Erreur lors du concours d’agents de joueurs de football: "On sait très bien que la FFF aura le dernier mot"

Tous les juristes et avocats spécialisés dans le monde du football contactés par RMC Sport sont formels. La réponse donnée par les cinq candidats à la question n° 10 du concours était la bonne. Aujourd’hui, Antoine Wattier (35 ans) a décidé de se battre pour réparer cette injustice et obtenir sa licence.
Le concours attire de nombreux candidats et entraîne énormément de recours. Lors de la première partie organisée au CNOSF, 33 personnes ont été reçues sur 787 postulants, tandis que 22 candidats (sur 188) ont réussi la deuxième partie de l'examen organisée par le Centre de formation des apprentis spécialisé (CFAS).
Antoine Wattier a réalisé de nombreux sacrifices pour se présenter. Interrogé par RMC Sport, il ne demande rien de plus qu’une révision de sa note de 13 à 14 sur 20 (note nécessaire pour obtenir le diplôme).
Antoine Wattier, pouvez-vous expliquer comment se déroule cet examen?
Il se déroule en deux temps. Nous avons une première épreuve, qui est l’épreuve générale organisée par le CNOSF. Cette épreuve se déroule vers octobre-novembre. Il faut obtenir la note de 10 afin d’avoir le droit de se présenter à la deuxième épreuve. Cette seconde partie est spécifique et correspond à la discipline que l’on souhaite présenter. Pour moi, c’était le football.
Cette épreuve se compose de 20 questions, chaque question apportant un point. Sur cette deuxième épreuve, il faut obtenir la note de 14 sur 20 pour obtenir la licence. Cette année, une erreur s’est glissée dans la correction à la question 10, faisant perdre un point à plusieurs candidats. Et aujourd’hui, nous sommes cinq à avoir eu 13 sur 20, au lieu de 14, et donc cinq à ne pas avoir notre licence à tort.
Sur cette question, tous les juristes sont formels, la bonne réponse était la réponse E. C’est ce que vous aviez indiqué sur votre examen?
Oui, c’est ça. Et la Fédération française de football (FFF) dans sa correction a dit que la bonne réponse était la C. Ce qui est faux. La problématique de la question porte sur la sanction qu’encourt un joueur qui a joué alors qu’il était suspendu. Outre les centres de formations des agents de footballeurs qui confirment nos propos, nous nous basons sur les articles des règlements généraux de la FFF au programme de nos révisions.
Ceux-ci sont clairs: le joueur encourt une nouvelle sanction sans en préciser la teneur. Les réponses A, B, C et D de cette question 10 proposaient une sanction au joueur avec un nombre de matchs déterminés, ce qui est par conséquent impossible. Seule la réponse E, dont l'intitulé était "aucune réponse ne convient", pouvait être la bonne réponse à la question 10. Dans la pratique, selon les règlements des ligues et des districts, les sanctions varient de 1 à plusieurs matchs, ce qui vient renforcer le choix de la réponse E.
Comment avez-vous repéré cette erreur?
Le soir de l’examen, les écoles spécialisées envoient leur correction. J’avais calculé que j’étais à 14 sur 20. En recevant mon courrier, je m’aperçois que je suis à 13 sur 20. J'étais déçu et j’ai demandé l’extraction de ma copie afin de comparer avec le corrigé de l’école.
J'ai reçu ma copie sous 48 heures par mail et en relisant la version corrigée, je vois que la question 10 est considérée comme fausse. Pour vous dire, c’était l’une des trois questions où j’étais certain de ma réponse. Nous avons ensuite consulté de nombreuses personnes et spécialistes, tous unanimes, affirmant que la réponse E était la bonne.
Vous n’avez pas eu votre concours à cause de cette question, mais cela veut dire que certains ont eu leur concours grâce à une réponse fausse?
Oui. Ils sont au nombre de trois, au minimum, que l'on connaît et qui sont concernés par cette situation. Ils ont eu leur licence avec un 14 sur 20 exactement.
La situation que vous dénoncez vous a poussé à engager plusieurs recours par la suite, n'est-ce pas?
Nous avons déposé un premier recours devant le CNOSF. Ils ont répondu qu'il n'était pas de leur ressort de statuer sur cette erreur, nous avons donc formulé deux autres recours devant la FFF. Un premier recours gracieux avec différents arguments. Ils ont répondu qu’il n’y avait aucune erreur et que la grille de correction avait bien été appliquée sur la copie. Ce qui est vrai. Ils ont appliqué leur grille de correction, mais qui comporte une réponse fausse.
