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EXCLU RMC SPORT

"Culture club", "contrôle du jeu", "talents locaux": les clés de la réussite des Norvégiens de Bodo/Glimt, qui défient Nice en Ligue Europa

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Auteur d’un début de campagne séduisant en Ligue Europa, Bodo/Glimt a rendez-vous à l’Allianz Riviera ce jeudi (21h) pour affronter l'OGC Nice. Avant ce déplacement dans le sud de la France, le directeur sportif Havard Skariassen explique à RMC Sport comment le club norvégien est devenu une référence dans son pays. Et une formation désormais respectée en Europe.

Havard Sakariassen, le club norvégien de Bodo/Glimt, dont vous êtes le directeur sportif, va affronter l’OGC Nice en Ligue Europa, ce jeudi à l’Allianz Riviera (21h). Quel regard portez-vous sur le Gym?

C’est une équipe solide, qui réalise une saison un peu étrange. Ils ont de très bons résultats en Ligue 1 et je ne sais pas pourquoi ils réussissent moins bien en Ligue Europa. Mais nous nous préparons à affronter une équipe forte, en espérant pouvoir réaliser une bonne performance. Leurs mauvais résultats en Coupe d’Europe m’étonnent, parce qu’ils ont vraiment une bonne équipe. Parfois, c’est comme ça, vous n’avez pas toujours les résultats que vous méritez. Mais nous ne regardons pas seulement le classement de Nice dans la compétition, nous savons très bien que c’est une équipe dangereuse.

Bodo/Glimt est actuellement 10e de Ligue Europa, loin devant Nice, qui occupe l’avant-dernière place (sans aucune victoire au compteur). Cela vous surprend?

Je ne dirais pas que nous sommes surpris, car nous avons des objectifs importants. Nous nous préparons à venir à Nice pour montrer le visage de Bodo/Glimt, à 100%. Nous souhaitons performer en gardant notre ADN. Si nous sommes capables de le faire tout le temps, nous aurons plus de chances d’obtenir des résultats. Nous avons réalisé de bons matchs dans cette Ligue Europa, à l’image de notre victoire contre Porto (3-2, fin septembre). C’était vraiment une belle prestation. Je suis fier de notre parcours européen. Vu de l’extérieur, ça peut sembler extraordinaire de voir une ville du cercle arctique de 50.000 habitants être capable d’atteindre ce niveau, mais nous œuvrons pour ça depuis de nombreuses années. Nous croyons en notre travail, en notre projet et en la manière dont nous appréhendons le football. C’est sympa d’être là aujourd’hui, mais nous le méritons.

Quelle est l’ADN de votre équipe?

Nous aimons être dominants. Dans notre championnat, nous avons un taux de possession très élevé. Nous essayons d’avoir le contrôle du jeu en nous montrant offensifs. Nous tentons d’imposer notre ADN à chaque match. J’espère que vous verrez à quoi ressemble Bodo/Glimt jeudi soir à Nice. C’est notre objectif. Quand vous jouez contre Nice, Porto ou Manchester United, ce sont des grandes équipes, mais le but est d’être courageux et de rester fidèles à nos principes de jeu. Dans la mesure du possible, nous voulons avoir le contrôle de la partie.

Bodo/Glimt a récemment remporté ses quatre premiers titre de champion de Norvège, comment expliquez-vous cette réussite spectaculaire?

C’est un club qui a patienté durant cent-quatre ans avant de décrocher son premier titre de champion (en 2020), mais Bodo/Glimt a tout de même une belle histoire. Entre les années 1970 et les années 1990, nous avons terminés plusieurs fois deuxièmes. Nous avons gagné deux fois la Coupe de Norvège (1975, 1993). Dans notre réussite actuelle, il y a évidemment une part de chance, mais aussi la récompense d’un travail bien fait. Au sein de notre effectif, nous avons beaucoup de joueurs locaux, comme Patrick Berg, Frederik Bjorkan ou Hakon Evjen, qui ont progressé pour exploiter pleinement leur potentiel. C’est l’une des raisons de notre réussite. Nous avons aussi structuré le club pour bien encadrer notre équipe. C’est la continuité de tout ce travail qui porte aujourd’hui ses fruits.

En tant que directeur sportif, quel est votre rôle au sein du club?

J’essaie d’être présent au quotidien. Je voyage avec l’équipe en déplacement. Je gère notamment la partie logistique avec le mercato, mais je travaille aussi à développer la culture du club. Parce que je pense que c’est une grande part de nos succès actuels. C’est important que les gens du club tirent dans la même direction, à tous les niveaux. A chaque instant.

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Comment fait-on pour avoir du succès avec un plus petit budget que les autres?

