Savidan : « En équipe de France, je me suis demandé si j’étais vraiment à ma place »

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Tout d’abord, où en êtes-vous aujourd’hui ?
Eh bien je dois dire merci à la Sécurité Sociale, car je ne suis pas rémunéré par mon club depuis six mois (NDLR : il est sous contrat avec Caen jusqu’en 2012). Le 26 janvier, j’ai rendez-vous. Il y a des erreurs de procédure de leur côté. Nous sommes actuellement dans une procédure juridique, et on va essayer de trouver la meilleure solution pour nous tous.
Parlons de votre livre à présent. Vous revenez sur toute votre carrière en toute transparence, en évoquant notamment sans détour le montant de vos salaires…
Je voulais que ce livre soit à mon image. J’ai toujours fait franc-jeu avec tout le monde : il fallait donc que j’aille jusqu’au bout. En affichant ma progression salariale, je souhaitais montrer qu’on pouvait gagner de l’argent en jouant au football, mais surtout qu’on pouvait aussi en perdre si on n’est pas bon.
Vous indiquez n’avoir jamais eu de primes de but dans vos contrats. Pour quelles raisons ?
C’était un choix délibéré. Quand on me l’a proposé la première fois, j’ai trouvé ça un peu bizarre. Ça m’a toujours posé problème d’avoir une prime individuelle dans un sport collectif. Je ne critique pas ceux qui le font, mais je trouvais simplement que c’était incompatible avec le comportement que j’essayais d’avoir dans une équipe.
Six mois après que l’on vous ait découvert un problème cardiaque (une dysplasie ventriculaire droite arythmogène) qui a mis un terme à votre carrière alors que vous alliez signer à Monaco, avez-vous fait le deuil de votre passion du foot ?
Non. Je n’ai pas besoin d’en faire le deuil. J’ai très bien vécu ma carrière sportive. Je dois simplement me dire que c’était sympa, mais que maintenant je dois continuer à avancer.
Avez-vous mis suffisamment d’argent de côté durant votre carrière professionnelle pour voir tranquillement l’avenir ?
Non, pas du tout !
Mais quand on a été international comme vous l’avez été, cela donne sans doute droit à certains privilèges non ?
Oui. De rouler en Berlingo blanc à Angers ! C’est la plus grande des classes !
« Il y a une coupure entre les Bleus et leur public »
Comment avez-vous vécu le passage entre l’anonymat du début de votre carrière et la gloire tardive dont vous parlez ?
Ma chance a peut-être été de bien me casser la gueule au départ en allant de désillusion en désillusion. J’ai longtemps pensé qu’il suffisait de jouer au football pour être riche. Je me suis bien trompé. Mais ça, il a fallu que je l’apprenne. J’ai aussi eu la chance d’avoir trouvé sur mon chemin des personnes qui m’ont poussé à faire mieux. Je les cite dans mon livre : ce sont notamment mes deux entraîneurs à Valenciennes, Daniel Leclercq et Antoine Kombouaré. Ils m’ont aidé à comprendre le vrai sens du football, ou en tout cas le sens que je voulais donner au foot, c’est-à-dire réussir dans la discipline.
A l’époque, vous aviez une réputation de joueur fêtard et ingérable…
Mais c’était vrai. J’ai toujours dit que le comportement que j’avais n’était pas digne de celui qu’on est sensé attendre d’un joueur de haut niveau. A ma décharge, à l’époque je ne savais pas ce qu’on pouvait attendre d’un footballeur professionnel, puisque je n’avais jamais été en centre de formation. Il a fallu que j’apprenne très rapidement.
En novembre 2008, vous êtes appelé en équipe de France. Vous dîtes toutefois que cette récompense est un peu vexante, dans le sens où si la sélection en Bleu était intervenue six mois plus tôt, cela aurait été davantage une récompense sportive que médiatique…
D’abord, je tiens à dire que je ne crache en rien sur le système ou sur les personnes qui ont participé à ma sélection. Simplement, il y a eu un tel battage à un moment donné que je me suis demandé si c’était mes résultats ou la force médiatique qui était à l’origine de ma sélection. A tel point que, lorsque j’étais en équipe de France, je me suis demandé si j’étais vraiment à ma place.
Vous avez l’impression d’avoir été l’objet de la nouvelle politique de communication de la fédération, après la débâcle de l’Euro 2008…
Oui, je me suis posé la question. Mais la meilleure réponse que je pouvais donner était de montrer sur le terrain que j’avais envie de jouer et que je méritais ma place.
Dans votre livre, vous évoquez clairement le fossé qui sépare le public des Bleus…
C’est vrai qu’il y a une coupure. C’est en tout cas mon sentiment, ce que moi j’ai ressenti de l’intérieur. Je ne veux pas cracher dans la soupe, c’est simplement un témoignage. Etant moi-même supporter des Bleus, j’ai eu la chance de vivre au sein de l’équipe de France, et il y a quand même des trucs qui ne collent pas.
« C’est à Monaco que je suis ‘’décédé footballistiquement’’ »
Vous décrivez notamment Clairefontaine comme un lieu coupé de tout, "bunkerisé" au possible...
Oui, c’est vraiment ce que j’ai ressenti. Mais peut-être est-ce parce que je n’y suis resté que trois jours ? Ou alors parce que j’arrivais du club le moins huppé de la table (Caen). Il y a un vrai décalage.
Malgré tout, vous êtes-vous fait des copains lors de ce stage ? Avez-vous reçu des nouvelles d’un international français depuis le mois de juillet ?
Karim (Benzema) m’a envoyé un texto, Rod Fanni aussi, Ribéry, Vieira, Boumsong… Mais après je peux comprendre les autres. Les gars de ma génération, les trentenaires, se connaissent tous depuis l’âge de 15 ans, quand ils fréquentaient les mêmes centres de formation ou le pôle France.
Pourquoi avez-vous choisi une photo de vous avec le maillot de Monaco pour la couverture du livre ?
Simplement car c’est à Monaco que je suis « décédé footballistiquement », le jour de mon 31e anniversaire en plus. Cette photo, c’est aussi la dernière photo de ma carrière sur un terrain de football.