La petite subtilité est là, ils ont refusé de vérifier le contenu du corrigé. Certaines personnes nous ont conseillé de formuler un deuxième recours dans lequel on précise bien qu’on ne remet pas en cause l’application de la grille de correction, mais que nous remettons en cause le fait que la grille appliquée est fausse s'agissant de la réponse à la question 10.
Avez-vous obtenu une réponse?
Aucune, hormis la réponse de la FFF sur le plateau de M6, où elle a dit que ça se réglerait devant les tribunaux. C’est le dernier retour que l’on a eu. La procédure au Tribunal est toujours en cours mais prend du temps, et pendant ce temps, nous ne pouvons pas exercer. D'autant que la FFF joue sur le facteur temps en répondant toujours aux demandes du Tribunal hors délai légal.
Ce serait tellement plus simple s'ils acceptaient de se pencher sur le fond du problème plutôt que d'esquiver en jouant sur la forme. On a tous le droit de faire des erreurs, ça arrive à tout le monde. Je veux simplement qu’ils reconnaissent cette erreur. Et pour vous dire, au tribunal, je n’ai pas demandé de dommages et intérêts, rien du tout. Juste de reconnaitre l’erreur et de reconnaître mon droit d exercer le métier d'agent.
Gardez-vous un esprit combatif dans ce dossier?
J’ai envie de me battre. C’est le quotidien d’un agent de défendre les intérêts de ses joueurs, ça commence par savoir se défendre soi-même. Quand j’ai vu notre situation, je me suis dit, je vais m'adresser à ceux qui pourront faire bouger les choses. J’ai écrit aux membres du Comex de la FFF, ils ont tous reçu un courrier avec le dossier entier, qui pèse près d’un kilo. Je n’ai eu aucun retour.
Je me suis ensuite rapproché du député de mon canton qui a pris attache auprès du ministère des Sports. La réponse de ce dernier était décevante, il a juste transmis le dossier à la FFF, autant dire que ça n'a aucun impact. Autant vous dire que personne n’a bougé jusqu’à aujourd’hui. Vous savez, présenter ce concours représente un investissement énorme.
Souvent, c’est le rêve et le projet d’une vie. Mais là, nous avons l’impression que Monsieur Jean Lapeyre, directeur général adjoint de la FFF, ne veut rien entendre. Certaines personnes de la commission compétente de la FFF ont quand même confié en off qu’il y avait une erreur manifeste dans le corrigé. Ils ont utilisé ces mots. Mais Monsieur Lapeyre a pris sa décision et il ne veut rien entendre, sa seule réponse est: "on verra ce que le tribunal va décider."
Selon plusieurs agents, la FFF avait déjà rencontré un problème identique, vous confirmez?
Oui, et ils ont corrigé directement. Ils ont apporté le point supplémentaire à ceux qui avaient émis la bonne réponse, laissant le point à ceux qui avaient validé la licence à la limite. L'affaire était réglé très rapidement. Mais on va se battre et obtenir notre licence.
En face de nous, c’est quand même la FFF et on sait qu’elle risque d’avoir le dernier mot dans cette histoire. Les recours sont récurrents. Sauf que cette année, il ne peut y avoir d’interprétation, contrairement aux autres années. Le règlement et les textes sont clairs.
Votre histoire intéresse aussi la commission d’enquête parlementaire sur les défaillances au sein des fédérations...
J’ai regardé l’audition de Jean Lapeyre devant les députés. Et puis à la suite de ce passage devant les députés, j’ai envoyé l’ensemble de mon dossier à cette commission pour montrer l’un des dysfonctionnements de la FFF. On verra si ça peut servir aux députés dans la confection de leur rapport et si ça peut faire bouger les choses pour notre affaire.
Nous avons vraiment envie de sortir par le haut de cette histoire. Nous ne comprenons pas que la FFF consacre de l’argent à des frais de justice pour ce type de demande qui se résout en quelques secondes en règle de droit. Nous ne sommes pas là pour faire le procès de qui que ce soit. Nous voulons juste que cette erreur soit corrigée par la FFF et que ce concours basé sur la méritocratie en revienne à ses valeurs.