Il y a pleins de choses qu’on peut mettre en place gratuitement dans le football et il faut déjà le faire du mieux possible. Le football est un sport d’équipe, pas une discipline individuelle. C’est pour ça qu’il faut créer une vraie culture au sein du club, afin que tous les joueurs s’investissent à fond pour l’équipe. Avec cet état d’esprit, on peut créer une solidarité très forte. C’est essentiel pour un petit club qui espère devenir un géant. Si vous y parvenez, vous pouvez presque tout réussir. Quand on regarde en Europe, Liverpool est aujourd’hui une excellente équipe avec de grandes individualités, c’est dur de rivaliser avec eux. Mais il y a aussi beaucoup de clubs qui ne mettent pas forcément tout en place pour devenir de bonnes équipes, donc c’est une chance pour nous. Parce que ça reste un sport d’équipe.

Comment vous organisez-vous pour faire face aux conditions climatiques parfois difficiles à Bodo, une ville située au nord du Cercle polaire?

Pour nous, c’est normal (sourire). Bien sûr, nous devons nous adapter au mois de janvier, car c'est très difficile de jouer au foot à Bodo durant cette période. De jour comme de nuit, il y a généralement un demi-mètre de neige dehors. Il y a aussi parfois de la pluie. Mais cette année, nous avons effectué un stage de quelques semaines en Espagne, dans de très bonnes conditions. Nous n’avons rencontré aucun problème et quand nous sommes rentrés à la maison, le temps était clément. Nous avons pu nous entraîner en extérieur. Lors du math contre le Maccabi Tel-Aviv (3-1, la semaine dernière), les conditions étaient parfaites, avec zéro degré, pas de vent, un ciel clair et dégagé. Si on n’a pas de chance, on peut avoir quelques problèmes en hiver certains jours. Mais en ce moment, ça va. On n’a pas de soleil, mais le stade est éclairé, donc il n’y a pas de souci. Nous sommes habitués à ce climat, personne ne s’en plaint ici. Ça forge notre caractère.

Patrick Berg à Lens, Faris Moumbagna à Marseille, Albert Groenbaek à Rennes… les anciens de Bodo/Glimt ont du mal à réussir en Ligue 1 ces dernières années. Comment l’expliquez-vous?

Comme je vous le disais, ils viennent d’un club avec un forte culture. Nous faisons vraiment un gros travail sur cet aspect-là. Et ça fait une différence. Je ne dis pas ça contre un club en particulier, mais peut-être que lorsqu’ils vont dans de plus gros clubs, c’est davantage basé sur les individualités. Ça peut être l’une des explications. Pour moi, Patrick Berg est assez bon pour jouer dans de nombreuses équipes en France. Il est resté peu de temps à Lens donc il n’a pas forcément pu s’adapter à un nouvel environnement et une autre culture. Faris (Moumbagna) est blessé depuis longtemps (il a été victime d’une rupture du ligament croisé du genou droit en août dernier, NDLR). Groenbek est vraiment un super joueur, mais il doit être heureux pour performer.

Quel regard portez-vous sur l’équipe de Norvège, qui n’a plus disputé une grande compétition depuis l’Euro 2000?

L’équipe nationale a aujourd’hui certaines des plus grandes stars du monde, avec Martin Odegaard (Arsenal) ou Erling Haaland (Manchester City). Il y a aussi de grands talents qui arrivent derrière comme Antonio Nusa de Leipzig (19 ans) ou Oscar Bobb de Manchester City (21 ans), actuellement blessé à la jambe. Le potentiel de l’équipe devrait être très intéressant dans les années à venir. La Norvège n’avait jamais été aussi bien placée au classement Fifa (43e). Avec tous ces talents, j’espère vraiment que nous parviendrons à nous qualifier pour une Coupe du monde ou un Euro dans un futur pas trop lointain. Le Mondial 2026 doit être un objectif pour l’équipe nationale. Ce serait une bonne chose pour le football norvégien et notre championnat. Il y a un intérêt qui se crée avec nos bons résultats en Ligue Europa. Les gens viennent beaucoup plus au stade. C’est une période intéressante pour le foot dans notre pays.

Entre les performances d’Odegaard et Haaland en Premier League et l’épopée de Bodo/Glimt en Ligue Europa, ressentez-vous un engouement particulier en Norvège autour du ballon rond?

Oui, clairement. C’est drôle de voir ça à Bodo. Il y a sept ans, vous pouviez apercevoir des enfants avec des maillots de Ronaldo, Messi ou Neymar. Mais aujourd’hui, ils portent ceux de Berg ou Bjorkan. C’est vraiment sympa de voir ça. Nos joueurs sont en train de devenir des stars pour les jeunes de Bodo. C’est inspirant pour les jeunes footballeurs de voir qu’ils peuvent venir de Bodo, jouer pour Bodo/Glimt et aller à Old Trafford disputer un match de football.

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport