape de plomb s’abat sur les épaules tricolores. Au coup de sifflet final, les Bleus ont compris. Leur rêve de participer à une Coupe du monde est brisé. Une semaine plus tard, la défaite à Moscou face à l’URSS (0-2) scelle définitivement le destin d’une génération. Quatre ans plus tard, Marius Trésor et Henri Michel seront les seuls du onze titulaire à goûter au parfum épicé du Mundial argentin…
La fiche technique
A Paris, Parc des Princes, le 19 mai 1973
Qualification pour la Coupe du monde 1974
France-République d’Irlande 1-1 (0-0)
Buts : Chiesa (78e) pour la France ; Martin (83e) pour l’Irlande
France : Carnus – Domenech, Quittet, Trésor, Rostagni – Adams, Michel, Larqué (Chiesa, 61e) – H. Revelli, Floch, Bereta.
République d’Irlande : Kelly – Carroll (Herrock, 25e), Mulligan, McConville, Holmes – Martin, Hand, Byrne, Dennehy – Treacy, Givens.
Arbitre : M. Rainea (Roumanie)
40 405 spectateurs
Le grand témoin
Marius Trésor : « Il nous manquait encore de l’expérience »
« Le match avait très difficile pour l’équipe de France. L’Irlande avait opposé un gros défi physique. Et nous avions souffert. Mais on n’avait pas été ridicule non plus. On avait surtout eu la chance d’ouvrir le score, mais on s’est peut-être relâché inconsciemment. Ça nous a coûté l’égalisation en toute fin de match. Ces gars-là ne lâchent jamais. C’est le fameux fighting spirit. Ils se battent sur toutes les balles. Et puis les joueurs irlandais jouaient tous dans le championnat anglais. Ils avaient l’habitude de ce genre de match, à haute intensité. Il nous manquait encore cette l’expérience du haut niveau. Le football français n’était pas reconnu comme aujourd’hui. Nos clubs ne brillaient pas en coupe d’Europe. On avait du mal à se situer sur un plan international. Cependant, quand tu joues chez toi et que tu as encore une petite chance de te qualifier pour une Coupe du monde, c’est une énorme déception de concéder le nul et de laisser filer la qualification dans ces conditions. »