La sélection catalane galère avant son match événement face au Venezuela

Ce lundi soir, l’Europe du football aura probablement les yeux rivés sur France-Islande (20h45), Portugal-Serbie, voire Monténégro-Angleterre. En Espagne, c’est pourtant une autre rencontre qui fait couler de l’encre: au même moment, à Gérone, l’équipe de Catalogne affrontera le Venezuela en amical, pour la toute première fois de l’histoire dans un créneau Fifa.
Sélection régionale, comme il en existe en France avec la Bretagne ou la Corse, l’équipe de Catalogne a joué son tout premier match en 1912, mais n’est reconnue ni par l’instance dirigeante du foot mondial, ni par le Comité international olympique (CIO), ce qui l’empêche donc de jouer des parties officielles. Depuis plus de deux décennies, elle avait pris l’habitude de disputer dans l’indifférence générale quelques rencontres de gala durant les vacances de Noël, contre ses voisins de la sélection basque ou parfois des équipes nationales en phase de préparation. Mais après son dernier match contre la Tunisie en décembre 2016, la formation catalane s’était mis en sommeil.
Des clubs n'ont pas laissé leurs joueurs partir
Aussi, il y a quelques semaines, l’annonce d’une nouvelle affiche après deux ans de vide a créé la surprise, et encore plus quand le nom de l’adversaire, et la date du 25 mars ont été dévoilés. C’est là que les problèmes ont débuté pour le sélectionneur Gerard Lopez. Car malgré l’aval de la fédération espagnole de football, l’ancien joueur du Barça et de Monaco a eu bien du mal à constituer son groupe.
Coup sur coup, Huesca, le Rayo Vallecano et Valladolid, respectivement 20e, 19e et 16e de Liga, ont en effet apposé leur veto, refusant de laisser partir leurs éléments dans une équipe non reconnue alors que la fin de saison s’annonce périlleuse. Si l'argument sportif avancé par les trois clubs est compréhensible, il n'a pas échappé à la presse catalane que Valladolid avait d'abord donné son accord, avant de faire étrangement volte-face. C’est ainsi que Lopez a dû se passer de six joueurs ciblés, auxquels il faut ajouter les Catalans appelés avec la Roja (Jordi Alba, Sergio Busquets et Sergi Roberto), plus Deulofeu, trop occupé à Watford, et surtout… Xavi.
Xavi forfait à son tour
L’ancienne légende du Barça, qui a porté le maillot de la Catalogne à douze reprises, devait venir jouer une dernière fois en sélection régionale et recevoir un hommage spécial. Mais dimanche, à la veille de la rencontre, le milieu de 39 ans a aussi déclaré forfait. "J’ai le regret de vous annoncer que je ne serai pas à Montilivi (le stade de Gérone) pour le match contre le Venezuela, car mes engagements avec mon club ne me le permettent pas", a annoncé sur les réseaux sociaux le joueur d’Al Sadd (Qatar).
C’est donc sur un groupe restreint que va s’appuyer Lopez, un groupe où l’on trouve derrière le chef de file Gerard Piqué – seul joueur du Barça – des hommes comme Marc Muniesa (Gérone), Victor Sanchez (Espanyol), Marc Bartra (Betis), Aleix Vidal (FC Séville), Martin Montoya (Brighton) ou Bojan Krkic (Stoke City). "C’est la liste la plus difficile que j’ai eue à faire, a reconnu le sélectionneur. A Noël, ça dépend plus de la volonté des joueurs que des clubs. Mais en plein cœur de la saison, certains clubs jouent des choses importantes. Je me mets moi-même à la place des coachs et je peux les comprendre. Chacun a la liberté de défendre ses intérêts."
Un contexte politique particulier
Mais alors pourquoi jouer une rencontre en plein dans un créneau Fifa? Pour des raisons politiques, principalement. Depuis plusieurs années désormais, la Catalogne revendique avec véhémence son indépendance. Elle avait d’ailleurs tenté d’organiser un référendum en octobre 2017, qui avait débouché sur une grave crise politique.
Les leaders indépendantistes ont aujourd’hui bien compris que le football peut servir de vitrine à leur cause. Une sorte de soft power. "Il est très important de jouer pendant des dates Fifa et non en décembre ou à d’autres périodes farfelues, a expliqué Elsa Artadi, porte-parole du gouvernement de Catalogne. Cela aide l’équipe nationale et les fans à avoir de la visibilité." La conseillère s’est d’ailleurs réjoui d’avoir trouvé, après de très nombreux refus, un adversaire du calibre du Venezuela, bonne formation d’Amérique du Sud, qui vient d’ailleurs de battre l’Argentine (3-1).
Et après? A terme, les Catalans - du moins les indépendantistes - espèrent obtenir la reconnaissance de la Fifa. "Malheureusement nous ne pouvons actuellement jouer que des matchs amicaux sans participer aux compétitions internationales, mais le match de lundi va au-delà du sport, c’est une revendication, estime Artadi. Dans une période compliquée pour le pays, cela va renforcer les liens entre notre équipe et la population." Et les distendre avec le reste de l’Espagne?